Avant de plonger dans les subtilités de l’évolution du film historique en Algérie, une question fondamentale se pose : quelle est la portée du cinéma historique algérien ? La réponse qui s’impose d’emblée est que ce genre cinématographique constitue un vecteur puissant pour immortaliser les moments marquants de notre histoire. Il éclaire les péripéties de la révolution et de la colonisation, tout en renforçant les liens entre les générations et leur héritage culturel.
Cependant, face à l’indifférence croissante des jeunes générations, il devient impératif d’identifier le public cible, de créer une audience dévouée et de clarifier les objectifs à atteindre. Le spectateur, en particulier lorsqu’il s’agit d’un enfant, doit être envisagé dans sa globalité psychologique, notamment en ce qui concerne son immersion et son identification à l’histoire nationale.
Dans ce cadre, Nour El Houda Kermani, spécialiste en audiovisuel et des nouvelles techniques de l’université de Oum El Bouaghi et enseignante à Salah Boubnider, souligne que le cinéma historique est un outil pédagogique crucial pour les enfants. Selon elle, «une étude britannique a démontré l’efficacité des films historiques dans l’éducation des jeunes. Les capacités de perception des enfants sont très développées. La salle de cinéma, par son impact, stimule leur imagination».
Elle illustre cette idée par un exemple chinois, où, dans certaines écoles primaires de Pékin, les élèves assistent chaque semaine à des projections de films historiques suivies de débats. Cette approche pédagogique rend l’apprentissage de l’histoire attrayant, évitant ainsi le caractère souvent rébarbatif des cours classiques. En Algérie, après le déclin notable de la production de films historiques en 2008-2009, les autorités ont créé en 2010 le Centre algérien pour le développement du cinéma (CADC).
Cette institution avait pour ambition de revitaliser ce secteur en intégrant des technologies modernes et en préservant les œuvres existantes.
Cette initiative a permis une hausse notable de la production en 2011. Cependant, cette dynamique n’a pas duré, le secteur étant frappé par une stagnation marquée entre 2015 et 2018, où aucune œuvre historique n’a vu le jour, selon l’analyse de la chercheuse.
Cette dernière a révélé que des cinéastes éminents, à l’instar d’Ahmed Rachedi, ont attribué ce recul à de nombreuses contraintes. Rachedi a souligné qu'«en raison de nombreux facteurs politiques et économiques, le cinéma algérien historique n’a pas pu trouver un environnement propice pour revitaliser cet art en Algérie, surtout dans le contexte des nouvelles évolutions technologiques qui ont créé de nouveaux centres d’intérêt pour la jeune génération, rendant difficile de capter son attention avec de tels sujets historiques.
Les films modernes sont ainsi restés confinés dans le cercle des festivals internationaux, sans un suivi notable de la part du spectateur algérien, sauf dans de rares exceptions».
Les films algériens bien que primés dans des festivals internationaux, peinent à trouver un écho auprès du public national. La même intervenante a souligné que le célèbre réalisateur Mohamed Lakhdar Hamina a mis en lumière les obstacles rencontrés par les jeunes réalisateurs. «Les jeunes réalisateurs, actuellement intéressés par le cinéma historique, rencontrent d’énormes difficultés en l’absence de structures cinématographiques encadrées, qu’elles soient publiques ou privées, pour les accompagner dans leurs projets créatifs. Ils manquent également de sources historiques fiables, d’autant plus que la plupart d’entre eux se sont lancés dans ce domaine sans encadrement ni formation académique, professionnelle ou artistique», a-t-il noté.
Pour sa part et selon les recherches de la doctorante, Belkacem Hadjadj estime : «Actuellement, le cinéma historique algérien agonise, ou plutôt, je pense qu’il est mort.» Malgré ces défis, des initiatives récentes visent à redonner vie au cinéma historique algérien. Des chefs-d’œuvre, tels que La Bataille d’Alger et L’Incendie, ont été restaurés à l’aide de techniques de coloration, permettant leur rediffusion avec succès. De nouvelles œuvres, à l’instar de Lella Fatma N’Soumer, ont également vu le jour, suscitant un engouement populaire.
Cependant, pour Nour El Houda Kermani, l’un des principaux enjeux demeure la sensibilisation des jeunes à leur patrimoine historique. Elle affirme que «moderniser les films ne suffit pas. Il est crucial d’intégrer la culture cinématographique et historique dès le plus jeune âge.
Des modèles inspirés d’expériences chinoises ou européennes pourraient être adoptés pour inculquer aux enfants une conscience historique par le biais du cinéma». Elle a souhaité une multiplication de ces initiatives, afin de redonner au cinéma historique algérien la place qu’il mérite sur la scène nationale et internationale.