Le président français Emmanuel Macron commémore le 19 mars 1962 : «Chacun s’est débrouillé avec ses deuils, ses blessures, ses traumatismes»

20/03/2022 mis à jour: 02:32
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Le président français Emmanuel Macron

Une rencontre avec des représentants de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie a été vue hier à Paris comme un appel à l’apaisement de la part de la présidence française. Appelés, combattants indépendantistes, harkis et rapatriés se trouvaient côte à côte lors d’une cérémonie. Des historiens aussi étaient présents, des lycéens et des collégiens. 

Depuis sa qualification de «crimes contre l’humanité», énoncée par le candidat à Alger au micro de Khaled Drareni en 2017, Macron a progressivement, en cinq ans de pouvoir, fait évoluer la relation française à son histoire douloureuse, mais par paliers, malgré les freins mis par certains en France et l’impatience du côté algérien. 

Commémorer le cessez-le-feu du 19 Mars 1962, «ce n’est ni le début de la paix, ni la fin de la guerre, encore moins la fin de l’histoire dont nous sommes tous les héritiers». Qu’est-ce donc que cette histoire en héritage, sinon le heurt de ce qui s’est passé entre 1830 et 1962 ? Il n’en dira pas plus.

D’ailleurs, question «histoires», que ce soit celle des rapatriés, des appelés, des nationalistes, des harkis, «elles sont toutes incomparables, elles sont toutes singulières, elles sont irréductibles mais elles sont toutes inextricablement liées, qu’on le veuille ou non». Il a regretté que «pendant des décennies les mémoires de la guerre d’Algérie sont restées cloisonnées. Il y a d’abord eu le silence. Il ne fallait pas en parler. 

Quelques-unes des mémoires étaient reconnues mais (…) chacun s’est débrouillé avec ses deuils, ses blessures, ses traumatismes, avec les injustices». 

Il n’alla pas plus loin sur la notion d’injustice qui en Algérie a du sens. Il reconnut cependant que «lorsque la parole se libère (…) combien il était difficile de dépasser les clivages, les résistances, les divisions». Une longue marche pour mieux entrevoir le passé, «un cheminement imparfait, un parcours de reconnaissance». Avec ses écueils et ses difficultés : «J’ai pu faire, je le sais, des choses qui ont paru insupportables à quelques-uns et ensuite d’autres qui furent insupportables à d’autres.»

«DE L' INCRÉDULITÉ FACE à UNE PAROLE ENFIN OFFICIELLE»

Et le Président de croire qu’il faut avancer : «Il fallait le faire, parce qu’il fallait que la République tende ses mains et lève les silences», car, affirme-t-il, il s’agit de «reconnaître ce qui était si longtemps attendu». Là encore, le chef de l’Etat ne voudra pas épiloguer, jugeant que s’il y eut aussi «de l’incrédulité face à une parole enfin officielle» sur ces aspects de l’histoire mise en perspective, «les choses vont continuer et se déplier dans l’avenir». Il s’est engagé à continuer, «malgré les pressions et les tourments».

A ce moment-là, Macron rappelle les actes de reconnaissance dont, pour l’Algérie, le dernier geste fut la gerbe déposée cette année par l’ambassadeur de France à Alger en mémoire des inspecteurs des centres sociaux, dont Mouloud Feraoun, assassinés par l’OAS le 15 mars 1962. L’occasion pour le président Macron de souhaiter que le travail, fait par la France avec la commission Mémoire et vérité, présidée par l’historien Benjamin Stora, soit «continuée par l’Algérie aussi». 

Il a eu d’autres commentaires sur l’Algérie, dont certains en forçant le trait jugent qu’elle ne fait rien en matière de mémoire : «Tous mes prédécesseurs ont été confrontés à la même chose genre ‘‘vous êtes faibles’’ (long silence de Macron)… puisqu’en face il n’y a pas de répondant…»

Disant que «le dialogue se poursuit», il ne met pas dos à dos France et Algérie, suggérant que le rapport à la dureté de l’histoire n’est pas le même : «Je vais être très direct. Le jour viendra où l’Algérie fera ce chemin. Je pense qu’il est plus difficile pour le peuple et les dirigeants algériens que pour nous, mais il viendra. J’assume cette main tendue, et je pense qu’elle sera suivie de gestes progressivement, sachons les voir et les saisir.» 

Pour le président Emmanuel Macron, toutes les démarches entreprises ces dernières années, qu’il a longuement évoquées, n’ont «au fond rien à voir avec l’Algérie, parce que c’est nous, c’est notre histoire».

LES ENFANTS DE L’IMMIGRATION SONT LES ENFANTS DE LA FRANCE

Évoquant la guerre qui a concerné les appelés, de même que les rapatriés qui ont quitté l’Algérie pour la France, ou encore les harkis qui ont combattu ou pris position pour la France, il a insisté pour les considérer comme les enfants de la France : «Ce sont nos enfants…» 

Parlant des Algériens, il continua sur le même registre, faisant un pas rarement entendu sur ce ton là : «Ce sont nos enfants, nos enfants qui se sont battus pour l’indépendance et qui sont arrivés ensuite en France, parfois quelques années plus tard… Ce sont nos enfants qui venaient d’Algérie ou nés en France de parents algériens vivant ici sur notre sol…» 

Le président Emmanuel Macron de conclure sur ce thème : «Ce parcours de reconnaissance est à présent ‘‘inarrêtable’’ il est simplement la condition pour nous tous de ne rien oublier, de ne rien nier du caractère irréductible des souffrances, des douleurs, de ce qui a été vécu. Mais d’assumer qu’elles sont toutes françaises.» Sans aller jusqu’à insuffler l’idée que ce sont là des fruits amers de la colonisation… 

Paris 
De notre correspondant  Walid Mebarek

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