Amnesty International a documenté plusieurs cas où des soldats israéliens ont ouvert le feu sur des Palestiniens sans défense
en Cisjordanie occupée, dont un adolescent de 15 ans. Amnesty dénonce également les attaques répétées contre des équipes de secouristes et des ambulances pour les empêcher d’évacuer les blessés, les laissant se vider de leur sang de façon inhumaine.
Depuis le début de la campagne militaire israélienne contre Ghaza, il ne se passe pas un jour sans que les forces d’occupation sionistes ne commettent de véritables boucheries dans l’enclave martyrisée. Mais, comme nous l’avons déjà souligné à maintes reprises, la Cisjordanie n’est pas épargnée par les exactions et les atrocités israéliennes.
Dans un document de plusieurs pages, Amnesty International accable l’Etat hébreu, l’accusant de nombreux crimes dûment documentés commis dans différentes villes en Cisjordanie. Les circonstances de l’exécution de ces crimes démontrent de la façon la plus formelle que les soldats israéliens tirent et tuent à volonté, ciblant de sang-froid des civils sans défense.
Des crimes là aussi largement susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales devant les instances judiciaires internationales. «Alors que le monde a le regard rivé sur Ghaza, les forces israéliennes déchaînent depuis quatre mois une vague de violence contre les Palestinien(ne)s en Cisjordanie occupée, se livrant à des homicides illégaux, notamment en recourant à la force meurtrière sans nécessité ou de manière disproportionnée lors de manifestations et d’arrestations, et privant les blessés d’assistance médicale», accuse Amnesty International dans un communiqué diffusé ce lundi, et dont El Watan a reçu une copie.
Amnesty affirme avoir enquêté sur des cas avérés d’usage outrancier de la force létale. Il est question précisément de «quatre cas emblématiques de l’usage illégal de la force meurtrière par les forces israéliennes – trois en octobre et un en novembre – ayant entraîné l’homicide illégal de 20 Palestinien(ne)s, dont sept enfants».
L’organisation de défense des droits humains indique que ses «chercheurs ont interviewé à distance 12 personnes, dont 10 témoins oculaires, parmi eux des secouristes, et des habitant(e)s du secteur». «Dans le cadre de l’étude de ces quatre cas, ajoute-t-elle, le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International a authentifié 19 vidéos et quatre photos».
Erika Guevara-Rosas, avocate mexicaine et directrice générale de la recherche, du plaidoyer et des politiques au niveau mondial à Amnesty International, a déclaré à propos de ces meurtres de civils innocents : «Ces homicides illégaux piétinent le droit international relatif aux droits humains et sont commis en toute impunité dans le contexte du maintien du régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématiques d’Israël sur les Palestinien(ne)s.»
Depuis l’opération «Toufane Al Aqsa» (Déluge d’Al Aqsa), les forces d’occupation israéliennes ont «intensifié leurs raids, les effectuant à un rythme quasi quotidien à travers la Cisjordanie occupée, lors d’opérations dites de perquisition et d’arrestation», alerte l’ONG. Elle fait savoir dans la foulée que «plus de 54% des 4382 Palestinien(ne)s blessés en Cisjordanie l’ont été lors de ce type d’opérations».
Taha Mahamid, un adolescent de 15 ans froidement abattu
Un des cas sur lesquels a enquêté Amnesty est une opération conduite par l’armée israélienne et les garde-frontières de l’Etat hébreu qui «ont recouru à une force excessive lors d’un raid qui a commencé le 19 octobre et a duré 30 heures au camp de réfugiés de Nour Shams, à Tulkarem».
«Lors de cette opération, les forces israéliennes ont tué 13 Palestinien(ne)s, dont six mineur(e)s, quatre d’entre eux ayant moins de 16 ans, et ont arrêté 15 personnes», détaille le document d’Amnesty. Et l’ONG de révéler le sort terrible d’un adolescent de 15 ans qui sera froidement abattu au camp de Nour Shams lors de cet assaut du 19 octobre.
«Parmi les victimes de ce raid figure Taha Mahamid, 15 ans, abattu par les soldats israéliens devant chez lui alors qu’il sortait pour voir s’ils avaient quitté la zone. Il n’était pas armé et ne représentait pas de menace pour les soldats au moment où il a été abattu, d’après des témoignages oculaires et les vidéos examinées par Amnesty International», insiste l’ONG.
Les images visionnées par les experts d’Amnesty sont formelles : Taha n’a fait aucun geste menaçant envers les soldats sionistes.
«Sur une vidéo filmée par l’une de ses sœurs et authentifiée par le Laboratoire de preuves d’Amnesty, on peut voir Taha marcher dans la rue, regardant à droite et à gauche pour détecter la présence de soldats, puis s’effondrer devant chez lui, après que trois détonations aient retenti».
Fatima, sœur de Taha, déclare à l’équipe d’Amnesty : «Ils ne lui ont laissé aucune chance. En une fraction de seconde, mon frère était éliminé. Ils ont tiré trois balles sans aucune pitié. La première l’a touché à la jambe. La seconde au ventre. La troisième, à l’œil. Il n’y a pas eu d’affrontement.»
Les soldats sionistes n’hésitent pas à ouvrir le feu sur le père aussi. «Mon père a levé les mains en l’air, montrant (aux soldats) qu’il n’avait rien du tout. Il voulait juste aller chercher son fils. Ils lui ont tiré une balle, et mon père s’est effondré près de Taha», témoigne Fatima.
Après avoir abattu de sang-froid l’adolescent palestinien, 1’armée israélienne est revenue à la charge «12 heures après» pour s’en prendre au reste de la famille. «Des soldats israéliens ont fait irruption à son domicile, ont enfermé les membres de sa famille, dont trois jeunes enfants, dans une pièce sous la surveillance d’un soldat pendant environ 10 heures.
Ils ont également percé des trous dans les murs de deux pièces pour positionner des tireurs d’élite surplombant le quartier. Selon un témoin, ils ont fouillé la maison, frappé l’un des membres de la famille et l’un d’entre eux a uriné sur le seuil de la porte», relate Amnesty.
«Il se tenait simplement debout dans la foule»
Autre cas : le 10 octobre, à Jérusalem-Est, exactement au lieudit Ein Al Lozah, un quartier de Silwan, des «affrontements ont éclaté entre des Palestiniens, qui ont tiré des feux d’artifice, et des garde-frontières israéliens, qui ont tiré à balles réelles».
Au cours de ces affrontements, un citoyen, Abd Al Rahman Faraj, a été blessé par balle. Le dénommé Ali Abbasi a tenté de le mettre à l’abri et a été abattu sans sommation. Il a été touché à la tête, selon un témoin.
Ce dernier a ajouté que «les forces israéliennes ont menacé d’abattre les personnes qui tentaient d’aider les deux hommes et ont empêché une ambulance de se rendre auprès des victimes, les laissant se vider de leur sang au sol pendant plus d’une heure.
Une ambulance de l’armée israélienne est ensuite venue chercher les corps, qui n’ont toujours pas été restitués à leurs familles».
Autre crime documenté par l’ONG : le 13 octobre 2023, à Tulkarem, des soldats israéliens «ouvrent le feu sur une foule d’au moins 80 Palestiniens non armés, qui manifestaient sans violence en solidarité avec Ghaza».
Deux journalistes témoignent avoir vu «un Palestinien qui passait devant eux à vélo se faire tirer dessus et être blessé par un soldat israélien». «L’une des journalistes a également vu un autre manifestant recevoir une balle dans la tête», rapporte l’organisation basée à Londres.
Amnesty International cite encore un homicide perpétré le 27 novembre à Beitunia, près de Ramallah. Une foule s’était rassemblée ce jour-là «pour accueillir des prisonniers libérés de la prison d’Ofer, dans le cadre de l’accord entre Israël et le Hamas».
«Selon des témoins, l’armée israélienne a tiré des balles réelles et des balles enduites de caoutchouc sur la foule et a largué des grenades lacrymogènes à l’aide de drones (…). Un témoin a vu un habitant, Yassine Al Asmar, recevoir une balle dans la poitrine alors qu’il se tenait simplement debout dans la foule, et les ambulances n’ont pas pu arriver jusqu’à lui en raison des tirs des forces israéliennes».
Indignée par ces véritables exécutions sommaires, Erika Guevara-Rosas exhorte les institutions internationales compétentes à réagir. «Amnesty International recense depuis longtemps les homicides illégaux commis par les forces israéliennes et la manière dont ils s’inscrivent dans le système d’apartheid qui enferme la population palestinienne.
Il est temps que le procureur de la Cour pénale internationale enquête sur ces homicides et sur le crime d’apartheid dans le cadre de son investigation sur la situation en Palestine», plaide l’avocate mexicaine.