Dossier mémoriel et affaire Sansal : «Nous ne demandons pas des indemnisations, mais de la reconnaissance»

30/12/2024 mis à jour: 22:13
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Photo : D. R.

Dans son discours prononcé hier devant les deux Chambres du Parlement, le président Tebboune a évoqué les relations entre l’Algérie et la France qui traversent une crise sans précédent, le dossier du litige mémoriel et s’est exprimé pour la premier fois sur l’affaire Boualem Sansal sans le citer.

L’auteur, qui a obtenu la nationalité française l’été dernier, est en détention provisoire à Koléa (Tipasa) depuis la mi-novembre. Abdelmadjid Tebboune a qualifié Sansal d’«imposteur». «Voilà un voleur dont l’identité et le père sont inconnus, qui ose dire qu’une partie de l’Algérie était la propriété d’un autre pays», assène le chef de l’Etat, qui réagissait aux déclarations controversées de l’auteur faites à Frontières, un média français d’extrême droite, sur la prétendue appartenance d’une partie de l’Ouest algérien au Maroc avant la colonisation française en 1830.

Dans son discours, M. Tebboune a également usé de propos forts pour dénoncer le passé colonial et les crimes du colonialisme qui a tué, a-t-il rappelé, 5,63 millions d’Algériens. «Ils ont commis des massacres et des boucheries. Des Algériens ont été gazés, dont la tribu Benchohra à Laghouat en 1852. Les Zaatcha ont subi également un massacre. Bugeaud est un génocidaire, ses soldats ont enfumés des grottes. Il y a eu plusieurs génocides. En mai 1945, plus de 45 000 Algériens ont été massacrés pendant un mois. Est-ce que cela n’est pas un génocide ?» s’est interrogé M. Tebboune.

A l’adresse des dirigeants français actuels, le chef de l’Etat a réitéré qu’il n’exige pas des «excuses» mais la «reconnaissance» des crimes commis. «Nous ne demandons pas le pardon, mais la reconnaissance. Les milliards de dollars ne suffisent pas pour rembourser la perte de milliers de chouhada.

Leur valeur est beaucoup plus grande que cela», a-t-il souligné, avant d’appuyer : «Nous ne vous demandons pas de vous excuser pour les violations commises en Algérie par vos ancêtres, mais au moins reconnaissez-les. On n’attend pas non plus des indemnisations de la France, mais une reconnaissance morale pour ce qui s’est passé.»

A ceux qui parlent des «bienfaits» de la colonisation, M. Tebboune réplique : «Ils ont prétendu qu’à leur arrivée en Algérie, ils avaient trouvé de vastes étangs qu’ils avaient asséchés pour ériger des constructions. L’Algérie n’a jamais été un étang, mais bien un grenier de l’Europe. Ils osent parler de civilisation alors qu’ils se vantent d’avoir pris des crânes comme butins de guerre. 500 crânes sont en France dans un musée à Paris. Nous les avons demandés et nous n’en avons reçus que 24», assène le chef de l’Etat.

«Venez nettoyer ce que vous avez laissé»

Le Président a réitéré qu’il n’abandonnerait pas le dossier de la mémoire, quitte à être qualifié de «non-démocrate». «Je ne suis pas démocrate et je continuerai à vous réclamer des comptes», a-t-il lancé. Il a aussi rappelé, entre autres crimes du colonialisme, les essais nucléaires français dans le Sahara algérien. «Ils nous ont laissé les maladies alors qu’eux sont devenus une puissance nucléaire à notre détriment.

Venez nettoyer ce que vous avez laissé, nous n’avons pas besoin de votre argent. Je ne demande rien, ni euros, ni dollars, mais la dignité de nos ancêtres et de nos citoyens, et cela sans aucune arrière-pensée», réplique le chef de l’Etat à ceux qui accusent l’Algérie de faire du dossier de la mémoire un «fonds de commerce».

Plus loin, le Président a répondu à ceux qui disent qu’ils avaient laissé le paradis en Algérie : «Sachez qu’à l’indépendance du pays, 90% des Algériens étaient des analphabètes.» Il a rappelé qu’au début de l’occupation française, en 1830, le nombre des Algériens étaient de 4 millions, et à son départ, ce nombre était de 9 millions. «Comment expliquer qu’en presque un siècle et demi, ce nombre n’a augmenté que de cinq millions. Est-ce normal ?

C’est la preuve qu’il y a eu des génocides en Algérie», affirme M. Tebboune. Et de conclure : «Laissons nos jeunes se connaître et mettons-nous autour d’une table. Si vous êtres sincères, érigez une statue de l’Emir Abdelkader dans votre capitale, à ce moment-là, je vous serais reconnaissant. Les jeunes Français d’aujourd’hui ne peuvent pas être redevables des méfaits de leurs ancêtres, mais la reconnaissance des crimes coloniaux est nécessaire», a-t-il insisté.
 

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