Crise libyenne : Les banques veulent couper les vivres au gouvernement Dbeiba

07/04/2022 mis à jour: 04:01
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Le Premier ministre libyen Abderrahmane Dbeiba a engagé un périlleux bras de fer avec Aguila Salah / Photo : D. R.

Il y a des concertations entre la Banque centrale libyenne et l’entreprise nationale du pétrole pour priver le gouvernement Dbeiba de ressources complémentaires. Les décideurs financiers libyens veulent contrôler les dépenses et ne pas prendre parti dans le conflit politique.

Le déséquilibre flagrant des balances de paiement en Libye durant le 1er trimestre 2022 a poussé la Banque centrale libyenne et l’entreprise nationale du pétrole à prendre du recul, afin de mieux maîtriser la situation. Les recettes de l’Etat sont limitées à 700 millions de dollars, alors que les dépenses ont avoisiné les 2,8 milliards de dollars, soit le quadruple.

La Banque centrale libyenne a dû utiliser 2,1 milliards de dollars d’arriérés de recettes pétrolières pour couvrir les besoins budgétaires. Le gouverneur Seddik Kebir a lancé l’alerte rouge. Le pétrole a certes connu une flambée, mais les dépenses libyennes ont connu une croissance vertigineuse, selon l’économiste libyen Khaled Bouzaakouk.

Les statistiques officielles montrent un déficit colossal du budget, qui va exclusivement aux salaires, à la Caisse de compensation et aux dépenses de gestion. «Il y a pourtant une productivité nulle en Libye», remarque Bouzaakouk, qui attire l’attention sur le fait que «les dépenses gouvernementales connaissent une croissance vertigineuse, en l’absence de tout contrôle ou reddition de comptes».

L’économiste ne limite pas sa critique à l’ère de Dbeiba, en soulignant néanmoins qu’il y a un excès notable ces derniers temps, accompagné d’une inflation inhabituelle. «Le déficit budgétaire durant la dernière décennie s’élève à plus de 25 milliards de dollars, soit une moyenne annuelle de 2,5 milliards de dollars. Mais, il est déjà à 2,1 milliards de dollars pour le 1er trimestre 2022», lance l’expert, pour alerter tous les intervenants.

La question a été soulevée par les décideurs financiers libyens, notamment la Banque centrale et l’entreprise nationale de pétrole, lors de leurs discussions avec les diplomates étrangers, notamment les ambassadeurs américain et turc.

La question a été également examinée avec l’Instance libyenne de contrôle administratif. Ces deux entreprises constituent le pilier de l’équilibre socioéconomique en Libye et elles ne veulent pas se ranger d’un côté ou de l’autre du conflit politique actuel.

C’est la raison pour laquelle elles examinent la possibilité de limiter la dotation budgétaire au gouvernement Dbeiba et de ne lui accorder aucune rallonge. «Les réserves de l’Etat appartiennent à tous les Libyens, y compris les générations futures. Il ne faut pas les dilapider», pense le politologue Ezzeddine Aguil, qui soutient l’idée de rationaliser les dépenses.

Tensions multiples

Ces agissements surviennent sur fond de crise politique intense, aggravée par l’encerclement pratique de Abdelhamid Dbeiba et son gouvernement dans la région de Tripoli. Le gouvernement de Fathi Bach Agha a déjà pris le relais au Sud et à l’Est.

Il est clair que Fathi Bach Agha fait un travail de sape contre le gouvernement implanté à Tripoli, mais ce dernier utilise les deniers publics pour préserver le plus longtemps possible son pouvoir.

«Une possible décision de limiter les fonds alloués à Dbeiba pourrait aider à trouver une solution à la crise politique», pense Ezzeddine Aguil, qui rappelle que «Tripoli connaît régulièrement des affrontements armés entre les milices, preuve de l’absence d’une véritable stabilisation de la situation ces derniers temps». Les derniers accrochages ont eu lieu lundi 4 avril.

Sur un autre niveau, la Banque centrale libyenne poursuit ses démarches pour sa réunification. Son gouverneur, Seddik Kebir, s’est déclaré très satisfait du degré d’avancement des pourparlers avec l’Est, suite à ses entretiens avec son vis-à-vis, Ali Habri. La rencontre des deux financiers libyens avec l’ambassadeur américain, Richard Norland, a confirmé ce rapprochement.

Du côté de l’entreprise nationale du pétrole, il y a une conviction d’éviter les erreurs du passé, ayant entraîné la fermeture des gisements de production et des ports pétroliers, dont la majorité écrasante est sous le contrôle de l’Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar. Les débats de l’été 2000, ayant entraîné le cessez-le-feu, ont vu un quasi-attachement de l’Est et du Sud à une répartition équitable des ressources du pétrole. La solution n’est pas pour demain en Libye.

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