A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la bonne idée était de créer une organisation internationale pour contribuer à ramener la paix dans le monde en traitant et en prévenant les conflits. Mais elle a été accompagnée d’une mauvaise idée, la création d’un Conseil de sécurité qui donne la possibilité à cinq grandes puissances, par le biais du fameux droit de veto, de bloquer n’importe quelle prise de position émanant de pays tiers, y compris de l’Assemblée générale onusienne, en vote écrasant.
Le pays qui en a usé et abusé a été les Etats-Unis, devenus la plus grande puissance mondiale avec la volonté affichée de régenter les affaires du monde. C’est le gendarme du monde, aux côtés, mais à un moindre degré, de la Russie, du Royaume-Uni, de la France et de la Chine. Washington a usé et abusé de ce droit de veto pour protéger ses intérêts et ceux de ses alliés, parmi lesquels Israël.
Le tout dernier épisode est intervenu le 8 décembre à la suite d’un projet de résolution qui réclamait un cessez-le-feu dans la Bande de Ghaza appuyé par près de 100 pays exigeant «un cessez-le-feu humanitaire immédiat», la libération des otages et un accès facilité de l’aide humanitaire. Depuis le début du conflit entre l'entité sioniste et le Hamas, alors même qu’il a fait plus de 17 000 morts, c’est le cinquième projet de résolution qui échoue du fait du droit de veto, une «position immorale et inhumaine» et une «participation directe» aux «massacres», selon le Hamas. Le projet de résolution – qui a recueilli 13 voix en faveur, une contre (Etats-Unis) et une abstention (Royaume-Uni) – avait été préparé par les Emirats arabes unis après qu’Antònio Guterres ait mis en avant, ce qui est rare, l’article 99 de la Charte des Nations unies, qui permet au secrétaire général d’attirer l’attention du Conseil de sécurité sur un dossier qui «pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales».
Cela n’a donc pas suffi pour convaincre les Etats-Unis, tant leur soutien à Israël passe avant toute autre considération, y compris lorsque l’armée et le gouvernement de cet Etat se sont lancés dans la mise en œuvre d’un des plus grands génocides que l’humanité ait connu. Ce veto a choqué le monde entier du fait qu’il n’avait qu’une dimension humanitaire, ne visant qu’à arrêter le massacre des Ghazaouis.
Les ONG humanitaires ont été les premières à monter au créneau, estimant, à l’image de Human Rights Watch, qu’«en continuant à fournir des armes et une protection diplomatique à Israël qui commet des atrocités (...), les Etats-Unis risquent de se rendre complices de crimes de guerre». Il faut souligner que le secrétaire général de l’ONU avait appelé avec force le Conseil de sécurité à agir pour éviter l'«effondrement total de l’ordre public» dans la Bande de Ghaza.
Au-delà de cet épisode tragique est posé de nouveau le rôle du Conseil de sécurité, particulièrement du droit de veto accordé à cinq puissances dans un contexte ancien dépassé par l’évolution du monde. Selon Antònio Guterres, «c’est la réforme ou la rupture». Parmi ces cinq membres permanents du Conseil de sécurité, il n’y a pas de représentants de continents, sous-continents ou régions entières permanents, comme l’Amérique du Sud, l’Afrique ou les Caraïbes.
La seule grande réforme date de 1965, lorsqu’il est passé de onze à quinze membres, avec l’ajout de quatre sièges élus de membres non permanents. La grande oubliée est l’Afrique : avec ses 54 pays membres et 1,3 milliard d’habitants, le continent représente plus d’un quart des membres de l’ONU, 18% de la population mondiale et 50% des questions à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Ses dirigeants ont soumis, en 2005, un plan prévoyant de donner à l’Afrique deux sièges permanents au Conseil de sécurité, et cinq de membres non permanents au lieu des deux que le continent occupe depuis 1965. Sans succès et depuis cette date, l’Afrique peine à faire entendre sa voix, butant essentiellement sur la possibilité d’accorder ou non le droit de veto à de nouveaux membres permanents. Selon les experts, «la suppression du droit de veto semble impossible, puisque pour y parvenir, il faudrait une réforme de la Charte, qui ne pourrait être adoptée qu’avec l’accord des membres permanents.
Des pays ont avancé l’idée d’une restriction de l’usage du droit de veto, ce qui indique que les membres permanents ne devraient pas en user en cas de désastre humanitaire. Cette proposition n’a pas été retenue et si elle avait été retenue, Israël n’aurait pas bénéficié du soutien américain et aurait donc été contraint à accepter le cessez-le-feu exigé de lui par l’Assemblée générale de l’ONU.