Ghaza, Al Jazeera et le défi informatif

06/04/2024 mis à jour: 03:39
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Tel-Aviv qui interdit Al Jazeera, ce n’est pas une surprise. Elle n’a jamais supporté que le chaîne satellitaire arabe se mette résolument du côté des Palestiniens et qu’elle documente la réalité de l’occupation, notamment dans ses aspects répressifs et génocidaires. 

Comme elle s’est démarquée nettement des médias occidentaux résolument aux côtés des autorités israéliennes, elle bénéficie d’une grande popularité acquise déjà lors de l’invasion de l’Irak par l’armée américaine en 2003. A ce moment-là, la chaîne qatarie s’était particulièrement distinguée par sa couverture et par son contenu, à l’opposé de celui qui a été déployé par les médias occidentaux. Elle avait contrecarré CNN qui, aux Etats-Unis, avait mis tout son poids et de grands moyens pour légitimer la propagande de Washington. 

Le duel Al Jazeera-CNN porta notamment sur la raison principale évoquée par la partie américaine pour justifier l’attaque de l’Irak, son occupation et la mort de Saddam Hussein, c’est-à-dire l’existence d’un prétendu arsenal d’armes de destruction massive en Irak. Ce gros mensonge a fini par être dévoilé, mais après un désastre humain et politique. Née en 1998, Al Jazeera est dotée d’une puissante version en langue anglaise, un élément clé dans la bataille informationnelle et de plateformes numériques avec des chiffres record d’audience.

 Par le professionnalisme, elle s'attelle à s’affranchir des contraintes diplomatiques et financières liées à son appartenance au gouvernement du Qatar. Ce dernier lui laisse une grande marge de manœuvre, toutefois avec de la prudence sur les questions liées au monde arabe et musulman, spécialement celles concernant le Proche-Orient. 
 

En alternative aux discours occidentaux, elle se distingua dans les conflits en Afghanistan, au Liban et lors des «révoltes arabes». De ce fait, elle devint la bête noire des Etats-Unis et leurs alliés, spécialement Israël qui réagira par des expulsions de journalistes, des interdictions d’exercer, des condamnations par des tribunaux et même des emprisonnements. Israël n’hésita point à procéder à des exécutions en bonne et due forme. La reporter Shireen Abou Akleh a été abattue en pleine couverture journalistique en Cisjordanie. Le chef du bureau à Ghaza, Yael Dahdouh, a vu toute sa famille décimée par les tirs israéliens. 

Des dizaines de collaborateurs palestiniens de la chaîne ont été froidement assassinés ainsi que des journalistes ayant pu y accéder, bravant l’interdit d’accès à Ghaza imposé par Tel-Aviv. Le but est d’éradiquer le journalisme dans l’enclave afin que le massacre de la population se fasse à huis clos. Il a fallu le courage de quelques-uns, et le sacrifice de leur vie, pour que sortent des bribes de vérité.

 La plupart des médias occidentaux n’ont pas manifesté leur solidarité avec ces journalistes, par peur de représailles ou par complicité avec la guerre génocidaire menée par Tel-Aviv. Les dénonciations sont venues essentiellement des populations qui n’ont pas hésité à descendre dans les rues. Ce qui se passe actuellement à Ghaza interpelle tous les médias du monde sur leur place et leur rôle dans un monde en pleines turbulences. 

Il n’est pas normal que les médias internationaux en arrivent à renier les grands principes liés à la dignité humaine et s’aligner sur des gouvernements génocidaires ou complices de massacres. Aussi l’expérience d’Al Jazeera est intéressante comme média alternatif, courageux, à visage humain, à contre-courant de la déferlante médiatique de haine des pays occidentaux, aux côtés d’Israël. Cette expérience devrait se multiplier partout, même si ce n’est pas évident, du fait des contraintes en tous genres, notamment financières et politiques. 

C’est une des leçons de la tragédie de Ghaza. Elle peut conduire à un sursaut salutaire et à une réflexion profonde et universelle sur la mise en place d’un nouvel ordre de l’information qui réhabilite la vérité et l’objectivité et promeut les grandes valeurs universelles. 

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