Chabane Assad : «L’avant-projet de loi sur l’investissement ne corrige pas les insuffisances de l’ancien code»

15/03/2022 mis à jour: 17:30
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Chabane Assad. analyste financier et fondateur du cabinet de conseil Finabi / Photo : D. R.
  • Lors du dernier Conseil des ministres, le président Tebboune a ordonné au gouvernement d’enrichir suffisamment le débat, à travers la promulgation d’une nouvelle loi revue «de fond en comble» pour la promotion de l’investissement. Quelle lecture faites-vous de ce énième ajournement ?

Le président de la République a instruit le gouvernement d’améliorer la nouvelle mouture en enrichissant le débat par l’introduction du concept de liberté d’entreprendre, la stabilisation juridique du nouveau code des investissements pendant dix ans au moins, la réduction du champ de compétence du pouvoir discrétionnaire de l’administration en matière de traitement des dossiers d’investissement, notamment ceux basés sur l’autofinancement, et enfin le renforcement des prérogatives du guichet unique dans le traitement des dossiers d’investissement dans des délais bien déterminés.

La lecture que nous faisons de ce énième ajournement est que les autorités publiques sont conscientes de l’enjeu de la refonte du code de promotion des investissements, et la mouture proposée par le gouvernement nécessite des ajustements. Nous déduisons que les lacunes détectées dans l’ancien code des investissements n’ont pas été corrigées.

La nouvelle mouture doit être plus ambitieuse, innovante et épousant la situation économique, sociale et politique du pays. La raison pour laquelle nous avons réalisé un diagnostic de l’ancien code de promotion des investissements, qui nous a permis de mettre en exergue les blocages et les faiblesses afin de conceptualiser un système de notation qui élimine les lacunes détectées.

  • Les recommandations du Président pour la nouvelle mouture sont, pourtant, les mêmes qui reviennent des années durant. Où se situe réellement le blocage ?

Nous pensons que les blocages se situent au niveau des insuffisances de la mouture proposée, qui ne corrige pas efficacement les lacunes détectées dans l’ancien code. Les failles sont : l’absence de textes d’application, le manque de stabilité réglementaire nécessaire pour booster les investissements directs étrangers, la lourdeur bureaucratique qui induit la corruption, le mauvais calibrage des avantages fiscaux et financiers, le traitement des grands projets au niveau des Conseil national de l’investissement, et la déclaration «physique» des projets d’investissement chez plusieurs interlocuteurs.

Pour corriger ces failles, le nouveau code des investissements doit être construit sur la base d’un système de notation déclaratif et digitalisé lors de l’enregistrement du projet au niveau d’une seule agence. L’intérêt d’un système de notation digitalisé est l’objectivité des critères de sélection des projets, le calibrage optimal des avantages fiscaux et financiers accordés selon la valeur créée par le projet, l’éviction de toute interférence bureaucratique, la transparence dans l’acceptation ou le refus des projets et, enfin, la rapidité et le respect des délais.

Un suivi de la notation sur une base annuelle sera réalisé par l’agence en collaboration avec des tiers indépendants. Si la note du projet s’améliore, alors la liste des avantages sera élargie. Dans le cas où la note se dégrade, la liste des avantages sera réduite. Et si la note du projet diminue et passe en dessous de la note forfaitaire, un audit doit être déclenché en urgence pour mesurer les raisons de cette dégradation exceptionnelle, et des sanctions fiscales et civiles doivent être appliquées.

  • Certains experts évoquent la bureaucratie et la corruption comme freins à l’investissement. N’est-ce pas le modèle de gouvernance qu’il faut revoir de fond en comble ?

La lutte contre la bureaucratie et la corruption est longue et complexe. Le changement de paradigme économique est une urgence vu le contexte sanitaire et géostratégique. L’utilisation des outils de notation, comme celui que nous proposons, permet de lutter contre ces fléaux en amont. L’investisseur s’engage en répondant à six questions : quel est l’impact de votre projet sur l’emploi ?

Quel est votre taux d’intégration ? Quel est votre autofinancement ? Quelle est la zone géographique ciblée par l’investissement ? Quel est l’impact du projet sur la balance en devises ? Quel est l’impwact du projet sur l’environnement ? Il est important de signaler que l’acceptation du projet est tributaire d’un business plan fiable et une équipe managériale de qualité. Enfin, un suivi rigoureux annuel doit être effectué par l’agence en collaboration avec des tiers indépendants. 

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