Conflit du Sahara Occidental : L’Espagne trahit les Sahraouis

20/03/2022 mis à jour: 18:55
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Le chef de l’Exécutif espagnol, Pedro Sánchez et le roi Mohammed VI

Le chef de l’Exécutif, Pedro Sánchez, a envoyé une lettre à Mohammed VI, dans laquelle il «reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc» 

C’est pourquoi «l’Espagne considère l’initiative d’autonomie marocaine, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, la plus réaliste et la plus crédible pour résoudre le conflit», note le communiqué publié par la Moncloa.

De même, selon les mêmes sources, l’Exécutif de Sanchez parle «d’une nouvelle étape» dans les relations avec Rabat qui garantit l’intégrité territoriale des deux pays et le contrôle des flux migratoires et assume «les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable» au conflit du Sahara occidental. 

Dans son message à Mohammed VI, le président du gouvernement espagnol a également souligné que «les deux pays sont inextricablement liés par des liens d’affection, d’histoire, de géographie, d’intérêts et d’amitié partagée». Sanchez a déclaré être «convaincu que les destins des deux peuples le sont aussi» et que «la prospérité du Maroc est liée à celle de l’Espagne, et vice versa».

La Moncloa fait référence à «une feuille de route claire et ambitieuse» qui permettra de garantir «la stabilité, la souveraineté, l’intégrité territoriale et la prospérité des deux pays». 

Le gouvernement confirme que le président du gouvernement se rendra prochainement à Rabat pour discuter de cette nouvelle feuille de route. Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, visitera le Maroc avant la fin du mois de mars.

Ce vendredi après-midi, alors que le président du gouvernement arrivait à Berlin pour rencontrer le chancelier Olaf Scholz, un communiqué était publié depuis la présidence du gouvernement, soulignant que la première idée était : «Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle étape de la relation avec le Maroc», qui sera présidée par «le respect mutuel, le respect des accords, l’absence d’actions unilatérales et la transparence et la communication permanente».

«Notre objectif est de construire une nouvelle relation», souligne Sánchez après un an et demi de crise diplomatique avec le Maroc. 

Ainsi, Sánchez rompt avec la ligne classique de la politique étrangère espagnole à l’égard de la colonie du Sahara occidental qui préconisait la tenue d’un référendum parrainé par l’ONU. Maintenant, avec le soutien de l’autonomie marocaine, l’Espagne prend parti pour Rabat, dans un conflit de décolonisation qui remonte à 1976. 

Depuis l’éclatement de la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc, conséquence initiale de la reconnaissance par Donald Trump de la souveraineté marocaine du Sahara occidental, la tension entre les deux pays a atteint son apogée après l’entrée en avril 2021 du leader du Front Polisario, Brahim Gali, et l’assaut massif sur la clôture de Ceuta, avec des milliers de jeunes d’origine marocaine (le 17 mai 2021).

 Après le remplacement de la ministre Arancha González Laya en juillet, le nouveau chef de la diplomatie espagnole a mis en place, dès son arrivée, une «diplomatie discrète» avec des pourparlers pour maintenir un rapprochement. 

Depuis lors et jusqu’à l’envoi de cette lettre par l’Exécutif espagnol, seuls les discours de Felipe VI et Mohammed VI ont permis d’atteindre une «paix froide», comme le définissent des sources diplomatiques. Ces informations fournies marquent un tournant dans la position de l’Espagne sur le Sahara. 

Depuis que l’Espagne a quitté ce territoire en 1975, c’est-à-dire la province 53, elle a d’abord plaidé pour un référendum d’autodétermination, conformément à la position internationale. Mais jamais la proposition de plan autonomiste défendue par Rabat, qui avait le soutien des Etats-Unis, de la France et récemment de l’Allemagne, qui a également consommé ces derniers mois le changement de sa position traditionnelle.

Le mécontentement de l´opposition 

«Je réaffirme mon attachement à la défense du peuple sahraoui et aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», a réagi Yolanda Diaz, troisième vice-présidente du gouvernement espagnol. «Toute solution au conflit doit passer par le dialogue et le respect de la volonté démocratique du peuple sahraoui. Je vais continuer à travailler sur ce point», est-il ajouté, dans un message diffusé sur les réseaux sociaux. 

«Le Maroc occupe militairement le Sahara occidental, en violation du droit international et des droits de l’homme et de la population», a écrit sur Twitter Pablo Echenique, porte-parole du groupe parlementaire de Unidas Podemos-ECP-GeC. ¡Sí se puede !

Le groupe parlementaire du parti populaire a exigé la comparution du président du gouvernement au Congrès et demande à connaître le contenu de la missive envoyée au roi du Maroc et a également mis en garde contre les implications que cela pourrait avoir sur la «politique énergétique dans laquelle l’Espagne dépend de l’Algérie pour l’approvisionnement en gaz»

«Nous voulons donc savoir si le président du gouvernement a informé l’Algérie de cette décision, en espérant qu’elle ne soit pas le fruit d’une nouvelle improvisation», ont-ils souligné. 

Le premier parti d’opposition a ajouté : «On ne joue pas avec les Espagnols ni avec les intérêts des Espagnols, et nous exigeons du sérieux et de la prudence en ce qui concerne la politique étrangère de l’Espagne.»

Dans un communiqué, la formation a nuancé qu’il est «intolérable que ce changement de position politique consensuelle traditionnelle, indubitablement une politique d’Etat, vieille de 47 ans, se fasse sans informer le principal parti d’opposition, ce qui met en évidence la façon dont Pedro Sánchez comprend la politique d’Etat».

Le parti Ciudadanos «citoyens» a également rejoint le parti populaire : «Sánchez et Albares doivent se présenter d’urgence devant le Parlement espagnol et clarifier la position du gouvernement sur le Sahara. La politique étrangère est une affaire d’Etat et les enjeux sont trop importants pour qu’ils se comportent ainsi. C’est inacceptable.» 

Par ailleurs, le député José Ramón Bauzá de Ciudadnos a qualifié ce vendredi de «capitulation la plus révoltante» la décision du gouvernement de considérer le plan d’autonomie du Sahara occidental comme «la base la plus sérieuse et la plus réaliste», pour une solution au conflit.

«Il n’y a pas d’explication raisonnable ni de raison valable pour que notre pays s’éloigne de la position correcte : celle des résolutions de l’ONU. L’Espagne ne peut pas être la proie du chantage de la monarchie marocaine. Nous continuerons à soutenir la juste revendication du peuple sahraoui», a twitté, Íñigo Errejón, porte-parole du Grupe Más Madrid à l’Assemblée.

Réaction du front Polisario 

Pour sa part, le Front Polisario a regretté que le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, «succombe à la pression et au chantage» du Maroc en avalisant son plan d’autonomie pour le Sahara occidental comme «péage» pour reprendre les relations politiques et diplomatiques endommagées entre les deux pays.

Le délégué du Polisario en Espagne, Abdulah Arabi, a déclaré, dans une interview à Europa Press, que le gouvernement espagnol «essaie de plaire constamment au Maroc» depuis des années, en jouant avec une «ambiguïté» qui, selon lui, ne lui revient pas en tant que «puissance administrante, d’un territoire non encore décolonisé. Pour Abdullah Arabi, le fait que l’Espagne reconnaisse maintenant le plan d’autonomie marocain comme l’option la plus réaliste pour résoudre l’avenir de l’ancienne colonie met en évidence l’hypocrisie» du gouvernement, lorsqu’il parle de «défendre la légalité internationale». 

A cet égard, il a souligné que le plan de Rabat «est une option, mais pas une solution», et a revendiqué la nécessité de convoquer un référendum qui envisage l’autodétermination et non pas que le Sahara occidental reste sous le contrôle du Maroc. 

«La solution doit se fonder sur le choix du peuple sahraoui», a souligné le délégué, avant d’appuyer que l’Espagne «a une responsabilité politique et juridique spécifique». Se prononcer comme il l’a fait ce vendredi, a-t-il indiqué, «est en contradiction flagrante avec sa responsabilité».

Espagne 
De notre correspondant   Ali Ait Mouhoub

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