Alors que le conseil de sécurité de l’ONU débat de la famine à Ghaza : Israël continue à affamer les Palestiniens

13/11/2024 mis à jour: 18:23
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Photo : D. R.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a ouvert, hier, à la demande de l’Algérie, du Guyana, de la Slovénie et de la Suisse, un débat sur la famine au nord de Ghaza. La réunion se tient alors que le délai d’un mois imposé par les Etats-Unis à Israël, pour autoriser l’accès de l’aide humanitaire à l’enclave sous peine de blocus sur les armes, tire à sa fin sans que l’Etat hébreu n’apporte les réponses exigées.

La situation est très critique. Des experts onusiens en sécurité alimentaire affirment «qu’ il est fort probable que la famine soit imminente» dans les zones du nord de Ghaza, où la population est soumise, depuis un mois et douze jours, à un blocus militaire sioniste, la privant d’eau, de nourriture, de médicaments, de soins, de secours, d’électricité et de carburant qui fait fonctionner les installations médicales.

L’alerte a été donnée au début de cette semaine par le Comité d’examen de la famine de L’IPC (Classification intégrée des phases), qui a souligné que la situation humanitaire dans l’enclave était extrêmement grave et se détériorait rapidement. «Une action immédiate, en quelques jours et non en quelques semaines, est requise de la part de tous les acteurs qui participent directement au conflit, ou qui ont une influence sur sa conduite, afin d'éviter et d'atténuer cette situation catastrophique», a déclaré le Comité. Pour la directrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Cindy McCain, «l’inacceptable est confirmé».

Dans un message sur son compte X, elle a averti que «des mesures immédiates doivent être prises pour permettre un flux sûr, rapide et sans entrave de fournitures humanitaires et commerciales afin d’éviter une catastrophe totale. Maintenant !». Cette situation «est le résultat de déplacement de populations à grande échelle, de la réduction des flux commerciaux et humanitaires à Ghaza et de destruction des infrastructures et des établissements de santé», a expliqué Martin Bauer, directeur de l’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition auprès du PAM. Dans sa déclaration au site ONU Info, il est formel : «Il y a eu une réduction drastique du nombre de camions entrant dans la bande de Ghaza. Fin octobre, il n’y avait plus que 58 camions par jour, contre environ 200 pendant l’été (…)»

Selon lui, en raison de la réduction des flux, les prix des denrées alimentaires ont augmenté dans le Nord, doublant pratiquement au cours des dernières semaines. «Ils sont aujourd’hui environ 10 fois plus élevés qu’avant le conflit. Cette alerte rappelle donc que le monde doit avoir les yeux rivés sur Ghaza et qu’il faut agir maintenant.»

Selon le comité, «Près de 100 000 personnes ont été déplacées du nord de Ghaza vers la ville de Ghaza et entre 75 000 et 95 000 personnes restent assiégées dans le nord de Ghaza sans fournitures médicales ni nourriture».

Un constat extrêmement grave qui a poussé les experts du Comité à appeler à «une action immédiate de la part de toutes les parties prenantes ayant une influence potentielle pour inverser cette catastrophe humanitaire», mais aussi «toutes les parties directement impliquées dans le conflit, ou qui ont une influence, à autoriser immédiatement l’entrée à Ghaza de nourriture, d’eau, de fournitures médicales et nutritionnelles, ainsi que d’autres produits de première nécessité».

Les mises en garde des ONG humanitaires et les mensonges d’Israël

Ils ont également plaidé pour «la levée du siège israélien dans les zones septentrionales, l’arrêt des attaques contre les établissements de santé et d’autres infrastructures civiles, l’autorisation de réapprovisionnement des établissements de santé et pour la  libération des professionnels de la santé en détention».

Avant de conclure, ils ont averti que «l’absence de réponse à ces appels dans les prochains jours entraînera une nouvelle détérioration de la situation humanitaire et d’autres morts de civils qui auraient pu être évitées (…) Si aucune mesure efficace n’est prise par les parties prenantes influentes, l’ampleur de cette catastrophe imminente risque d’éclipser tout ce que nous avons vu jusqu’à présent dans la bande de Ghaza depuis le 7 octobre 2023».

Le rapport des experts a suscité la convocation, par l’Algérie, Guyana, la Slovénie et la Suisse, d’une réunion (tenue hier) du Conseil de sécurité de l’ONU, consacrée exclusivement à la famine à Ghaza, alors que le délai d’un mois donné par les Etats-Unis  à Israël pour améliorer la situation humanitaire dans l’enclave, sous peine d’un embargo sur les armes, a expiré sans que des mesures ne soient prises sur le terrain.

Dans une lettre adressée le 13 octobre dernier, le secrétaire d’Etat Antony Blinken et le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, ont donné au gouvernement israélien un délai d’un mois (30 jours), pour prendre plus d’une douzaine de mesures concrètes pour améliorer la situation humanitaire qui, selon eux, se détériore à Ghaza.

«Le gouvernement israélien n'a pas réussi à respecter les critères fixés par les États-Unis pour améliorer la situation humanitaire à Ghaza», ont déclaré, hier, huit organisations humanitaires. «Israël n’a pas seulement échoué à répondre aux critères américains qui indiqueraient un soutien à la réponse humanitaire, mais a simultanément pris des mesures qui ont considérablement aggravé la situation sur le terrain, en particulier dans le nord de Ghaza»,  ont écrit dans leur communiqué conjoint Anera, CARE International, MedGlobal, Mercy Corps, le Conseil norvégien pour les réfugiés, Oxfam, Refugees International et Save the Children.

«L’incapacité à démontrer un engagement durable à mettre en œuvre et à maintenir ces mesures pourrait avoir des conséquences sur la politique américaine, en vertu d’un mémorandum de sécurité nationale de l’administration Biden ainsi que sur la législation américaine», ont mis en garde les ONG humanitaires, en faisant référence à la loi américaine relative à l’aide étrangère qui prévoit la rupture du soutien militaire à un pays qui restreint l’aide humanitaire américaine.

Dans leur communiqué, les huit ONG humanitaires internationales ont affirmé que les 15 des mesures exigées par Blinken et Austin, dans leur lettre du 13 octobre à Israël, «ont subi des retards importants ou ont fait machine arrière, et quatre d’entre elles n’ont été mises en œuvre que partiellement ou de manière incohérente, alors qu’aucune des mesures n’a connu de progrès complets ou significatifs». Le minimum (exigé par Washington) de 350 camions d’aide humanitaire par jour qui devait entrer à Ghaza n’a également pas été respecté, de même que l’admission quotidienne d’un minimum de  50 à 100 camions commerciaux.

«Ces gens ne sautent plus un repas, ils prennent un repas tous les deux jours»

«C’est le genre de combinaison mortelle d’absence d’aide humanitaire et d’absence d’aide commerciale qui, depuis 30 jours, accélère la détérioration, et c’est un vrai problème», a déclaré à la chaîne américaine CNN Kate Phillips-Barrasso, vice-présidente de la politique mondiale et du plaidoyer chez Mercy Corps. «Si l'un de ces deux secteurs ne bouge pas, cela signifie que les gens n'auront rien à manger.

C'est une équation très basique, n'est-ce pas ? Rien à acheter, rien à donner, et il n'y a évidemment rien de vraiment cultivé ou pêché ou quoi que ce soit localement, sans compter que cela ne suffirait jamais à nourrir une population de 2 millions de personnes. Les gens ne sautent plus simplement des repas, ils prennent un repas tous les deux jours, et il s’agit principalement de conserves», a-t-elle souligné au même média.

Les huit ONG ont également affirmé que le gouvernement israélien «n’a pas, non plus, réussi à instaurer des  pauses humanitaires adéquates pour permettre les activités humanitaires, à annuler les  ordres d’évacuation lorsqu’il n’y a pas de nécessité opérationnelle, à assurer un accès humanitaire continu au nord de Ghaza, ou à renforcer la sécurité des sites et des mouvements humanitaires».

Selon elles, «les forces israéliennes ont attaqué à plusieurs reprises des sites humanitaires et des intervenants de première ligne au cours de cette période de 30 jours. Au moins 14 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le 3 octobre, dont au moins quatre ont été recensés au cours de cette période de 30 jours».

Avant de conclure, les signataires de la déclaration ont souligné que «l’efficacité des efforts diplomatiques internationaux pour atténuer la crise humanitaire à Ghaza dépend de la volonté des Etats-Unis et d’autres pays de pousser Israël à se conformer à ces priorités». Mais sur le terrain, cette diplomatie ne semble pas affecter Israël.

Il continue à affamer la population de Ghaza, particulièrement du nord, en maintenant le blocus à ce jour et ce malgré les mises en garde de Washington, qui lui a fait savoir que «l'échec à améliorer la situation de l'aide humanitaire à Ghaza et à mettre en œuvre un certain nombre de mesures décrites dans la lettre pourrait entraîner des conséquences juridiques et politiques potentielles», avait déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche, il y a quelques jours seulement.

Mais Israël, toute honte bue, a annoncé lundi dernier «avoir satisfait à la plupart des demandes des Etats-Unis», précisant toutefois n’avoir «pas encore finalisé certains points à l’approche d’une date butoir pour améliorer la situation».

C’est ce qu’ont déclaré des responsables israéliens aux médias locaux. Selon ces derniers, «plusieurs points restent à l’étude et touchent à des questions de sécurité» et parmi les demandes rejetées figure l’autorisation d’entrée de 50 à 100 camions commerciaux par jour, du fait que l’activité commerciale, selon toujours les responsables israéliens, «avait été interrompue parce que le Hamas contrôlait les commerçants.

Les restrictions sur l’entrée de conteneurs fermés ne seront pas non plus levées en raison des risques sécuritaires». Hier, les médias israéliens ont affirmé que l’armée sioniste «a déclaré avoir livré des centaines de paquets de nourriture dans les zones isolées du nord de Ghaza avant l’expiration du délai fixé par les Etats-Unis», alors que dans une vidéo diffusée par le Dr Hussam Abu Safiya, directeur de l’hôpital Kamel Adwane, situé au nord de Ghaza, la population lançait à la communauté internationale un appel de détresse.

«Nous constatons des cas alarmants de malnutrition chez les enfants et les adultes. Nous avons du mal à fournir ne serait-ce qu’un repas par jour au personnel hospitalier, dans un contexte de grave pénurie de nourriture et de fournitures médicales. Nous perdons des vies chaque jour à cause du manque de soins et de ressources», a-t-il lancé.

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