En renvoyant mardi dernier sous quinzaine (4 avril prochain), le procès en appel de l’affaire dite des «SMS» pour laquelle Saïd Bouteflika, frère cadet et conseiller du défunt Président déchu, de nombreux hommes d’affaires ainsi que des cadres et fonctionnaires de l’Etat, la chambre pénale près la cour d’Alger a surpris de nombreux avocats, surtout que la présidente s’est montrée intransigeante quant à un ajournement de plus de deux semaines.
Pour eux, cette affaire qui concerne 72 prévenus et 41 témoins, «ne peut être expédiée» durant le mois de Ramadhan. Selon eux, «il faut lui donner plus de temps pour permettre à l’ensemble des mis en cause de s’exprimer, à leurs avocats de les défendre dans de bonnes conditions». En tout cas, certains collectifs sont décidés à revenir à la charge pour réclamer, le 4 avril prochain, un autre renvoi et espèrent obtenir une réponse positive.
L’affaire, faut-il le rappeler, a déjà été jugée en première instance par le pôle pénal financier et économique près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, le 25 janvier de l’année en cours, quelques jours seulement après le transfert de Saïd Bouteflika de la prison d’El Harrach à celle de Sid El Cheikh, à El Bayadh.
Il s’agit en fait du regroupement de 11 dossiers qui étaient en instruction dans plusieurs chambres du pôle pour en faire un seul, lié à 4352 SMS et des appels échangés, jusqu’au mois de mars 2019, entre Saïd Bouteflika et des hommes d’affaires, dont Tarek Kouninef (1238) son frère Réda (1140), Ali Haddad (487), Tayeb Zeghimi (91), Mahieddine Tahkout (80), mais aussi à des documents et dossiers administratifs relatifs à des marchés publics, retrouvés, toujours selon l’enquête judiciaire, au domicile de Saïd Bouteflika, situé à El Biar, à la suite d’une perquisition, contestée par ses avocats en raison «du non-respect de la procédure».
En tout, 72 prévenus ont été jugés pour des griefs en lien avec la corruption dont : «abus de fonction», «transfert de produits de crimes vers l’étranger», «violation de la réglementation des mouvements de capitaux de et vers l’étranger», «blanchiment d’argent», «entrave au bon déroulement des enquêtes judiciaires», «dissipation de produits de crimes», «dilapidation de deniers public», «trafic d’influence», «octroi d’indus avantages».
Parmi les prévenus, Saïd Bouteflika, les hommes d’affaires cités plus haut, Ahmed Mazouz, propriétaire du groupe GM Trade, Kouninef Karim, sa sœur Souad, Tahkout Brahim, Aghiles Haddad (fils de Ali Haddad), Mohamed Bairi, Achour Aboud, ancien patron de la BNA, Tahar Missoum, ancien député, de nombreux cadres du ministère des Travaux publics, mais aussi des sociétés en tant que personnes morales, comme l’italienne Rizzani, la turque Mapa.
Sentences lourdes
Lors de ce procès, Saïd Bouteflika, qui a comparu par visioconférence, a dénoncé comme étant des «violations de la procédure» le fait de «n’avoir pas été auditionné par le juge d’instruction», mais aussi de n’avoir «pas pu voir» son avocat en raison de son transfert vers la prison à El Bayadh, avant de refuser de répondre aux questions du juge, arguant du fait, qu’il a «déjà été jugé pour les faits».
La majorité des prévenus ont nié les griefs retenus contre eux, mais le procureur n’y a pas été avec le dos de la cuillère durant son réquisitoire. Il a réclamé une peine de 15 ans de prison contre Saïd Bouteflika, les trois frères Kouninef et Ahmed Mazouz, 18 ans contre Ali Haddad et Mahieddine Tahkout, 12 ans contre Mohamed Bairi, et d’autres allant de 3 à 10 ans contre plusieurs prévenus, alors que le Trésor public a demandé une réparation de 500 milliards de dinars (500 000 milliards de centimes). Des demandes qui ont fait réagir Saïd Bouteflika, lequel a transformé son dernier mot en une longue déclaration.
Il s’en est pris au représentant du parquet, en lui reprochant son «discours de haine» et «irrespectueux» à l’égard de son défunt frère, le Président déchu, avant de préciser : «Dans un Etat de droit, il aurait été placé en détention.» Saïd Bouteflika est longuement revenu sur ses relations avec Ali Haddad et les frères Kouninef, avant de demander au tribunal d’enregistrer tous ses procès et d’en faire une série pour le mois de Ramadhan. Mais les sentences ont été très lourdes.
Une peine de 12 ans assortie d’une amende de 8 millions de dinars a été infligée à Saïd Bouteflika et Ali Haddad, une autre de 15 ans à Mahieddine Tahkout et Souad Kouninef (en fuite), alors qu’une condamnation de 12 ans a été infligée à Ahmed Mazouz, une autre de 10 ans aux trois frères Kouninef et à Brahim Tahkout, 5 ans aux autres Tahkout, Hamid Rachid et Nacer et 8 ans de prison à Mohamed Bairi. Les autres peines vont de 6 mois à 5 ans de prison, alors que 25 prévenus avaient bénéficié de la relaxe.
Le tribunal a condamné Saïd Bouteflika et les hommes d’affaires à payer la somme de 500 milliards de dinars au Trésor public, comme réparation au préjudice subi. Demande sévèrement contestée et rejetée par les avocats qui estiment qu’elle «ne repose sur aucun document ou argument»