Sofia Djama : «J’ai souvent remarqué que nous étions très bons en rhétorique…»

29/05/2023 mis à jour: 04:46
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Scénariste et réalisatrice, notamment du court-métrage Mollement un samedi matin primé un peu partout, et du long-métrage Les bienheureux, qui a eu plusieurs prix et a révélé Lyna Khoudri au 74e Festival du film de Venise en tant que lauréate du prix de la meilleure actrice, Sofia Djama, Béjaouie, Oranaise et bien d’autres choses, est aussi membre de la commission de lecture (ex-Fdatic, Fonds de développement de l’art, de la technique et de l’industrie cinématographique), présidée par Amar Tribèche.

Entretien réalisé par Chawki A.

  • Etes-vous optimiste concernant la loi sur le cinéma qui va bientôt être adoptée, maintenant que les assises se sont tenues et l’enrichissement demandé plus ou moins défini ?

Il me semble que toutes et tous avons été d’accord sur la nécessité de consacrer la liberté de création, car elle est au centre du métier/de l’art que nous pratiquons, sans elle, il n’y a pas de cinéma. 

Cela a été formellement déclaré, et ce, tout au long des assises. Souvent quand on parle de loi, on l’associe au mot «encadrer», ce qui me gêne, je pense plutôt que l’on doit porter un projet, ce qui nous permet au contraire de nous épanouir et de nous étendre, c’est ainsi que l’Algérie pourra revenir sur la scène internationale et avoir un cinéma en bonne santé, qui s’exporte et qui rencontre également son public localement. 

Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite va envahir le marché du monde arabe, l'Afrique et s’intéresse à l’imaginaire européen, Jeanne du Barry de Maïwenn, présenté à Cannes cette année, annonce la couleur. Nous avons besoin d’une vision qui soit audacieuse et novatrice. J’ai souvent remarqué que nous étions très bons en rhétorique, mais la mise en œuvre est moins convaincante... 

Aussi, la nature profonde de l’industrie cinématographique c’est de s’ouvrir à l’international par un financement également international, l’Algérie a également son rôle à jouer, à se laisser financer et à financer également des projets locaux mais aussi internationaux, y compris de réalisateur(trice)s étranger(e)s, afin d’exister dans les festivals internationaux de catégorie A et ne pas être réduit à quelques coups ça et là et ne pas offrir que du cinéma «à tonton» au public algérien.

  • Y a-t-il une date avancée pour la tenue de la prochaine session de la commission de lecture et est-elle liée à l’adoption de la loi sur le cinéma par le Parlement ? La liste des bénéficiaires de l’aide de l’Etat va-t-elle être rendue publique, contrairement aux années précédentes ?

En principe, le commission de lecture n’est pas liée à l’adoption de la loi sur le cinéma. Nous avons adapté l’ancien règlement intérieur de sorte à faciliter la vie des porteur(se)s de projets. 

Mon vœu, qui n’est pas que le mien d’ailleurs, c’est de sortir du giron du ministère de la Culture, notre partenaire objectif, car il est le ministère de la Culture et des Arts et pas uniquement celui du cinéma, on doit donc alléger ce ministère de cette mission, car nous sommes également une industrie qui implique différents ministères et institutions. Il a été clairement indiqué, lors de notre réunion en février, qu’une fois l’obtention des aides, celles-ci devront être automatiquement publiées, et ce, par projet et par étape. 

Je n’ai pas connaissance à ce jour du montant global alloué à l’année 2023 afin de définir a minima une stratégie de répartition. Sans ce chiffre, j’avoue qu’on construit un peu des châteaux en Espagne.

  • Vous avez sûrement des projets cinéma ? Quel est votre projet le plus proche de sa concrétisation ?

Oui, mon prochain long-métrage, Jeudi moins le quart, qui a obtenu l’avance sur recettes du Centre nationale du cinéma l’image animée, en France, je l’ai déposé en avril au fonds algérien, j’attends de me lire, et évidemment m’octroyer le fonds en question, après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même... 

Plus sérieusement, si cela peut rassurer mes camarades et surtout nos contribuables, l’idée est qu’en cas de conflit d’intérêt, deux personnes choisies au hasard en plus de moi sortent de la commission et, au besoin, un(e) suppléant(e) est convoqué(e) pour obtenir le quorum. (Rires). 

Si je n’obtiens pas l’aide, je crie au scandale et alerte la presse internationale pour dénoncer une commission sans talent qui aurait eu le mauvais goût de ne pas soutenir mon œuvre qui est de fait génialissime ! J’espère tourner bientôt.

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