On ne peut dissocier le nom de Si Messaoud (Boudjeriou-NDLR) du combat héroïque et sans discontinuité qu’il livra dans cette ville (Constantine) durant toute la guerre de Libération», notait Abdelaziz Khalfallah, plus connu par Mostefa Boutemira dans son livre «La wilaya II historique – L’ombre de Constantine», paru à Chihab Éditions en 2021.
Boutemira qui succèdera à Messaoud Boudjeriou à la tête de la Zone 5 de la Wilaya II historique le connaissait parfaitement pour avoir été l’un de ses plus proches collaborateurs au maquis.
Selon des éléments de sa biographie cités dans ce livre, on saura que Messaoud Boudjeriou, connu aussi sous le nom de Messaoud El Ksentini, est né le 30 mars1930 au village de Ain Kerma, devenu aujourd’hui une commune qui porte son nom. Il s’installa avec sa famille à la cité Sidi Mabrouk où il fréquenta l’école coranique et l’école française.
Tout jeune, il s’enrôla dans les Scouts musulmans algériens (SMA) puis il adhéra en 1948 au MTLD devenant un militant actif au sein de la section de Sidi Mabrouk.
«Il fut même inscrit sur une liste communale en tant que candidat du MTLD, et, comme la plupart des militants de l’OS, fut surpris par le déclenchement de la lutte armée, le 1er Novembre. Et, ce n’est qu’après avoir commis un attentat en avril 1955 qu’il rejoint le groupe tenu par Sassi et Zighed Smain auprès duquel il végéta quelque temps avant que Salah Boubnider ne le remarque et demande à Zighoud Youcef son affectation à la veille de la préparation du 20 août 1955, pour l’assister dans le secteur constantinois, et ce, jusqu’au jour où il fut définitivement chargé de la responsabilité de la ville», notera Mostefa Boutemira.
Ce dernier ajoute : «Après la décimation de l’organisation de la ville que dirigeait le tandem Mostefa Aouati-Ali Zaâmouche qui furent arrêtés, condamnés et exécutés, Si Messaoud Boudjeriou, alors qu’il assistait Boubnider Salah dans le secteur de Constantine, fut chargé, début avril 1956 , de la responsabilité de l’organisation de la ville de façon autonome».
Messaoud Boudjeriou sélectionnait des militants chargés de conduire des activités armées, consistant en la pose de bombes ou l’exécution de membres de sécurité ennemie ou de collaborateurs.
Au courant de l’année 1958, il décida avec son adjoint Kerrouche Abdelhamid de former des groupes de fiddayine pour opérer en plein centre-ville.
«Si Messaoud était empirique et n’aimait pas partager de manière rigide les responsabilités ainsi que les champs d’activité des groupes agissant à l’intérieur de la ville», témoignait Mostefa Boutemira dans son livre.
ACCROCHAGE À DJEBEL TAGHOUZA
Les circonstances dans lesquelles Messaoud Boudjeriou est tombé au champ d’honneur n’ont pas été révélées avec exactitude.
À travers les archives de presse de l’époque et des témoignages recueillis auprès de certains de ses anciens compagnons, on saura qu’à l’aube de la journée du vendredi 28 avril 1961, d’importants contingents de l’armée française ont été déployés dans la région de Djebel Taghouza, situé au sud du massif de Collo, non loin de la localité de Aïn Kechra, dépendant actuellement de la wilaya de Skikda.
Un ratissage d’envergure avait été déclenché, surtout que les services français avaient des renseignements sûrs sur la présence de moudjahidine dans la région.
Aujourd’hui, on est certains que ces moudjahidine avaient été vendus. Il s’agit du groupe de Messaoud Boudjeriou, dit Messaoud Leksentini, chef de la Zone 5 de la Wilaya II historique, dont les éléments ont été surpris par la présence de militaires français.
Encerclés de toutes parts, les moudjahidine n’avaient même pas eu le temps d’évacuer les lieux. La confrontation était inévitable.
En dépit de la supériorité de l’armée française, appuyée par les hélicoptères, Messaoud Boudjeriou et ses hommes ont livré un combat courageux. Selon des moudjahidine qui ont été témoins de cet accrochage, Messaoud Boudjeriou est tombé les armes à la main au lieudit «Derader».
Parmi les martyrs se trouvait également Loucif Mebarka, dite Taitouma. Après la bataille, le corps de Messaoud Boudjeriou est resté sur le champ, surtout que les officiers de l’armée française n’ont jamais réussi à l’identifier.
«Ce n’est que le lendemain matin, après le retour au calme et le départ des forces françaises que nous sommes descendus vers la région de Djebel Taghouza, où nous avons constaté la mort de Si Messaoud et nous avons ainsi pu l’enterrer ainsi que d’autres martyrs», nous a révélé un ancien moudjahid.
Ceci explique le fait que les Français n’avaient pu annoncer la mort de Messaoud Boudjeriou que le 3 mai 1961 sur les colonnes de La Dépêche de Constantine, après avoir confirmé cette information auprès de certains rescapés faits prisonniers lors du ratissage de Djebel Taghouza.
Pour l’histoire, La Dépêche de Constantine avait déjà donné une fausse information, en annonçant dans son édition du 3 mai 1958 la mort de Messaoud Boudjeriou, après la fameuse bataille de Catinat dans la région de Settara, survenue au mois d’avril 1958.
La mort de Messaoud Boudjeriou marque la fin du long parcours d’un homme valeureux, qui a sacrifié sa vie pour la liberté de son pays. Après le 28 avril 1961, Abdelaziz Khalfallah dit Mostefa Boutemira prendra le commandement de la Zone 5, avec une nouvelle restructuration des nahias, et la désignation de nouveaux responsables dans la ville de Constantine.