Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine vont impacter différemment les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), selon la Banque mondiale, dans le sillage des chocs liés à la hausse des prix des produits alimentaires, l’augmentation de ceux du pétrole et du gaz, et le risque qui pourrait affecter les flux de capitaux privés vers les marchés émergents, les transferts de fonds et le tourisme.
Si les pays pétroliers s’en sortiront relativement bien, indique la BM, les autres risquent de connaître une aggravation de l’insécurité alimentaire et de la qualité de vie, déjà mises à mal par la Covid-19, étant donné les perturbations touchant la chaîne d’approvisionnement et les problèmes internes spécifiques à chaque Etat.
Pour la Banque mondiale, si les Etats pétroliers et gaziers, dont l’Algérie, peuvent mieux supporter les conséquences de la crise qui s’annonce en comptant sur une amélioration de leurs indicateurs budgétaires, il en sera tout autrement pour les pays non pétroliers qui risquent de connaître une crise économique assez rude.
Pour l’institution, «personne ne sortira gagnant d’une guerre aussi dévastatrice que celle en Ukraine, mais des pays tels que le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Koweït, la Libye et l’Algérie pourraient observer une certaine amélioration de leur équilibre budgétaire et de leur balance extérieure, ainsi qu’une croissance plus élevée. Les pays exportateurs de gaz, notamment, sont aussi susceptibles de bénéficier d’une augmentation structurelle de la demande provenant d’Europe, les autorités de l’Union ayant annoncé leur volonté de diversifier leurs sources d’approvisionnement énergétique», souligne la BM, qui indique toutefois que «les producteurs hors secteur pétrolier vont devoir supporter les conséquences négatives, ce qui devrait renforcer encore plus des tensions au niveau social».
La Banque mondiale souligne ainsi qu’elle «surveille de près» la situation (...) dans «des pays comme le Maroc, la Tunisie et l’Egypte», indiquant que des «opérations de soutien budgétaire peuvent s’avérer particulièrement efficaces (...), la crise devant être essentiellement ressentie au niveau des contraintes macro-fiscales nationales».
L’analyse de la BM souligne en outre que «les transferts de fonds – particulièrement ceux émanant des expatriés basés dans les pays du Golfe – ne compenseront que très partiellement la hausse des prix due au choc des hydrocarbures (par exemple pour la Jordanie et l’Egypte). D’autres pays, dont le secteur du tourisme est davantage exposé, comme par exemple l’Egypte – où les Russes et les Ukrainiens représentent au moins un tiers des arrivées de touristes –, devraient, selon les prévisions, être en proie à la morosité, avec des répercussions négatives sur l’emploi et la balance des paiements.»
Plusieurs économies MENA seront concrètement affectées par le conflit en Ukraine, dont le Liban, la Syrie, la Tunisie et le Yémen. «Ce sont des pays qui dépendent principalement de l’Ukraine et/ou de la Russie pour leurs importations alimentaires, en particulier pour le blé et les céréales. La crise devrait perturber les chaînes d’approvisionnement des céréales et des oléagineux, augmenter les prix des aliments et faire monter en flèche les coûts de la production agricole nationale», note l’institution internationale.
Pour celle-ci, «la hausse des coûts des intrants agricoles pour les céréales entraînera une diminution de leur utilisation, particulièrement pour les petits exploitants agricoles, et par conséquent, une baisse du rendement et des revenus qui aura des conséquences préjudiciables sur leur subsistance, particulièrement pour les petits agriculteurs. Elle risque d’affecter de manière disproportionnée ceux qui sont pauvres et vulnérables, et dépendent de l’agriculture pour leurs revenus».
La BM se dit «préoccupée» par la situation des pays déjà fragilisés de la région MENA – tels que la Syrie, le Liban et le Yémen –, pour lesquels la crise ukrainienne risque de mettre fondamentalement en danger l’accès alimentaire. La Syrie importe environ deux tiers de sa consommation d’aliments, de pétrole et la plupart de son blé précisément de Russie. Le Liban achète d’Ukraine et de Russie plus de 90% de ses céréales et le pays ne dispose d’environ que d’un mois de réserves.
Le Yémen importe environ 40% de son blé des deux pays en guerre. Le nombre de personnes plongées dans la crise, ou pire – dans une grave insécurité alimentaire, comme au Yémen –, a considérablement augmenté, passant de 15 millions à plus de 16 millions en seulement trois mois à la fin 2021. La guerre en Ukraine ne fera qu’exacerber cette dynamique déjà morose au Yémen, note encore l’auteur de l’analyse.