Leur pétition a été publiée jeudi dernier, alors qu’une vidéo, attribuée à Trump, intitulée «Ghaza 2025, quelle est la prochaine étape ?» et diffusée sur la plateforme Truth Social, montre, à l’aide de l’intelligence artificielle, «l’avenir» de l’enclave en 2025, à travers des images de Palestiniens marchant sur les décombres avant de s’installer dans une ville balnéaire.
En arrière plan, une chanson qui accompagne ces images et qui dit : «Trump Ghaza est enfin là, un avenir doré, une toute nouvelle vie.» Dans cette vidéo, on y voit des tours au nom de «Trump Ghaza» à côté d’un groupe de femmes qui font la danse du ventre, pendant que le milliardaire Elon Musk lance des billets d’argent en l'air et que de jeunes enfants sautent pour les attraper.
Les images défilent en 35 secondes seulement durant lesquelles on peut voir des gratte-ciels tout le long de la baie, des palmiers, Elon Musk sous le soleil, avant de se terminer avec une immense statue dorée de Trump au milieu de la place de la ville, et la détente de Trump et de Netanyahu au soleil.
La vidéo a été violemment critiquée et a suscité la diffusion d’une autre, par des militants de la cause palestinienne, montrant Netanyahu et Trump en train de prendre un bain de soleil, au bord d’une mer de sang. Des images qui concordent avec la réalité de la guerre contre Ghaza. Pendant que la Toile bouillonnait contre la vidéo de Trump, la condamnation du plan d’expulsion des Palestiniens de Ghaza, pour faire de l’enclave une «Riviera du Moyen-Orient», n’a pas cessé.
Ainsi, après les membres du Sénat et les rabbins américains, c’est au tour des juifs italiens de se dresser contre la décision de Donald Trump. Plus de 200 juifs italiens, majoritairement des intellectuels, ont rejeté l’idée de chasser les Palestiniens de Ghaza, qualifiant cette mesure de «nettoyage ethnique».
Dans leur lettre publiée par Il Manifesto et La Républica, les 220 signataires, personnalités politiques, écrivains, universitaires, philosophes, journalistes, professeurs et autres ont écrit : «Le président américain, Donald Trump, veut expulser les Palestiniens de Ghaza. Pendant ce temps en Cisjordanie, la violence du gouvernement et des colons israéliens continue.»
«L’Italie ne doit pas être complice du nettoyage ethnique»
Ils ont déclaré que «les juives et juifs italiens disent non au nettoyage ethnique» en exhortant l’Italie, à «ne pas être complice». L’appel, ont expliqué les signataires, parmi lesquels Helena Janeczyk, lauréate du prix Goncourt Strega en 2018, et de grands noms de la presse italienne, veulent «promouvoir une voix juive forte et claire de rejet», ont écrit deux organisations de jeunes Italiens d’origine juive, contre la politique d’annexion des territoires palestiniens et toute forme d’antisémisme, qui œuvrent pour «une paix juste» au Moyen-Orient «Jewish Voices for Peace» et «le Jewish Laboratory for Combating Racism», groupe de jeunes Italiens d'origine juive qui s'opposent à «la politique israélienne d'annexion des territoires palestiniens» et rejettent «toute forme d'antisémitisme».
A l’origine de cette initiative, ces deux groupes ont suscité de nombreuses réactions virulentes, dans le camp d’une partie de la communauté juive, qui soutient la guerre d’Israël contre Ghaza. Journaliste au journal Corriere della Sera et signataire de l’appel, Federico Fubini, a justifié son action, en déclarant sur son compte X : «J'ai signé un appel contre le nettoyage ethnique à Ghaza et contre l'oppression en Cisjordanie.
Ce sont deux points qui me tiennent très à cœur. Mais en aucune façon cela ne cautionne le Hamas, évidemment, ni les nombreuses formes d'antisémitisme explicites ou insidieuses et hypocrites que nous voyons partout, y compris en Italie.»
Cet appel rejoint celui, lancé aux USA, il y a quelques jours, et qui a recueilli des milliers de signatures, dont celles de 350 rabbins américains. Publiée sur la Une du New York Times, avec un fond blanc et un grand carré noir au milieu duquel, on peut lire : «Trump a ordonné l’expulsion de tous les Palestiniens de Ghaza.
Les Juifs disent : non au nettoyage ethnique !», cette pétition a été signée par 350 rabbins, des milliers d’activistes et de personnalités éminentes de la communauté culturelle juive de l’Amérique, qui ont condamné la décision d’expulsion des Palestiniens de Ghaza, de Trump, dans le but d'accaparer l’enclave et la transformer en un ensemble immobilier de luxe.
«Nous vous écrivons pour vous exhorter à retirer vos dangereux commentaires du 4 février 2025, déclarant que la population civile palestinienne de Ghaza devait être relocalisée de manière permanente et que les États-Unis ''prenaient le contrôle'' du territoire, le ''possédaient'' et le transformaient en ''Riviera du Moyen-Orient''», ont écrit les pétitionnaires. Pour eux, «aujourd'hui plus que jamais, les Etats-Unis doivent jouer un rôle constructif dans la résolution du conflit israélo-palestinien».
C'est pourquoi, ont-ils souligné, ils se disent «alarmés qu'un président américain prône le déplacement forcé et permanent de deux millions de personnes». Un tel acte, ont-il ajouté, «serait non seulement moralement indéfendable, mais il violerait également la Convention de Genève, mettrait en péril les intérêts et les troupes américaines et porterait atteinte à notre réputation mondiale».
L’expulsion des Palestiniens «rappelle la Nakba de 1948»
Les signataires de la pétition ont expliqué que «la simple suggestion que des hommes et des femmes américains en uniforme ou autres personnels américains devraient être ordonnés de commettre un tel crime dans une zone de guerre instable est imprudente et dangereuse, le simple fait de tenter de déplacer de force deux millions de personnes entraînerait un nombre incalculable de victimes américaines et une augmentation monumentale du terrorisme dans le monde entier». Pour les auteurs de la lettre, les USA «ne peuvent pas promouvoir le déplacement forcé comme solution à ce conflit».
De ce fait, ont-il ajouté, «une telle mesure risque de déstabiliser le fragile cessez-le-feu actuellement en vigueur, de mettre en danger les otages toujours détenus par le Hamas, d’alimenter les sentiments extrémistes et de servir d’outil de recrutement pour les organisations terroristes».
Ils ont fait le parallèle avec «le Septembre noir de 1970 en Jordanie et l’insurrection palestinienne au Liban dans les années 1960 et 1970», et averti que «l’accueil d’une population palestinienne dans les pays voisins ne garantira ni la sécurité d’Israël ni ne remplacera une solution politique à long terme» et précisé à Donald Trump que ses «remarques risquent également de compromettre la possibilité pour les Etats-Unis de travailler avec nos partenaires arabes, qui ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une paix régionale globale basée sur la reconstruction de Ghaza et sur une voie vers une solution à deux États».
Les signataires de la pétition ont fait remarquer aux Etats-Unis : «Plutôt que de poursuivre la voie illégale et immorale que vous avez proposée, nous vous exhortons à travailler avec Israël, ainsi qu’avec les partenaires régionaux et mondiaux, pour respecter l’accord de cessez-le-feu et ramener tous les otages chez eux.»
Pour eux, «ensemble, nous pouvons élaborer un plan réaliste, soutenu et financé par la communauté internationale, pour rendre Ghaza vivable pour ses résidents actuels le plus rapidement possible». Parmi les signataires de cette pétition, de nombreux activistes de la société civile mais aussi des célébrités, comme le dramaturge Tony Kushner, l'actrice Ilana Glazer, l'écrivaine et militante canadienne Naomi Klein et l'acteur Joacquin Phoenix, ainsi que des militants juifs américains, dont Tobia Spitzer, rabbin principal de la Congrégation Doshei Tzedek à Newton, dans le Massachusetts, qui dans un communiqué, a déclaré que le plan de Donald Trump «rappelle pour beaucoup la Nakba de 1948» auquel, a-t-il dit, il est vital de s’opposer.
«Nous savons mieux que quiconque à quelle violence ce type de fantasme peut conduire»
«Nous, les juifs, savons mieux que quiconque à quelle violence ce type de fantasmes peut conduire», a-t-il souligné. D’autres rabbins, comme Yosef Berman, du New Synagogue Project à Washington DC, n’ont pas mis de gants pour déclarer à des médias américains que «l'enseignement juif est clair : Donald Trump n'est pas Dieu et ne peut pas enlever la dignité inhérente des Palestiniens ou voler leur terre pour une opération immobilière.
Le désir de Donald Trump de nettoyer ethniquement les Palestiniens de Ghaza est moralement abominable». Interrogé par des journalistes du Vatican, le rabbin David Rosen, ancien directeur international pour les affaires interreligieuses de l'American Jewish Committee et actuel conseiller spécial interreligieux à l'Abrahamic Family House à Abou Dhabi, a mis en avant, «l'importance et l’utilité de l'initiative» pour que «le monde sache autant que possible que l'idée de Donald Trump, telle qu'elle est et telle qu'elle a été comprise, n'est pas acceptable».
Selon lui, «déplacer des populations contre leur volonté est contraire à la Convention de Genève, mais plus important encore: c'est immoral», ajoutant plus loin, que «lorsque les gens choisissent volontairement de partir, c'est une autre affaire, mais le déplacement forcé est moralement inacceptable d'un point de vue éthique et moral».
Lui emboîtant le pas, le rabbin, Peter Beinart, rédacteur en chef de Jewish Currents, signataire de la pétition, s’est offusqué contre les voix qui soutiennent la guerre contre Ghaza. «Il est tout à fait horrifiant de voir à quel point des personnes qui jouissent d’une grande légitimité et d’un grand respect dans notre communauté sont prêtes à soutenir quelque chose qui serait considéré comme l’un des plus grands crimes du XXIe siècle.»