Crise sanitaire, tensions géopolitiques et potentiel agricole du pays : «L’Algérie paiera à l’avenir plus cher ses importations alimentaires»

27/03/2022 mis à jour: 21:11
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Photo : D. R.

La Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) a organisé hier une rencontre, à l’hôtel El Aurassi, à Alger, sur un des thèmes qui constitue actuellement une des sources d’inquiétude particulièrement importante en raison d’abord de l’inflation qui a cours dans le monde, comme une des conséquences de la pandémie de Covid-19, et de turbulences géopolitiques, ensuite, qui surviennent depuis un mois avec le conflit ukrainien. 

L’enjeu de la sécurité alimentaire est donc d’autant plus évident aujourd’hui que l’Algérie dépend, pour une large patrie, des marchés extérieurs des produits alimentaires. Le président de la CAPC, Samy Agli, dans on allocution d’ouverture, affirme : 

«Nous importons toutes ou presque toutes nos matières premières agricoles que nous consommons (…).» Alors que «la crise sanitaire, les crises internationales dans différentes régions du monde, a-t-il ajouté, ont montré les vulnérabilités des systèmes mondiaux d’approvisionnement et créent des tensions cycliques sur les produits agricoles et les matières premières destinées au secteur agroalimentaire».

Les débats sont articulés autour de l’étude réalisée par Omar Bessaoud, professeur d’économie agricole à l’Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (IAMM), en mars 2022 et présentée à la rencontre de la CAPC. 

«Le rapport est présenté en 6 chapitres couvrant l’ensemble des domaines, allant du contexte sociéconomique aux marchés mondiaux en passant par le potentiel agricole algérien, les performances de l’agriculture algérienne et les politiques mises en place», explique S. Agli. 

«Si le pays est moins exposé à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire, persistent toutefois des questions liées, d’une part, aux déséquilibres de la ration alimentaire, et d’autre part, à l’instabilité des approvisionnements alimentaires née de la crise sanitaire», souligne d’emblée l’auteur de cette étude, O. Bessaoud, qui cerne ainsi la problématique. 

La crise sanitaire a été bien gérée, témoigne-t-il. «Les institutions publiques, les entreprises agroalimentaires, les agriculteurs, les associations de consommateurs et les communautés rurales ont conjugué leurs efforts pour approvisionner assez régulièrement les marchés.» 

Y a-t-il des risques majeurs sur la sécurité alimentaire du pays, compte tenu de la récente crise affectant le monde  ? L’orateur notera que «la demande nationale de blés de consommation n’est couverte qu’à concurrence d’un peu plus de 25% par la production locale». 

S’appuyant sur les chiffres de la FAO de 2016, il rappellera que le ratio de dépendance aux importations de céréales en Afrique du Nord est de l’ordre de 72,2% pour l’Algérie, 42,1% pour l’Egypte, 42,1% (Maroc) et 59,7% (Tunisie). 

«Les quantités de céréales importées au cours de ces six dernières campagnes commerciales s’élèvent en moyenne annuelle à plus de 123 millions de quintaux. Les déficits portent essentiellement sur le blé tendre et le maïs. Les importations de ces deux céréales entre 2014 et 2020 représentent un peu plus de 86% des quantités de céréales importées», selon l’étude sus-indiquée. 

Nos importations proviennent de l’Union européenne pour le blé tendre, des Amériques pour les blés dur, l’orge et le maïs. La conjoncture économique marquée par la crise sanitaire, explique-t-il, a exercé des effets majeurs sur les cours des denrées alimentaires en 2020 et 2021. 

«Malgré la diversification de ses fournisseurs, la pénurie mondiale d’approvisionnement a vu l’Algérie confrontée à la flambée des prix. Outre le prix du blé, il y a eu hausse des prix de l’orge et du maïs importés, ce qui a eu pour effet de renchérir les prix des viandes rouges et blanches produites localement», précise-t-il. 

Et d’ajouter : «La crise liée à la guerre en Ukraine est venue accentuer une tendance à la hausse des prix qui était en cours». Bassaoud rappelle qu’«une grande incertitude pèse sur les perspectives». 

«Les estimations FAO-OCDE (perspectives 2030) montrent que la volatilité des prix des produits agricoles mondiaux doit plutôt augmenter ou se maintenir à un niveau élevé dans le futur», souligne l’étude. 

Autrement dit, «l’Algérie paiera à l’avenir plus cher ses importations alimentaires». Que faire ? L’auteur de cette étude invite à reconsidérer certaines politiques publiques en la matière et mieux exploiter le potentiel agricole du pays. 

Mais un potentiel naturel menacé, a-t-il dit, par les «changements climatiques» dont il faut bien considérer le phénomène. Une de ses conclusions est que «l’Algérie connaîtra un accroissement sévère de l’aridité, qui la rendra davantage vulnérable au stress hydrique et à la désertification». 

Le professeur pointera du doigt certaines politiques qui sont liées aux instruments de régulation, comme celui du marché de la pomme de terre dont les prix ne cessent d’augmenter en dépit des interventions des pouvoirs publics. 

«Le taux de stockage de la production par rapport à l’offre locale (à peine de 4%) est bien trop faible pour exercer une influence sur les prix des marchés au niveau national», a-t-il souligné. 

Et de recommander : «Afin que le marché soit mieux régulé et que les pics de prix soient atténués (octobre-novembre et mars-avril), il est nécessaire d’accroître les volumes de pommes de terre sur le marché à ces périodes.» Donc un problème de stockage et de production à la fois et non de spéculation, comme le laissaient croire les pouvoirs publics ? 

Et à la politologue Louisa Aït Hammadouche d’interroger les conférenciers : «Comment peut-on faire le stockage alors qu’une loi criminalise la spéculation  ?» Par ailleurs, le groupe «lait et produits laitiers» occupe, après les céréales, la deuxième place parmi les produits alimentaires importés en Algérie et représente en moyenne plus de 15% de la facture alimentaire totale, note l’étude en question.

L’agriculture algérienne est très largement dominée par l’existence de petites exploitations agricoles.

- SAU : 8,59 millions d’hectares, soit 19,7% de la superficie agricole totale et 0,19 ha par habitant (2021) 
- Près de 70% des exploitations concentrant plus du 1/4 de la SAU disposent d’une superficie inférieure à 10 ha (recensement de 2001) 
- La taille moyenne des exploitations a chuté de 11,5 ha en 1973 à moins de 8 ha en 2021 
Trois principaux statuts juridiques des terres  
- Le domaine privé de l’Etat : 2 566 199 ha cadastrés, soit 30% de la SAU, mis en valeur par 215 000 exploitants 
- La propriété privée dite melk : 5 857 212 ha dont 2 384 868 ha cadastrés, soit 69% de la SAU, mis en valeur par 802 760 exploitants 
- Les biens wakfs : 28 877 ha soit 0,14% de la SAU, mis en valeur par 2877 exploitants 
Sources : statistiques contenues dans l’étude «De la sécurité à la souveraineté alimentaire», réalisée (mars 2022) par Omar Bessaoud.

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