Hacène Menouar. Président de l’association El Aman pour la protection des consommateurs : «Il y a eu un manque de maîtrise des réseaux de distribution»

16/04/2023 mis à jour: 21:07
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Hacène Menouar

-Quelle analyse faites-vous de la structure des prix des produits de large consommation durant ce mois du Ramadhan ?

Il faut dire d’abord que ce Ramadhan a été pénible pour les consommateurs algériens. Il survient deux ans après la crise sanitaire qui a ruiné certaines entreprises. Bon nombre d’Algériens se sont retrouvés sans travail, d’autres avec des revenus inférieurs qu’auparavant. Il y a eu la crise économique et financière mondiale. Cela a impacté les revenus des ménages, parce que nous sommes toujours restés dépendants des marchés internationaux même pour nos aliments les plus nécessaires et les plus largement consommés.
 

Cette année a  été aussi un rude exercice pour les pouvoirs publics. Un examen qui a dévoilé un manque de maîtrise des réseaux de distribution et, surtout, une défaillance dans la régulation du marché. Et là je parle essentiellement des prix des produits agricoles. D’abord ça a commencé par la pomme de terre qui s’écoulait à 40-50 dinars au-dessus de son prix normal. On considère que son prix devrait être compris entre  50 à 60 dinars. Juste avant ramadan, le tubercule était alors cédé à 100 120 dinars. Et lorsque le prix de la pomme de terre a baissé, celui de l’oignon a augmenté de manière excessive. 

Ceci prouve que les pouvoirs publics, le département de l’agriculture en particulier, n’a pas su réguler le marché pour ces deux produits. Le prix de l’oignon a choqué les Algériens et atteint jusqu’à 380 dinars. C’est 8 fois son prix normal. L’oignon ne doit pas dépasser 40 à 50 dinars.  Mais il n’y a pas que les prix des légumes qui ont pris l’ascenseur. Les fruits aussi. On aurait voulu que les Algériens puissent manger des fruits du terroir en ce mois de jeûne. 

Cela n’a pas été le cas. Les prix des dattes se sont maintenus à 800 dinars. C’est anormal, c’est trop cher en cette période. La banane, un fruit qui régule les prix des autres fruits, est restée inaccessible. Les consommateurs ont subi de manière très douloureuse ce Ramadhan. Ce mois-ci doit être un cas d’école pour évaluer les politiques précédentes et éviter que cela se reproduise l’année prochaine.
 

-Comment voyez-vous l’évolution des prix dans les prochains jours, à l’approche des fêtes de l’Aïd ?

Les prix de tous les produits sont déjà très élevés. Qu’il s’agisse des produits alimentaires ou d’habillement.  
Deux postes de dépense vont encore alourdir le budget des ménages. Il s’agit des dépenses liées à la préparation des gâteaux dont les familles algériennes ne peuvent pas se passer pour des raisons culturelles et religieuses. Les dépenses pour l’achat des vêtements vont aussi impacter les bourses. Les vêtements, notamment pour enfants, sont hors de portée. L’année dernière, on avait découragé la production locale avec des importations massives. Maintenant, on a réduit l’importation ce qui fait que l’offre ne suffit pas à la demande.

-Y aura-t-il, selon vous, des tensions sur d’autres produits dans les jours prochains ?

C’est ce que je crains. Les jours de l’Aïd vont être difficiles. D’abord, pratiquement les prix de tous les produits vont augmenter. Il faut savoir que, trois jours avant l’Aïd el fitr, les producteurs vont arrêter l’arrachage, car les ouvriers vont rentrer chez eux. Les marchés de gros vont ainsi fermer et devront reprendre trois jours après les fêtes.

Comme d’habitude, durant cette période creuse, les marchands et les commerçants qui ont stocké des produits agricoles de large consommation vont vendre plus cher. Pour cela, l’association El Aman appelle les consommateurs à ne pas être trop exigeants sur les produits susceptibles de connaître des augmentations.  Et d’assurer une transition avec  des légumes secs et d’autres aliments moins sujets à spéculation, en attendant que les choses reprennent plus ou moins normalement. 

Et en parlant de normalité, j’aimerais bien qu’on revienne à des notions essentielles qui font que l’Etat est régalien et régulateur. Je considère que le rôle des différents ministères chargés de réguler la production et la distribution des produits de base n’est pas de faire de la sensibilisation comme on a pu l’observer durant ce mois. Leur rôle est de construire des centrales de distribution, de renforcer les chaînes d’approvisionnement, de contrôler les prix, de réglementer, d’imposer l’affichage des prix, de veiller au respect des normes sanitaires, de réprimer les pratiques illégales … 

 

Propos recueillis par M. Abdelkrim
 

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