La scène culturelle algérienne vient de perdre une énième plume, et pas des moindres. Boudaoud Amier, l’enfant prodige de Aïn Sefra (Naâma) nous quitte prématurément à l’âge de 64 ans.
Auteur, traducteur et critique littéraire hors pair, prolifique et humble, il n’a cessé d’enrichir notre paysage livresque et virtuel de par ses articles ciselés dans les règles de l’art, qu’il chérissait à souhait. Sa particularité est son esprit ouvert à toutes les strates cultuelles qu’a accumulées notre pays. Il n’a jamais appelé à l’exclusion de l’Autre, au four de la production et au moulin du consensus, toujours prêt à colmater les brèches que génèrent les faux débats.
Son décès a choqué plus d’un, les voix pleuvent sur les réseaux sociaux louant son parcours littéraire honorable. Citons quelques-unes de ses œuvres : Le ressac de la mer ; Frivolité ; Autopsie de la réalité cultuelle ; Les louanges du triomphe ; Mekhlouf Ameur, critique littéraire.
Il a son actif des traductions pertinentes vers l’arabe : Mon amie la guitare (Safia Kettou) ; Aperçu historique du Sud-Ouest algérien (Khelifa Benamara) ; Le Livre de la noble généalogie (Khelifa Benamara) ; Yasmina (Isabelle Eberhardt) ; Décembre 1960 à Oran ; Linda ou la fascination (Mahieddine Brezini) ; La Cuillère et autres petits riens (Lazhari Labter). L’homme infatigable qui dévorait cinquante livres par an, à raison de quatre par mois, en sus des revues périodiques qu’il passait au peigne fin, n’a jamais caché son dépit vis-à-vis de la situation précaire de la traduction littéraire en Algérie, qu’il qualifiait de «rêves avortés», au vu de la marginalisation du secteur du livre en général conjuguée aux taux bas du lectorat. Amier, ce majestueux arbre fruitier qui cachait la broussaille de l’ignorance, devant cet Algérien qui rechigne à se procurer un bouquin et paradoxalement n’hésite pas à s’acheter un habit effiloché, distillait désespérément l’amour de la lecture dans ses innombrables posts sur les réseaux sociaux.
Il tire sa révérence sans qu’il ait pu voir les citoyens mordre du livre à pleines dents face à l’invasion du fléau vidéo enclin à cracher la médiocrité humaine au détriment du savoir. Amier, l’érudit et témoin assermenté de son siècle tumultueux, qui avait décroché vaillamment son bac par correspondance, s’en va l’odeur de l’encre aux paumes, le cerveau alourdi d’immenses connaissances en littérature aussi bien locale qu’universelle. Que c’est consternant de voir une sommité partir en douce sans qu’il ait exaucé tous ses premiers vœux, comme tous les aficionados de la littérature qui l’ont précédé à la dernière demeure. A titre d’exemple, Amier déplore que tous les pays arabes réunis traduisent le cinquième de ce que traduit le Japon. Personnellement, il m’a toujours encouragé à aller de l’avant. Je lui en saurai bon gré jusqu’à la fin de mes jours. Boudaoud Amier, une perte incommensurable.
Certes sa voix s’est éteinte, n’empêche sa plume ne rompra jamais, rugissante dans nos cœurs. Reposez en paix homme de lettres en or. L’Algérie vous pleure, s’en souviendra. Les figures emblématiques ne meurent jamais. Cher mentor Amier, nous ne tournerons jamais votre glorieuse page, votre départ précipité nous affligera jusqu’à ce que blanchissent les corbeaux.
Nos dernières larmes formeront la mer qui portera le bateau de votre érudition à bon port. La nation est en deuil, nous guetterons toujours votre résurrection salutaire pour éclairer de nouveau nos sentiers obscurcis.
Par Belkacem Meghzouchene