Crise politique en Tunisie : Les opposants au président Saïed sur la défensive

08/01/2022 mis à jour: 03:41
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Tunis justifie l’arrestation de Noureddine Bhiri par des soupçons de terrorisme / Photo : D. R.

Le député gelé islamiste Noureddine Bhiri soupçonné dans une affaire de trafic de nationalité. Résidence surveillée en attendant le complément d’enquête. L’opposition peine à s’organiser contre pareilles charges lourdes. La justice soupçonnée de connivence avec les islamistes.

L’affaire de mise en résidence surveillée de Noureddine Bhiri, un baron des islamistes d’Ennahdha, interpelle l’opinion publique locale et internationale.

Elle touche un député gelé, l’ex-ministre de la Justice de la Troïka (2012/2013), l’homme soupçonné d’être derrière l’asservissement de la justice au profit des islamistes, depuis ce passage.

Bhiri est soupçonné d’être au courant d’un vaste réseau d’attribution de la nationalité tunisienne à des étrangers impliqués dans des réseaux terroristes. C’était pendant son passage au ministère de la Justice. Du pénal pouvant anéantir sa carrière.

L’affaire Bhiri est en rapport avec les enquêtes liées à «l’octroi illégal de passeports, de certificats de nationalité et de cartes d’identité», entamée en novembre 2021, qui a commencé dans les réseaux proches de l’ambassade tunisienne à Damas.

Le ministère de l’Intérieur avait décidé d’approfondir l’enquête concernant les soupçons d’octroi de la nationalité tunisienne et de passeports tunisiens, surtout que des spécimens vierges sont déclarés manquants.

L’instruction serait liée directement, selon le ministre Charfeddine, à des affaires terroristes, poussant les autorités tunisiennes à «intervenir d’urgence et de manière préventive, selon les dispositions de la loi antiterroriste». Le ministre Charfeddine n’a pas cité Bhiri, ni Beldi, l’autre islamiste assigné à la résidence surveillée. Mais, des informations concordantes ont confirmé les identités depuis le soir du Jour de l’An.

Les échos à propos de l’assignation à résidence de Bhiri n’ont parlé que de la condamnation de l’acte, de l’état de santé du concerné, sa grève de la faim, etc. Rares sont les tribunes et les plateaux qui ont traité du fond de l’affaire. «Bhiri est soupçonné d’être au courant d’un réseau de trafic de la nationalité tunisienne, ayant bénéficié à des terroristes», assure Sami Tahri, le porte-parole de la centrale syndicale, UGTT.

«L’Etat tunisien dispose de toute la latitude de se protéger contre les réseaux de trafic», poursuit le syndicaliste. Pourtant, l’UGTT n’est pas en très bons termes avec la présidence de la République.

Mais, la centrale syndicale veut bénéficier des coups assignés à la corruption et aux islamistes d’Ennahdha. D’autres composantes de la scène politiques se voient broyées par l’effet «Saïed» et n’ont pas d’alternative à supporter Ennahdha. D’où ces présences des partis microscopiques comme Ettakattol, allié d’Ennahdha dans la Troïka (2013/14), Nidaa Tounes (2015/19) ou Al Joumhouri.

Délits

La riposte de Saïed contre les réseaux mafieux ne s’est pas limitée à cette problématique d’octroi de la nationalité, il y a aussi les délits électoraux. En effet, le bureau de communication du Tribunal de première instance de Tunis a annoncé avant-hier, 6 janvier 2022, que 19 personnes devraient être déférées devant le Tribunal de première instance de Tunis pour délits électoraux.

Il s’agit, selon un communiqué de : Nabil Karoui, Youssef Chahed, Abdelkrim Zbidi, Rached Ghannouchi, Rabiâa Ben Amara, Slim Riahi, Safi Saïd, Hamadi Jebali, Hamma Hammami, Selma Elloumi, Mouhamed Sghir Ennouri, Moncef Marzouki, Néji Jalloul, Hechmi Hamdi, Elyes Fakhfakh, Mehdi Jomâa, Mongi Rahoui, Lotfi Mrayhi et Saïd Aïdi.

En réaction, Hamma Hammami, le leader du Parti des travailleurs tunisiens, a nié avoir commis le moindre délit électoral et accusé Kaïs Saïed de vouloir salir l’image de tous les politiciens sans distinction.

«Me citer parmi d’anciens candidats à la présidentielle accusés d’avoir commis des délits électoraux entre dans le cadre du projet de Kaïs Saïed qui vise à salir les politiciens et à distraire les gens de leurs vraies préoccupations», a dit Hammami dans sa réplique sur sa page Facebook.

Le président Saïed compte également réorganiser la justice et installer la réconciliation avec les hommes d’affaires corrompus dans le cadre d’une loi qu’il va bientôt légiférer.

«Il y a un seul législateur et non pas des milliers», a dit le président Saïed à l’ouverture du Conseil des ministres d’avant-hier, jeudi 6 janvier 2022, laissant entendre que le décret concernant la justice et celui relatif à la réconciliation pénale seront examinés probablement dans le prochain Conseil des ministres.

Le président Saïed est clairement passé à l’acte, face à une opposition marquée par le désarroi et alourdie par les soupçons concernant des écarts commis durant la dernière décennie. 

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