L’élection présidentielle au Gabon s’est tenue hier. Se présentant comme «bâtisseur», l’architecte du putsch d’août 2023, Brice Clotaire Oligui Nguema, est le grand favori du scrutin face à sept concurrents.
Dix-neuf mois après la chute de la dynastie Bango, quelque 920 000 Gabonais ont été convoqués hier pour élire leur Président. Près de 2500 observateurs répartis en une cinquantaine de missions ont été accrédités par les autorités, qui ont promis un scrutin «libre et transparent». Les résultats pourraient être publiés dès demain, selon des sources au ministère de l’Intérieur.
Ancien chef de la garde républicaine, meneur du putsch d’août 2023, le président de la transition Brice Clotaire Oligui Nguema est le grand favori du scrutin face à sept concurrents, dont le dernier Premier ministre de Ali Bongo (2009-2023), Alain-Claude Bilie By Nze. Revendiquant son bilan de «bâtisseur», ce militaire de carrière, qui a promis de rendre le pouvoir aux civils au terme de la transition, s’est prédit une «victoire historique». Le scrutin doit marquer le retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays riche en pétrole mais économiquement exsangue après des décennies de pillage et de gaspillage sous le régime de la famille Bongo.
La nouvelle plateforme du candidat-président, le «Rassemblement des bâtisseurs», a reçu le soutien d’innombrables mouvements et associations qui l’ont accompagné dans une tournée à travers le pays. De leur côté, les autres candidats ont mené des campagnes de terrain très discrètes, avec porte-à-porte et causeries. Alain-Claude Bilie By Nze, qui se présente comme son principal adversaire, s’est érigé en candidat de «la rupture totale», accusant le meneur du putsch de 2023 d’incarner la continuité du système, au vu de ses fonctions passées auprès des Bongo. A la veille du scrutin, plusieurs associations ont appelé les électeurs à se mobiliser.
Un passé douloureux
En novembre dernier, de nombreux électeurs ne se sont pas déplacés pour le référendum sur la nouvelle Constitution, finalement adoptée avec 91,64% de «oui» et un taux de participation de 54,18%, selon les chiffres officiels.
La nouvelle loi électorale prévoit un affichage des procès-verbaux dans chaque bureau de vote et dans chaque commission de centralisation des résultats.
Disposition héritée de l’ancien code électoral, les bulletins de vote seront incinérés dans chacun des bureaux de vote après dépouillement. Ancienne colonie française, pays de l’Afrique centrale, le Gabon proclame son indépendance le 17 août 1960. En février 1961, Léon Mba devient président. Trois ans plus tard, il est renversé par un coup d’Etat, puis réinstallé grâce à une intervention de l’armée française. Lui succède à sa mort, en décembre 1967, Albert-Bernard Bongo, qui impose en mars 1968 le PDG comme parti unique. Converti à l’islam, il devient Al Hadj Omar Bongo. Unique candidat, il est élu président en 1973, 1979 et 1986. En avril 1990, le multipartisme est adopté.
En mai-juillet de la même année, l’opération militaire «Requin» permet à Paris de rétablir l’ordre à Libreville après des émeutes. Mais Omar Bongo remporte toutes les présidentielles (1993, 1998 et 2005). Scrutins tous contestés.
En 2010, la justice française a ouvert une enquête sur le patrimoine amassé en France par Omar Bongo et d’autres chefs d’Etat africains. En 2014, le journaliste français Pierre Péan affirme, dans son livre Nouvelles affaires africaines, que Ali Bongo a falsifié son acte de naissance.
Démentie par le pouvoir, la thèse soutient aussi que le Président est un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra (1967-1970) au Nigeria. Selon la Constitution, il faut être né gabonais pour prétendre à la Présidence. A la fin de la même année, de violents heurts opposent manifestants de l’opposition et forces de l’ordre, lors d’un rassemblement interdit réclamant le départ de Ali Bongo, faisant officiellement un mort. Avant la présidentielle d’août 2016, l’opposition a demandé en vain l’invalidation de la candidature de Ali Bongo, indiquant qu’il est un enfant nigérian adopté et ne peut ainsi être président.
Le 31 août, la commission électorale annonce sa réélection, devant son adversaire Jean Ping.En début janvier 2019, une tentative de coup d’Etat contre le président Bongo a échoué. Une autre tentative de putsch en août 2023 fait chuter ce dernier et met entre-temps fin au règne de la dynastie Bango, qui est restée plus de 50 ans au pouvoir.