Dans sa chute, Israël entraîne Washington

06/03/2024 mis à jour: 07:07
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C'est le summum de l’hypocrisie, ce largage sur Ghaza par Washington, par voie aérienne, de quelques milliers de «doses» de nourriture. 

Critiquée par les ONG humanitaires pour son caractère dérisoire et dangereux, cette opération est une dérisoire – et vaine – tentative de l’administration américaine d’effacer son image désastreuse dans la gestion du conflit israélo-palestinien. Comme est vaine, aussi, la déclaration de Kamala Harris sur la nécessité d’un cessez-le-feu et d’une aide humanitaire d’urgence. 

La vice-Présidente n’a-t-elle pas, avec Joe Biden, son chef, avalisé l’envoi à l’armée israélienne de dizaines de milliers de tonnes de bombes et de matériels militaires ? N’est-elle pas coresponsable des blocages au Conseil de sécurité de toutes les résolutions internationales exigeant le cessez-le-feu ?

 En réalité, c’est l’expression d’un profond désarroi au sein de l’administration de Washington face à l’évolution d’un conflit, dont elle pensait qu'il serait «éclair» comme la guerre des Six-Jours de 1967, s’achevant par l’élimination facile du mouvement Hamas. 

A été gravement sous-estimée la résilience de ce dernier et surtout la nature de la riposte israélienne, une «guerre propre», pensait-on dans la capitale américaine, mais qui, en réalité, s’avérera être une entreprise génocidaire de grande échelle actée par la Cour internationale de justice de La Haye. 

Affaiblie par un manque de discernement et une absence d’humanisme, l’administration américaine a eu à subir les feux croisés et incessants des critiques de l’opinion publique internationale, quasi unanime à soutenir la cause palestinienne. Les Américains eux-mêmes l’exprimèrent en descendant dans la rue. Un militaire s’immola publiquement. 

Effarés, Biden et Kamala Harris se sont mis à redouter les conséquences sur l'élection présidentielle de novembre prochain, Donald Trump commençant déjà à rafler la mise. 

Et pourtant les leaders de Washington avaient une solution entre leurs mains, qui exigeait cependant une rupture radiale avec le passé, la doctrine militaire, voire la politique étrangère. 

Il s’agissait, dès les premiers mois de l’offensive israélienne qui dévoilait ses intentions de massacrer la population, de stopper l’aide militaire et financière à Tel-Aviv et d’imposer une batterie de sanctions dans les domaines les plus sensibles, notamment militaires et économiques. 
 

Il était possible également de ne plus recourir systématiquement au droit de veto au Conseil de sécurité, quitte à aller à l’encontre du Congrès, même si ce n’était pas chose aisée compte tenu de sa sympathie historique avec Israël obtenue par les multiples et très influents lobbies sionistes. Les locataires de la Maison-Blanche n’eurent donc ni le courage ni la volonté de rompre avec les anciennes pratiques de soutien inconditionnel à Israël. 

Face au désastre de leur politique à Ghaza, leurs jours sont comptés, maximum l’élection prochaine si Biden reste encore lucide et encore debout jusque-là. Ils auront sur la conscience plus de 30 000 morts, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants, le territoire de Ghaza rayé de la carte du monde et le Proche-Orient en proie à la déstabilisation, avec l’entrée en guerre du Yémen et du Hezbollah et divers groupes de résistance anti-américains. 

Par la logique de l’histoire, ils subiront inévitablement le même sort que toutes les administrations américaines passées qui ont dévasté tant de populations dans le Sud-Est asiatique, le monde arabo-musulman et même en Europe (les Balkans). Aucune leçon n’a été tirée de ces désastreuses époques qui se sont soldées par des millions de morts et la destruction de plusieurs Etats souverains. 

En mauvais élèves de l’histoire, comme les qualifiait le général vietnamien Giap, les Américains n’ont jamais arrêté de vivre dans l’obsession de régenter le monde en s’appuyant sur les dictatures de tous les continents et sur une Europe qu'ils ont réussi à dompter, voire vassaliser par le biais de multiples accords économiques et politiques dont le plus redoutable est le traité de l’OTAN. 

Celui-ci s’est révélé redoutable dans la confrontation américaine avec la Russie, quoique non déterminant dans la guerre menée en Ukraine. L’OTAN reste toujours à disposition des intérêts américains dans une possible confrontation avec la Chine. 

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