Le professeur Nassim Nouri, endocrinologue et spécialiste des maladies métaboliques au CHU de Constantine, estime que «la malbouffe» et la consommation de sucre et de gras sont devenues «un problème sociétal». Pour les médecins, le sucre est un danger public.
Des spécialistes en diabétologie s’inquiètent et alertent contre le danger de la «malbouffe» et surtout de la consommation exagérée et sans limite de sucre par les Algériens. Des facteurs à risque qui favorisent le diabète, ainsi que les maladies chroniques. Pour eux, le sucre est «un tueur silencieux». Il est mortel pour l’organisme, parce que les seules choses qu’il apporte sont ce que les spécialistes décrivent comme des calories «vides» ou «dépouillées». «Aujourd’hui, l’Algérien mange beaucoup plus de sucre.
Cette addiction au sucre est devenue notre préoccupation majeure. Si l’on continue sur cette voie, elle sera la première menace sanitaire en Algérie», alerte Amar Tebaibia, professeur en médecine interne à l’EPH de Bitraria, lors d’un symposium sur «la prise en charge du diabète» organisé vendredi à Alger par les laboratoires Salem.
Le spécialiste rappelle les chiffres alarmant du cancer, de l’hypertension artérielle et du diabète. Mais le plus inquiétant, pour lui, c’est la progression annuelle et très rapide des maladies chroniques. «C’est un désastre sur le plan de la santé publique», s'alarme-t-il. Les intervenants étaient unanimes d’ailleurs à souligner que «le diabète et l’hypertension artérielle sont devenus de véritables problèmes de santé publique».
Plus d’un quart des Algériens adultes souffre d’hypertension artérielle et le taux de prévalence du diabète est supérieur à 14% dans notre pays. Une situation, selon eux, qui impose l’ouverture d’un débat sérieux sur l’évolution de ces maladies liées à un mode de consommation qui change et qui devient de plus en plus malsain.
Le professeur Nassim Nouri, endocrinologue et spécialiste des maladies métaboliques au CHU de Constantine, estime que «la malbouffe» et la consommation de sucre et de gras sont devenues «un problème sociétal». Nous mangeons, selon lui, beaucoup de sucre et notre alimentation a changé. Il recommande de revenir à une alimentation saine et méditerranéenne et surtout la pratique du sport pour éviter cette pathologie.
Partant du principe que la consommation de sucre fait des ravages en Algérie, le Pr Houssem Baghous, spécialiste en endocrinologie au CHU Mustapha, plaide pour la taxation de cet aliment comme ce fut le cas pour le tabac et l’alcool. «Taxer la mauvaise alimentation est une bonne ressource pour la santé.
Il ne faut plus compter sur un financement classique, il faut chercher des niches de financement pour la santé afin de financer de nouveaux outils pour le traitement du diabète, de la cancérologie et des autres maladies chroniques», propose le Pr Baghous, persuadé que la population une fois sensibilisée, adhérera à ce processus et comprendra que le sucre est «un danger public».
A ce propos, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a affirmé récemment que l’Algérie avait pris des mesures en vue de réduire la consommation excessive du sucre, du sel et les matières grasses dans certains aliments, surtout ceux les plus consommés.
Une pompe à insuline
Lors de cette rencontre, le débat a été également axé sur les questions relatives à l’innovation médicale et l’amélioration de la qualité de vie du patient diabétique. Le diabète, a-t-il été rappelé, est la première cause de cécité dans le monde. Il cause également des troubles rénaux et cardiovasculaires, comme il est la cause d’amputations. Les spécialistes ont insisté sur l’importance de l’autosurveillance glycémique.
Les participants ont reconnu que la prise en charge s’est nettement améliorée depuis les années 1990 avec des nouvelles molécules qui ont permis l’amélioration de la qualité de vie du diabétique. En outre, à partir des années 2000, l’autosurveillance a connu une avancée grâce aux glucomètres.
Pour le Pr Baghous, la technologie apporte beaucoup aux malades en permettant de mesurer la glycémie et de prévenir les risques. A cela s’ajoutent, selon le même responsable, les pompes à insuline qui remplacent aujourd’hui les injections. «Nous sommes à l’ère de la pompe à insuline pour un équilibre glycémique intelligent», fait-il savoir.
Qu’est-ce que la pompe à insuline ? Il s’agit, explique-t-il, d’un appareil qui contient et délivre de l’insuline en continue dans le corps. Cette pompe remplace, en quelque sorte, le pancréas qui est défaillant.
Auparavant, dit-il, il y avait sur le marché des pompes très grandes et très lourdes, mais aujourd’hui elles sont remplacées par des pompes miniatures qui sont très acceptées par les patients diabète de type 1 et le dispositif permet l’amélioration et l’équilibre glycémique au cours de la journée. «Ce dispositif médical est doté d’une alarme qui prévient les utilisateurs en cas d’hypoglycémie et indique les différentes tendances du réel.
Il contribue à prévenir les éventuelles complications à moyen et long terme et procure un meilleur suivi de la maladie, des économies et surtout une meilleure qualité de vie des patients», a précisé le Pr Nouri.
Selon le Pr Baghous, ce dispositif est disponible, car il y a des prestataires qui le délivrent, mais il est excessivement cher. Seuls quelques hôpitaux, pour les besoins de la formation de leurs médecins ont acquis cet outil. Toutefois, ce même responsable appelle les pouvoirs publics à lancer une réflexion sur le sujet.
Dans ce contexte, l’ensemble des spécialistes présents ont appelé à rendre les pompes à insuline plus accessibles, particulièrement à une certaines catégorie de diabétiques. Selon eux, il faut aussi former le personnel de santé et faire en sorte que le produit soit disponible sans pour autant nuire à la Sécurité sociale. Dans cette optique, ils estiment nécessaire d’engager des études pharma-économiques.