Alors que Donald Trump impose des droits de douane généralisés, ses mesures protectionnistes présentées comme un moyen de «réindustrialiser» les Etats-Unis pourraient paradoxalement renforcer la position de la Chine, son principal rival.
Entre représailles commerciales, contrôle des terres rares et stratégie géopolitique, Pékin semble tirer parti des tensions pour s’imposer comme un acteur de stabilité face à un Occident divisé. Le 2 avril, Donald Trump a dévoilé des droits de douane «réciproques», instaurant un plancher de 10% sur toutes les importations et des surtaxes ciblées allant jusqu’à 49% pour certains pays partenaires.
La Chine est particulièrement visée, avec un taux atteignant 34%. Ces mesures ont instantanément charrié des crises aiguës : chute brutale des marchés boursiers et, pire, craintes d’une stagflation. L’objectif de Trump est de réduire le déficit commercial et de relocaliser les chaînes de production.
Pourtant, comme l’illustre le secteur de l’industrie automobile, où des pièces traversent sept fois les frontières nord-américaines avant leur montage, les hausses de taxes douanières risquent de générer une envolée spectaculaire des coûts sans vraiment relancer l’emploi. Les experts redoutent un «hiver des droits de douane», avec des conséquences dramatiques sur les prix et les emplois.
Face à cette offensive commerciale, Pékin a immédiatement réagi : annonce de taxes douanières sur les produits américains et contrôle des exportations de terres rares, cruciales pour le secteur névralgique de l’électronique et l’imagerie médicale. Cette riposte rappelle celle de 2019, où la Chine avait ciblé les agriculteurs américains pour faire pression sur Trump. Mais au-delà des représailles, Pékin capitalise sur le protectionnisme américain pour fortifier sa position. «Si Trump poursuit sur sa lancée unilatéraliste, je m’attends à ce que Pékin courtise le Japon et la Corée du Sud de manière plus agressive, se présentant comme un facteur de stabilité économique dans la région», juge Lizzi Lee, spécialiste de l’économie chinoise à la Asia Society Policy Institute, citée par l’AFP. «La Chine présente les droits de douane de Trump comme la preuve du déclin des Etats-Unis, le recours au protectionnisme, les menaces contre les alliés et la défiance envers les normes internationales», décrypte cette spécialiste.
Une nouvelle donne géoéconomique
La Chine exploite les fractures créées par le président américain. Alors que l’administration Trump taxe même ses partenaires traditionnels (UE à 20%, Vietnam à 46%), Pékin renforce ses accords commerciaux en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, comme anticipé dès 2024. Cette stratégie contraste avec le discours de Trump, pour qui la réciprocité douanière est une «libération économique».
En contrôlant l’accès aux terres rares, Pékin renforce également son influence technologique. Ces éléments, cruciaux pour les industries high-tech, pourraient devenir un levier pour négocier avec des pays comme le Japon, déjà mis à rude épreuve avec des tarifs américains de 24%. L’un des dommages collatéraux des tarifs de Trump est l’anéantissement de la confiance envers Washington. Le Canada et le Mexique, bien qu’exemptés des nouvelles taxes, subissent déjà les foudres des droits de douane de 25% sur certains produits. Yun Sun, du Stimson Center, explique à l’AFP qu’elle s’attendait à ce que la Chine «soit un peu plus cool», ajoutant que Pékin semble moins inquiet que durant le premier mandat du milliardaire républicain. «Je pense que la Chine voit ça plus comme une opportunité et estime que les Etats-Unis se tirent une balle dans le pied», dit-elle à l’AFP.
«On a un certain nombre de mécontents, des alliés solides et fidèles des Etats-Unis», poursuit-elle. «Aujourd’hui, leur confiance dans la politique américaine envers le reste du monde n’est pas brisée, mais au moins remise en question.»
Cette défiance pourrait favoriser la formation de blocs économiques alternatifs, isolant les Etats-Unis. Les conséquences économiques sont déjà perceptibles : risque de stagflation aux Etats-Unis, avec une perte de pouvoir d’achat, des prix du pétrole ayant chuté de -13%, signe d’anticipation de ralentissement...
Et ce n’est que le début d’un effet domino imprévisible ! Aux dernières nouvelles, l’on apprend que «des négociations se sont tenues en coulisses, vendredi, pour alléger le poids des nouveaux droits de douane voulus par Donald Trump, qui a jugé que Pékin cédait à la 'panique' et s’est affiché indifférent à la déroute sur les marchés financiers», rapporte l’AFP.
«Sachez que je ne changerai jamais de politique. C’est un bon moment pour devenir riche, plus riche que jamais !» a persisté le président américain sur le réseau Truth Social. Cherif Lahdiri