Immigration, le journal Le Monde prend position : «La xénophobie, terrible carburant politique pour les démagogues»

25/01/2022 mis à jour: 02:11
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Photo : D. R.

Sous le titre « L’immigration : fausses menaces, vraies questions»’, le quotidien parisien du soir s’engage sur la thématique de l’immigration instrumentalisée par l’extrême-droite.

Le bilan provisoire des chiffres de l’immigration vient d’être publié par le ministère français de l’Intérieur, alors que depuis quelques mois les propos politiques sont de plus en plus décomplexés sur les phénomènes migratoires. La surenchère raciste portée par les candidats d’extrême-droite et de droite n’est pas nouvelle.

Comme des ondes émises en multipistes, elle s’est amplifiée depuis qu’Eric Zemmour, ancien journaliste et aujourd’hui candidat à la présidentielle, est devenu un deuxième porte-voix qui pollue les débats au côté de Marine Le Pen, héritière politique de son père de sinistre mémoire.

La droite n’est certes pas en reste puisque la candidate du parti Les républicains, Valérie Pécresse a accentué la xénophobie ambiante, souhaitant entourer l’Europe d’un mur continu et en France revenir aux charters pour rapatrier les étrangers irréguliers.

C’est dans ce cadre nauséeux que Le Monde, en un éditorial non signé (ce qui veut dire qu’il engage le journal dans son ensemble), donne un point de vue d’apaisement.

Ainsi, écrit-il : «Que les questions liées à l’immigration soient instrumentalisées dans le débat politique n’a rien de nouveau, surtout à l’approche d’une élection présidentielle.

Le droit de vote des immigrés et les lois sur la nationalité ont longtemps été utilisés, respectivement par la gauche et par la droite, comme épouvantails à électeurs et moyens de diviser l’adversaire.

La montée de la rhétorique identitaire a fait varier les thèmes jugés porteurs. Aujourd’hui, c’est le fantasme d’une ‘‘menace’’, voire d’une ‘‘invasion’’, qui est agité, non plus seulement par l’extrême droite mais par la droite républicaine.»

«Le pays n’a rien à gagner à se tromper de débat»

Abordant les statistiques sur les premiers titres de séjour délivrés en 2021, rendues publiques jeudi dernier, le quotidien souhaite qu’on les analyse sans les extrapoler : «Peu importe que ces chiffres – 
272 000 titres de séjour délivrés, 103 000 demandes d’asile – traduisent surtout l’effet de la crise du Covid sur les migrations (un rattrapage après la fermeture des frontières de 2020) ; peu importe qu’ils pèsent relativement peu dans un pays de 67,8 millions d’habitants.»

Le rédacteur rappelle que les sujets de préoccupation des Français sont ailleurs, selon les études d’opinion. La question de l’immigration arrive après l’environnement, la protection sociale, la délinquance et le pouvoir d’achat.

Si les hommes politiques à droite de l’échiquier politique vont dans le sens qu’ «il y a trop d’étrangers en France», (résultat d’un sondage récent) « cette xénophobie, ferment de division et de violence, est un terrible carburant politique pour les démagogues. La gauche, en faisant trop souvent l’impasse sur ces réalités, s’est mise en situation d’être difficilement audible sur le sujet ».

Le journal Le Monde souhaiterait un peu de recul en s’inscrivant en faux contre le programme des candidats d’extrême-droite : « Plutôt que de tenter d’exploiter la peur de l’autre ou de la nier, les responsables politiques devraient expliquer que la France ne serait plus elle-même si elle en venait, sous prétexte d’entraver les migrations, à ne plus respecter les droits fondamentaux à vivre en famille, à se marier librement et à trouver asile.

Ils devraient aussi traiter les grands dysfonctionnements liés à l’immigration : la faillite du règlement européen de Dublin, qui favorise l’errance des demandeurs d’asile d’un pays de l’UE à l’autre, et l’impuissance des Vingt-Sept à coordonner leur politique d’asile et de reconduite effective des déboutés. Ils devraient enfin tirer les conséquences des effets délétères du traité du Touquet, qui fait de la France le gendarme de la frontière britannique.»

Et Le Monde en conclut sur la nécessité de rattraper le temps perdu en matière d’intégration, malgré les nombreux plans inaboutis, dont le plan Borloo au début du quinquennat Macron en 2017 : « Le pays n’a rien à gagner à se tromper de débat, à laisser les marchands de haine spéculer sur une prétendue invasion, au lieu de privilégier les solidarités européennes et d’investir dans l’intégration.»

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