Drame migratoire de Melilla : l’Afrique choquée

28/06/2022 mis à jour: 06:26
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Photo : D. R.

Même en période de pandémie, les migrations internationales sont restées omniprésentes.

Deux ans après leur adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, le 10 décembre 2018, le Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM) et le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR) ont fait l’objet d’une évaluation, lors de la conférence parlementaire sur la migration, tenue à Istanbul (Turquie) les 20 et 21 juin.

L’objectif est de faire le point «sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des pactes mondiaux et les défis anciens et nouveaux qui font obstacle à une action à la fois collective, bilatérale et nationale». Selon l’instance onusienne, «la situation européenne de 2015-2016, eu égard à l’accueil des réfugiés, a cependant contribué à ce que les pays occidentaux reconnaissent la nécessité d’agir conjointement et globalement pour aborder les défis posés par les déplacements forcés».

D’où le consensus autour desdits pactes. A la conférence d’Istanbul, les intervenants ont exposé les causes de ces flux migratoires, toujours les mêmes, mais accentués par une conjoncture socioéconomique défavorable, pénuries alimentaires, inflation et crise climatique. Même en période de pandémie, les migrations internationales sont restées omniprésentes. «Il convient de reconnaître que la pandémie de Covid-19 a remodelé les migrations internationales à bien des égards. Il est clair, cependant, que de nombreux problèmes sont antérieurs à la pandémie. La discrimination, la xénophobie et la stigmatisation des migrants restent virulentes.

Dans cet environnement, les migrants sont vilipendés et même considérés comme des menaces. Il est inacceptable que, dans le monde d’aujourd’hui, des milliers de migrants endurent d’innommables souffrances et disparaissent ou meurent au cours de leurs périples migratoires», atteste le rapport 2021 du PMM. Migrants, réfugiés, déplacés, apatrides, demandeurs d’asile… au-delà de la sémantique, ils sont de plus en plus nombreux à espérer une inclusion sociale ailleurs.

Ce que confirme le dernier rapport du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), publié le 16 juin : «A la fin de l’année 2021, le nombre de personnes déracinées par la guerre, les violences, les persécutions et les violations des droits humains s’élevait à 89,3 millions, soit une hausse de 8% par rapport à l’année précédente et bien plus du double du chiffre d’il y a dix ans.» Et de préciser que le conflit ukrainien, ainsi que d’autres situations d’urgence ont fait passer ce chiffre au-dessus de la barre symbolique des 100 millions.

Remédier aux causes

Le HCR, qui convient de l’existence de quelques signaux encourageants, affirme que «le rythme et l’ampleur des déplacements forcés à travers le monde prennent encore le pas sur les mesures mises en œuvre pour résoudre les crises de réfugiés».

La Jordanie, qui fait face au flux de déplacés palestiniens depuis 1946, reconnaît ses limites en matière d’accueil à leur égard. «Avec 700 000 réfugiés pour un seul gouvernorat, il devient difficile de subvenir à leurs besoins en termes d’emploi et de services…», a reconnu son représentant. L’Algérie, par la voix de la députée Farida Ilimi, a insisté sur «l’impératif de remédier aux causes des migrations, qui sont souvent dues à l’instabilité politique, aux conflits armés, au terrorisme, à la criminalité organisée et à la pauvreté».

Le pays, confronté au problème des migrants subsahariens et des harraga, prépare un projet de loi pour mieux lutter contre le phénomène, particulièrement les réseaux de passeurs. Après avoir criminalisé les candidats aux traversées de la mort, la future loi propose un accompagnement psychologique, a indiqué récemment le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Abderrachid Tabi.

Le pacte mondial vise à alléger la pression sur les pays d’accueil, renforcer l’autonomie des réfugiés et favoriser les conditions de retour. Face à la difficulté de faire émerger des mécanismes de coopération internationale efficiente, certains Etats affûtent leurs armes pour une stratégie «zéro migration subie».

Dans l’espace Schengen, «l’accent est mis sur l’adoption d’un projet de loi européen sur le mécanisme de filtrage qui augmenterait la détention aux frontières et appliquerait la fiction légale de non-entrée en matière pour les personnes détenues».

Le député écossais John Nicholson a, quant à lui, dénoncé la politique migratoire du Royaume-Uni, devenue, selon lui, très sévère et restrictive. «Les solutions aux migrations doivent être ainsi adaptées aux réalités dans les pays d’origine, surtout afin que les populations ne soient pas forcées à migrer», plaide le président du Sénat malgache, Herimanana Razafimahefa, dont le pays connaît des déplacements internes en raison de la sécheresse.

A la fin de son intervention, Mme Ilimi a mis en garde contre «les discours haineux et toutes formes de discrimination contre les migrants». Ce même point a été soulevé par une panéliste africaine. D’après elle, le traitement réservé au migrant est souvent subordonné «à sa couleur de peau ou sa religion».

Deux ans après l’adoption du pacte de migration, les pays pourvoyeurs ont échoué à contenir le phénomène ; ceux d’accueil à proposer de véritables solutions. «Les politiques migratoires suivies sont mortelles avec des frontières et des barrières qui tuent», font observer les organisations des droits de l’homme.

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