L’Algérie a vivement réagi, hier, aux déclarations du gouvernement de transition du Mali, ainsi qu'à celles du collège des chefs d’Etat de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), suite à la destruction, le 1er avril, par l’Armée nationale populaire (ANP), d’un drone malien ayant violé l’espace aérien national, à proximité de Tin Zaouatine, localité située à plus de 2000 kilomètres au sud d’Alger.
Dans la foulée, le Mali ainsi que ses alliés le Niger et le Burkina Faso ont annoncé le rappel de leurs ambassadeurs en Algérie. L’annonce a été faite, dimanche, par le biais de deux communiqués distincts. L’Algérie a exprimé, hier, sa «grande consternation» concernant les deux communiqués précités, indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères (MAE), de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines. «Le gouvernement a pris connaissance, avec un sentiment de grande consternation, du communiqué du gouvernement malien de la transition, ainsi que de celui émanant du collège des chefs d’Etat de l’AES», souligne le texte du ministère. «Par son communiqué, le gouvernement de la transition au Mali porte de graves accusations contre l’Algérie.
En dépit de leur gravité, toutes ces allégations mensongères ne dissimulent que très imparfaitement la recherche d’exutoires et de dérivatifs à l’échec manifeste de ce qui demeure un projet putschiste qui a enfermé le Mali dans une spirale de l’insécurité, de l’instabilité, de la désolation et du dénuement», précise le texte. «L’Algérie rejette avec force cette tentation présente dans toutes les attitudes malveillantes et systématiquement infondées par lesquelles la junte des putschistes qui sévissent au Mali tente vainement de faire de notre pays un bouc émissaire aux revers et aux déboires dont le peuple malien paie le prix le plus lourd», selon la même source.
Et de poursuivre : «L’échec de cette clique inconstitutionnelle est patent à tous les niveaux, politique, économique et sécuritaire. Les seuls succès dont cette même clique peut se prévaloir sont ceux de la satisfaction d’ambitions personnelles au prix du sacrifice de ceux du Mali, de l’assurance de sa survie au détriment de la protection du Mali et de la prédation des maigres ressources de ce pays frère aux dépens de son développement.» Le Mali, qui a également annoncé son retrait avec effet immédiat du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) – une alliance de plusieurs armées du Sahel pour lutter contre le terrorisme – , porte par ailleurs de fallacieuses accusations contre l’Algérie en établissant une collusion avec le terrorisme.

(Daoud Aly Mohameddine, ministre de la junte malienne, lisant un communiqué des putschistes)
Violations de l’espace aérien national
«La collusion que le gouvernement malien établit avec une extrême légèreté entre l’Algérie et le terrorisme manque tellement de sérieux qu’il serait superflu de lui prêter attention ou d’y répondre. En effet, la crédibilité, l’engagement et la détermination de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme n’ont besoin ni d’être justifiés, ni d’être établis. Par contre, la première menace et la plus déterminante sans doute qui pèse sur le Mali aujourd’hui réside dans l’incapacité des putschistes à assumer la lutte antiterroriste réelle et effective, au point d’en confier la gestion au mercenariat dont l’Afrique a tellement pâtit dans son histoire récente», fait remarquer le MAE. Il rappelle, en outre, que «la destruction par les forces de défense aérienne du territoire d’un drone malien a fait immédiatement l’objet d’un communiqué officiel du ministère de la Défense nationale (MDN)».
Aussi, le communiqué a mis en avant que toutes les données se rapportant à cet incident sont disponibles dans la banque de données du MDN, en particulier les images radar qui établissent clairement la violation de l’espace aérien de l’Algérie. Selon le MAE, il ne s’agit pas de la première violation par un drone malien de l’espace aérien de l’Algérie, mais bien de la troisième en l’espace de seulement quelques mois. Les deux premières violations sont intervenues respectivement le 27 août 2024 et le 29 décembre 2024, signale-t-il.
«Toutes les données se rapportant à ces violations sont disponibles dans la banque de données du MDN. S’agissant de l’incident intervenu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, toutes les données disponibles dans la banque de données du MDN, y compris les images radar, établissent qu’il y a eu violation de l’espace aérien de l’Algérie à minuit huit minutes sur une distance de 1,6 km», est-il expliqué dans le communiqué.
Autres détails au sujet de cet incident : «Le drone en question a, dans un premier temps, violé l’espace aérien national, il s’est ensuite éloigné, avant d’y retourner en prenant une trajectoire offensive. L’entrée du drone malien dans l’espace aérien algérien, son éloignement, puis son retour offensif sur zone ont entraîné sa qualification de manœuvres d’hostilité caractérisée.» «Suite à cette qualification, le Commandement des forces de défense aérienne a ordonné sa destruction», précise la même source. Le MAE a, sur un autre plan, «regretté profondément l’alignement inconsidéré du Niger et du Burkina Faso sur les thèses fallacieuses présentées par le Mali».
Tout comme il dit regretter «le langage outrancier et injustifié tenu à l’égard de l’Algérie, un langage qu’il condamne et rejette avec une extrême fermeté». Il a exprimé également ses regrets d’avoir à appliquer la réciprocité et à procéder au rappel, pour consultation, de ses ambassadeurs au Mali et au Niger et à différer la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso. L’Algérie et le Mali avaient déjà rappelé leurs ambassadeurs respectifs à la suite d’une brouille en décembre 2023. Selon le site Menadefense, l’incident du drone Akinçi de l’armée malienne a donné lieu à une «argumentation technique plus que bancale» de la part de la junte de Bamako.
«Ce qui n’est pas dit, c’est que les autorités maliennes n’ont pas accès au lieu du crash et que, pour réaliser leur enquête, elles se sont appuyées sur deux éléments : des images aériennes prises par un autre appareil de même nature le lendemain de l’incident et des données de la station au sol qui gère à distance le vol de l’avion sans pilote (…) L’enquête des autorités maliennes est donc incomplète et ne devrait pas servir de base à une mesure politique précipitée d’une telle brutalité diplomatique», note la même source. M. Abdelkrim
L'Algérie décide la fermeture de son espace aérien au Mali
L'Algérie a décidé, hier, la fermeture de son espace aérien à la navigation aérienne en provenance ou à destination de l'Etat du Mali, a indiqué un communiqué du ministère de la Défense nationale. «Face aux violations répétées par l'Etat du Mali de notre espace aérien, le Gouvernement algérien a décidé la fermeture de ce dernier à la navigation aérienne en provenance ou à destination de l'Etat du Mali, et ce, à partir d’aujourd’hui 7 avril 2025», a précisé le communiqué.
Les déclarations maliennes sont «belliqueuses», twitte Rahabi
S’exprimant sur la plateforme X, l’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi a qualifié, hier, les déclarations du gouvernement malien et de l’AES d’«excessives, belliqueuses et non conformes à la réalité de la situation». «Des déclarations (qui) ne favorisent pas l’apaisement recherché par l’Algérie dans sa profondeur stratégique naturelle que le Mali s’emploie à transformer en une zone de confrontation entre les grandes puissances et un espace de lutte d’influence entre les puissances régionales», affirme-t-il. M. Rahabi fait remarquer que le Mali a commis «un acte d’hostilité» que ses alliés ne devraient pas cautionner. «Le Mali a associé le Niger et le Burkina Faso dans une opération que la solidarité entre membres de l’AES ne peut justifier, car le fait de chercher à pousser des groupes armés à se réfugier chez un pays voisin est en soi- même un acte d’hostilité que ces deux derniers pays ne devraient cautionner en aucun cas», écrit-il. L’ancien diplomate fait rappeler que dans la pratique et selon les usages internationaux en la matière, les opérations militaires avec des aéronefs embarquant de l’armement doivent être signalées aux Etats voisins dans les situations de non-belligérance. «Dans les deux cas, le Mali porte une grande responsabilité dans la mise sous tension permanente de notre région, de sa sécurité et de sa stabilité», soutient-il.
M. A.