Crise politique en Libye : Bathily charge la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’Etat

27/03/2023 mis à jour: 03:12
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Abdoulaye Bathily, envoyé spécial des Nations unies pour la Libye

L’envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, Abdoulaye Bathily, revient sur le processus politique en cours dans ce pays et les écueils auxquels il fait face sur le terrain pour mettre en œuvre sa nouvelle initiative. 

Une démarche visant à organiser, avant la fin de l’année en cours, des «élections inclusives» avec la participation de toutes les parties. 

Dans une interview accordée samedi dernier à RFI, le diplomate onusien accuse directement deux institutions libyennes détenant le pouvoir législatif de bloquer le processus électoral. «Je pense que, cette fois-ci, il faut le dire, la plupart des acteurs libyens sont décidés à aller aux élections.

 Et en réalité, il n’y a que quelques responsables en position institutionnelle qui ne veulent pas des élections, ou tout au moins qui traînent les pieds. Et il faut créer les conditions pour que la question électorale ne reste pas entre les mains de cette minorité qui bloque, car elle concerne l’ensemble des segments de la société. 

Il y a l’institution législative, la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’Etat qui ont en charge la partie législative. Mais il faut dire que, depuis un an, ces deux Chambres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la base constitutionnelle et sur la base des lois électorales», affirme-t-il. 

Et d’ajouter : «Mais récemment, elles sont venues avec une proposition, c’est-à-dire l’amendement constitutionnel n°13, sur lequel je n’ai pas d’objection majeure. Mais il faut le dire, il y a d’autres questions importantes qui restent à régler : la question par exemple des lois électorales et celle de l’éligibilité des candidats.» 

Le diplomate sénégalais, nommé le 2 septembre dernier au poste d’émissaire onusien pour la Libye, a rejeté toutes les accusations d’ingérence dont il fait l’objet de la part des deux institutions législatives libyennes. «Il n’y a pas d’ingérence de notre part. Qu’ y a-t-il de notre part ? Il y a un appel à la responsabilité, responsabilité politique, responsabilité morale, responsabilité aussi légale.

Parce que ces deux Chambres ont perdu leur légitimité dès lors qu’elles ont été élues respectivement en 2012 et 2014. Et depuis, aucune élection n’a mis en jeu leur mandat. 

Et par conséquent, la prolongation de cette situation intérimaire évidemment les arrange sans doute, mais n’arrange pas la majorité des Libyens qui veulent aujourd’hui, après s’être inscrits massivement sur les listes électorales, que des institutions légitimées par les urnes soient mises en place», soutient-il. 

Selon lui, aujourd’hui, il «faut justement faire en sorte que la question électorale soit étendue à d’autres segments de la société qui interviennent dans ce processus». 

«C’est dans ce sens-là que, depuis quelques mois déjà, j’ai engagé les consultations et la négociation, non seulement avec les partis politiques, mais aussi les groupes de femmes, les groupes de jeunes, mais également les groupes sécuritaires», souligne-t-il. Abdoulaye Bathily avoue, dans la foulée, que la situation sécuritaire en Libye est très préoccupante. 

«Ce sont des institutions sécuritaires qui sont fragmentées : il y a les miliciens, il y a les groupes armés, il y a des mercenaires. Il y a toute une situation préoccupante qu’il faut aussi régler pour que les élections se tiennent. Or jusqu’ici, le débat électoral ne tient pas compte de cette dimension-là», explique-t-il, affirmant avoir engagé «des pourparlers, des discussions et même des négociations avec des groupes armés de l’Est et de l’Ouest qui sont d’accord pour participer à la sécurisation du processus électoral». «Et je continue cette discussion-là. 

Dans les prochains jours, je vais également aller dans certains pays voisins de la Libye, à la frontière, au Soudan, au Tchad, au Niger. 

Un comité de liaison sous l’autorité du Comité militaire conjoint 5+5 a été mis en place. Il faudra également discuter avec les autorités de ces pays sur la question des mercenaires, sur la question des groupes armés, en particulier dans la région Sud», conclut-il. 

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