Inquiétante situation au Mali à la suite du retrait avancé des casques bleus : Tension entre Bamako, la CMA et l’ONU

16/08/2023 mis à jour: 14:15
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La situation dans le Nord malien inquiète - Photo : D. R.

Alors que les forces armées maliennes annoncent avoir pris le contrôle des camps de la Minusma, la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), signataire de l’Accord d’Alger, dénonce «une rétrocession» qui «ne peut se faire sans concertation avec les mouvements de l’Azawad». Elle tient pour «responsable», la Minusma qui, selon elle, «doit partir et non pas concéder ses bases à l’armée». L’ONU, quant à elle, reconnaît une «anticipation» sur le retrait de la Minusma, pour «des raisons sécuritaires» et explique que «comme le veut la règle, la Mission ne peut transférer ses installations qu’à l’État malien». La tension autour du contrôle du terrain s’accentue et menace d’enterrer l’Accord d’Alger.

Le retrait de la Minusma (Mission des nations unies pour la paix au Mali), et la remise du camp de Ber, dans la région de Tombouctou, aux forces armées maliennes, continuent d’attiser la tension entre la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), Bamako et depuis peu l’ONU. Le départ des Casques bleus de Ber était prévu vers la fin de l’année, dans le cadre du retrait des 12 000 soldats de la mission la plus difficile de l’ONU, qui a perdu 187 de ses éléments, tués en dix ans de présence sur le territoire malien, à la demande des autorités de transition.

Précipité, le retrait de la Minusma du camp de Ber, dans la région de Tombouctou (au nord du Mali), suivi de l’occupation des lieux par l’armée malienne après de violents combats avec d’anciens éléments de la rébellion touarègue, a suscité de vives réactions de la CMA, qui regroupe les principales factions armées signataires d’un cessez-le feu en 2014, puis de l’Accord d’Alger, en 2015, ayant mis fin à la rébellion armée, au nord du Mali.

Lundi soir, soit vingt-quatre heures après l’annonce par les forces armées maliennes du contrôle total sur le camp de Ber, l’ONU, par la voix de Stephane Dujarric, porte-parole de son secrétaire général, Antonio Guterres, est revenue sur les circonstances du retrait de la Minusma qui, selon lui, «a été avancé d’un jour en raison de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région, avec des risques notamment pour la sûreté et la sécurité du personnel des Nations unies», précisant au passage que «les autorités nationales ont été rapidement informées». Le porte-parole a cependant ajouté que «la Mission a signalé, hier (dimanche dernier), deux attaques contre un convoi transportant du personnel et du matériel de la base de Ber à Tombouctou, qui ont fait quatre blessés parmi les Casques bleus burkinabè.

Leur vie est heureusement hors de danger». Il a ajouté : «L’ONU condamne les attaques et appelle toutes les parties à assurer la sécurité des déplacements des Casques bleus tout au long de la période de retrait». Pour le responsable, «la Mission s’efforce de transférer les bases et les responsabilités aux autorités maliennes, à l’équipe de pays des Nations unies et au Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS)», précisant  : «Comme le veut la règle, la Mission ne peut transférer ses installations qu’à l’État malien.

Dans ce contexte, l’ONU négocie avec les autorités maliennes un projet d’accord qui régira le transfert des camps de maintien de la paix de l’ONU. En parallèle, chaque fois que la Minusma quitte un camp, le représentant désigné des autorités maliennes est prié d’attester de l’état du camp et des installations et de confirmer que l’ONU a rempli ses obligations environnementales».

Cette réaction de l’ONU est intervenue juste après celle de la Minusma, qui dans un tweet, a justifié l’anticipation de son retrait du camp de Ber, à Tombouctou, par «la dégradation de la sécurité dans la zone et des risques élevés que cela fait peser sur nos Casques bleus» et invité «les différents acteurs concernés à s’abstenir de tout acte qui pourrait davantage compliquer l'opération».

Cette sortie médiatique de l’ONU et de la Munisma, est venue en réaction aux déclarations de la CMA qui leur fait endosser la responsabilité des «conséquences de la remise des camps de la Minusma au nord du Mali, aux forces armées maliennes».

En effet, sur son compte X (anciennement tweeter), Attaye Ag Mohamed, chef de la délégation de la CMA, indique que la Coordination «s’est tenue au respect stricte du périmètre onusienne conformément à la demande des hauts responsables de la Minusma jusqu’à ce qu’elle déclare elle même son retrait définitif des lieux. La mission n’évoque pas de rétrocession formelle dans le cas de Ber mais de sortie », qui a été formelle le 13 août dernier.

Pour lui, les forces armées maliennes «veulent à tout prix occuper les camps de la Minusma y compris ceux situés dans les zones sous contrôle du CMA», et accuse Bamako de vouloir remettre en cause l’Accord d’Alger.

S’exprimant sur la chaîne BBC, le secrétaire général du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), un des acteurs de la rébellion signataire de l’Accord d’Alger, Billal Ag Cherif, a affirmé : «Nous rendons responsable l’ONU du retrait de la Minusma en concertation uniquement avec la partie gouvernementale et sans concertation avec coordination de l’Azawad. Si la Minusma remet ses camps aux forces armées, elle sera la seule responsable de ce qui se passera et la partie gouvernementale malienne sera également responsable parce qu’elle a réclamé quelque chose qui ne lui appartient pas. Nous n’accepterons pas un nouveau déploiement des forces armées maliennes dans les zones sous notre contrôle, en dehors du cadre de l’Accord (NDLR : l’Accord d’Alger) ».

Billal Ag Cherif faisait partie de la délégation de la CMA qui s’est déplacée à Alger, au mois de février dernier, et a été reçu par le président de la République. Il a été question de l’engagement de la composante de la coordination à respecter l’Accord d’Alger reconnu comme la solution la plus appropriée pour résoudre définitivement le problème de la rébellion au nord du Mali.

Etant le chef de file de la négociation entre les mouvements de l’Azawad et le gouvernement malien, l’Algérie n’a pas cessé de plaider pour la mise en place de tous les mécanismes de réinsertion et d’intégration prévus par l’accord, mais en vain. Peut-on craindre le pire dans les jours à venir ? La question reste posée. 

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