Pendant que l’armée entre en profondeur à Ghaza et réoccupe le corridor Netzarim, qui relie le sud de l’enclave à la frontière avec l’Egypte, et menace d’occuper plus de territoires de Ghaza, le cabinet de sécurité approuvait, dans la soirée de samedi dernier, la création d’une administration chargée de «faciliter» la déportation des Ghazaouis et la transformation de 13 quartiers juifs en Cisjordanie occupée en colonies, avec tous les privilèges dans un but d’annexion. Soutenu et encouragé par l’administration Trump, Israël foule aux pieds le droit international et accélère son plan de nettoyage ethnique.
Alors que l’armée sioniste ordonnait à la population de Rafah, au sud de Ghaza, de quitter la région pour renouer avec les déplacements forcés, vers nulle part, et prend le contrôle du corridor Netzarim qui relie l’enclave à la frontière avec l’Egypte, tout en menaçant le Hamas de s’accaparer de plus de territoires s’il ne libérait pas les otages israéliens, le cabinet de sécurité se réunissait, dans la nuit de samedi dernier, pour entériner deux décisions contraires au droit international.
Proposée par le ministre extrémiste des Finances et des Colonies, Bezalel Smotrich, la première concerne la séparation de 13 quartiers juifs situés en Cisjordanie, occupée de leurs communautés d’origine, pour en faire des colonies distinctes avec tous les privilèges, renforçant ainsi le plan d’annexion des terres palestiniennes.
Selon un communiqué du bureau de Smotrich : «Cette initiative, menée par le ministre Smotrich dans le cadre de l’Administration des colonies sous son autorité, s’accompagne de l’approbation de dizaines de milliers de logements en Cisjordanie et marque une autre étape importante vers la normalisation et la régulation des activités de colonisation.» Dans un message publié hier sur son compte X, l’extrémiste Smotrich a été plus clair : «Nous continuons de mener une révolution de normalisation et de régulation dans les colonies.
Au lieu de nous cacher et de nous excuser, nous hissons le drapeau, construisons et nous implantons. C’est une nouvelle étape importante sur la voie d’une véritable souveraineté en Judée-Samarie (nom biblique donné par Israël à la Cisjordanie occupée et devenu officiel depuis février dernier).»
Dans une déclaration reprise par l’agence de presse palestinienne Wafa, Muayyad Shaaban, responsable de la Commission de la résistance contre le mur et la colonisation, a affirmé que la décision israélienne «constitue une nouvelle étape visant à altérer et déchirer la géographie palestinienne».
Selon lui, les quartiers visés se trouvent «dans différentes régions, notamment 4 dans le gouvernorat de Ramallah, à côté de la colonie de Talmon, 4 autres dans le gouvernorat de Bethléem, 2 dans le gouvernorat de Salfit et un à Naplouse, à Jéricho et à Tubas» en précisant que «la plupart» d’entre eux «ont été créés il y a environ deux décennies comme des avant-postes coloniaux illégaux, puis l’Etat d’occupation a entrepris de les transformer en quartiers, contournant ainsi le droit international et l’opposition internationale à la colonisation».
Le même responsable a révélé, en outre, qu’Israël «avait initialement évité de déclarer la construction de nouvelles colonies, prétendant qu’il s’agissait de quartiers destinés à répondre à la croissance naturelle des colons». Cependant, a-t-il souligné, «Israël révèle ses véritables intentions de construire dans les colonies pour favoriser l’expansion et annexer davantage de terres, en rendant impossible la continuité géographique entre les villages et villes palestiniens dans ces régions».
Selon lui, «la plupart des 13 quartiers coloniaux transformés en colonies font désormais partie des listes officielles de la Commission de la résistance contre le mur et la colonisation, ce qui marque un tournant en les reconnaissant comme colonies plutôt que comme quartiers. Cela montre clairement les véritables objectifs de cette décision, au détriment des terres palestiniennes».
«La colonisation raciste vise à déplacer le peuple»
Le Hamas a condamné cette décision, la qualifiant de «tentative désespérée d’imposer des réalités sur le terrain et de consolider l’occupation coloniale sur les terres palestiniennes». Le mouvement de résistance palestinien a affirmé en outre que «la colonisation raciste vise à déplacer notre peuple, à voler ses terres et ses lieux saints et à imposer un régime d’apartheid haineux en violation de toutes les conventions et toutes les lois humaines».
Israël a donc fait un pas de plus dans la violation du droit international et défie les nombreuses résolutions onusiennes ainsi que l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’Onu, de juillet 2024, qui lui fait injonction d’évacuer les Territoires occupés dans un délai d’un an et à la résolution du Conseil de sécurité de l’Onu, qui a statué sur l’illégalité de la colonisation et l’annulation de ses faits sur le terrain.
Il y a quelques jours, l’organisation de gauche Peace Now a affirmé dans un rapport qu’un nombre record d’avant-postes de colonies illégales ont été établis en 2024, année qui a connu, a-t-elle révélé, «un record historique d’appropriation de terres».
L’Ong a fait état d’un autre nombre record de «59 avant-postes illégaux, des groupes de structures non autorisées par le gouvernement, installés à travers la Cisjordanie en 2024» en précisant que «davantage de terres sur le territoire ont été déclarées ‘‘terres d’Etat’’, les rendant disponibles pour le développement résidentiel, commercial ou agricole, que dans n’importe quelle année depuis la signature des accords d’Oslo en 1993».
L’année dernière, a-t-elle souligné, la ministre des Colonies et des Projets nationaux, Orit Strock, députée du Parti du sionisme religieux de Smotrich, «a déclaré aux habitants d’une colonie nouvellement reconnue en Cisjordanie qu’elle était ravie de la période miracle d’expansion des colonies inaugurée par le gouvernement du Premier ministre Benyamin Netanyahu».
La deuxième mesure que le cabinet de sécurité a entérinée, dans la nuit de samedi dernier, a été proposée par le ministre de la Défense, Israël Katz, et consiste en la création d’une nouvelle administration au sein de son ministère, chargée «des départs volontaires» pour ne pas dire l’expulsion des Palestiniens de Ghaza vers des pays tiers, et de «coordonner les activités de tous les services gouvernementaux concernés, ainsi que de l’armée, du Shin Bet (sécurité intérieure), de la police, les organisations internationales et autres entités, conformément aux directives gouvernementales». Les missions qui lui ont été confiées comprennent «la préparation et la facilitation du départ sécurisé et surveillé des Ghazaouis souhaitant partir volontairement vers des pays tiers».
Selon les médias israéliens, cette administration devra «assurer la sécurité pendant le transit, établir des itinéraires de transport, mettre en place des points d’inspection pour les piétons aux points de passage de Ghaza et coordonner les infrastructures nécessaires aux déplacements par voies terrestre, maritime et aérienne vers les pays de destination».
L’expulsion des Ghazaouis par un «déplacement volontaire»
Le ministre israélien de la Défense n’a fait en réalité que concrétiser l’idée du président américain, Donald Trump, qui consiste à chasser tous les Palestiniens de Ghaza, pour faire de l’enclave une «Riviera du Moyen-Orient».
Un projet sur lequel il est cependant revenu, après son rejet par les Palestiniens et la communauté internationale, en disant que «personne n’expulsera personne à Ghaza». Mais Katz a trouvé l’idée de Trump la plus «idéale» pour reconquérir le territoire de l’enclave. Dans une déclaration aux médias israéliens il a expliqué : «Nous travaillons par tous les moyens pour mettre en œuvre la vision américaine et nous autoriserons tout résident de Ghaza qui souhaite partir volontairement vers un pays tiers à le faire.»
Pour mieux faire passer ce plan dénoncé par les ONG internationales et organismes de l’Onu des droits de l’homme, l’entité sioniste a publié un sondage «effectué auprès des habitants de Ghaza», qui aurait indiqué que «50% d’entre eux souhaitaient partir» et que «près de 90% de la population ghazaouie diplômée aurait exprimé le souhait d’émigrer si l’occasion se présentait».
Comment une population qui a refusé de quitter sa terre après un déchaînement terrifiant de bombardements ininterrompus durant 15 mois, qui a fait près de 50 000 morts et plus de 110 000 blessés, peut-elle aujourd’hui accepter l’exode ?
Dans un enregistrement vidéo diffusé sur la Toile, Katz s’est encore adressé, jeudi dernier, à cette population meurtrie, privée de nourriture, d’électricité et de soins, pour lui faire savoir que «l’ordre d’évacuation de la population commencerait bientôt» et lui demander de «se débarrasser du Hamas».
L’ordre de déplacement de deux zones importantes, Tel Sultan et Netzarim, de Rafah, sous les raids des avions de combat et des tirs de l’artillerie lourde, a poussé une grande partie de la population à rejoindre le centre de Ghaza, à Al Mawasi, et se regrouper avec d’autres qui l’avaient précédée. Vendredi dernier, Katz avait menacé d’escalade en affirmant que l’armée allait s’emparer définitivement de certaines parties de la bande de Ghaza si le Hamas ne libérait pas les otages encore en captivité.
«J’ai donné instruction à l’armée de s’emparer de zones supplémentaires à Ghaza, d’évacuer la population et d’étendre les zones de sécurité autour de Ghaza afin de protéger les communautés israéliennes et les soldats. Plus le Hamas persistera dans son refus de libérer les otages, plus il perdra de territoire, qui sera annexé à Israël», a averti le ministre de la Défense. S. T.