Financement du terrorisme : Huit ans de réclusion contre Mohamed Abdellah et 20 contre Ahmed Mansouri

18/01/2024 mis à jour: 04:02
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Photo : D. R.

Sur les cinq affaires au programme de la chambre criminelle près la cour d’Alger, une seule a été examinée hier. Elle avait fait couler beaucoup d’encre  au mois de mars 2021, alors que le mouvement islamiste Rachad, composé essentiellement d’anciens cadres et militants du parti dissous, venait d’être inscrit par les autorités sur la liste des organisations terroristes.

Elle porte le nom de l’un de ses principaux accusés «Dakious», pseudonyme d’Ahmed Mansouri, un ancien militant de l’ex-FIS qui avait intégré les groupes terroristes au début des années 1990, avant d’être blanchi dans le cadre de la loi sur la Concorde civile, et dans laquelle, sont également poursuivis Mohamed Abdellah, un déserteur des rangs de la gendarmerie, livré au mois d’août 2021 par l’Espagne, où il s’était réfugié (en 2018), Amir Boukhors, Aboud Hicham, ancien officier des services de renseignement, et Mohamed Larbi Zitout, un des cadres dirigeants de Rachad, installé à Londres, tous reconvertis en «influenceurs» à partir de leur terre d’asile, à l’étranger, et Kamel Benabderrahmane,  accusés de «faire partie, de financer une organisation terroriste, de blanchir de l’argent au profit d’une organisation terroriste dans le but de porter atteinte à la sûreté de l’Etat».

Mansouri a été condamné à 20 ans de réclusion et Abdellah à 15 ans et le reste des accusés, en fuite, ont écopé d’une condamnation de 20 ans par contumace. Hier, le premier à être appelé à la barre est Mansouri, poursuivi pour «faux et usage de faux», «usurpation d’identité», «appartenance à une organisation», «blanchiment d’argent ayant pour but d’attenter à la sécurité de l’Etat».

D’emblée, il nie les faits, puis revient sur son passé, avant que la juge ne l’interroge sur les faux documents de voyage et carte d’identité biométriques. «J’avais une condamnation par contumace, liée à ma participation au début des années 1990 à l’attaque d’une agence bancaire à Constantine.

Lorsque je me suis rendu, j’ai bénéficié de la loi sur la rahma, après avoir remboursé les 200 000 DA pris de la banque. Mais, je ne pouvais pas avoir de passeport.» La juge : «Qu’en est-il de votre condamnation pour escroquerie ?»

L’accusé : «C’est durant mon incarcération que j’ai connu un des faussaires le plus professionnel et lorsque nous avons quitté la prison, en 2009,  il m’a proposé de m’aider à obtenir mes papiers. Il s’est fait délivrer un passeport pour lui au nom de Abdlhamid Aberkane et pour moi, au nom de Mohamed Larbi Dakious. Je suis parti en Tunisie, où j’ai ouvert un commerce.»

«Fitna»

La juge : «Vous aviez refait ce document en 2014...» L’accusé explique qu’en 2018, il s’est présenté devant les services de sécurité «pour avouer» sa vraie identité «mais ils ne m’ont pas contacté. Il y a eu entre temps les événements de 2019».

Il dit que «rien ne le lie»  à Zitout, avec lequel, ajoute-t-il, il a échangé quelques messages sur Whatsapp en 2019 «pour lui dire qu’il faisait de la ‘‘fitna’’ ». «Mais il ne m’a pas répondu. Pour moi, c’est un clown comme les autres.» L’accusé surprend la juge en déclarant que ses aveux «en réaction aux vidéos qu’ils ont diffusées sur ma personne.

Ils m’ont accusé d’avoir pris 13 millions de dinars à une femme, alors que l’histoire concernait un Qatari et son épouse qui se sont installés en Algérie. Le mari m’a remis 8000 dollars pour lui acheter un véhicule.

Ce que j’ai fait, mais la carte jaune a tardé à être délivrée. Le mari ne voulait pas que son épouse prenne la voiture. Elle m’a accusé d’escroquerie. Abdellah a fait deux vidéos sur moi avec ma photo, et exigé de moi que je rembourse l’argent. Mais je sais qu’il n’a rien à voir avec Rachad.»

La juge appelle Mohamed Abdellah, qui confirme que Mansouri ’a contacté sur sa page, pour lui proposer «des affaires de corruption impliquant des personnalités. Il insistait beaucoup mais je n’ai donné de l’importance aux messages jusqu’à  ce qu’il m’envoie une photo de lui au siège du Parlement, avec de hautes personnalités». Abdellah crie fort que son «combat était contre les corrompus, qui actuellement sont tous en prison».

Le procureur général réclame une peine de 20 ans de réclusion, alors que la défense tente de casser l’accusation d’appartenance à un groupe terroriste, du fait que Rachad a été déclaré en tant que tel, bien après les faits. C’est ce qu’expliquent les avocats de Mohamed Abdellah, Maîtres Badi et Belahreche. «La cour doit se soumettre aux principes des articles 1 et 2 du code pénal, qui stipulent que sans faits il n’y a pas de sanctions.

Dans ce dossier les faits sont inexistants. On applique l’article 87 bis, promulgué en février 2022, alors que le dossier date de 2020 et  les  faits remontent à 2018-2019. L’accusé dénonçait des responsables poursuivis pour trahison, qui sont aujourd’hui en fuite».

Après délibération, la cour a prononcé une peine de 20 ans de réclusion et 100 000 DA d’amende contre Mansouri,  et une autre de 8 ans de réclusion avec la même amende, contre Mohamed Abdellah, qui bénéficie d’un acquittement pour le blanchiment et le financement d’une organisation terroriste, mais aussi des circonstances atténuantes. Les deux accusés devront payer solidairement au Trésor public la somme de 2 millions de dinars. 

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