Commémoration du cinquantenaire de la mort de Picasso à l’Institut Cervantès d’Oran : Historienne de l’art, Genoveva Tussell revient sur le périple de Guernica

23/01/2024 mis à jour: 20:30
1962
œuvre emblématique «Guernica» de Pablo Picasso

Organisée samedi 20 à l’Institut Cervantes d’Oran dans la cadre des commémorations du cinquantenaire de la mort de Picasso, célèbre peintre espagnol, la conférence de Genoveva Tussell porte exclusivement sur son œuvre emblématique Guernica.

Une œuvre grandiose pas seulement par sa taille (plus de 7,5 m sur près de 3,5 m) qui n’a pas cessé d’être brandie un peu partout dans le monde dans les manifestations dénonçant les horreurs de la guerre. 

Les conditions entourant la création de cette œuvre étant connues, c’est à l’épisode de son rapatriement en Espagne depuis les Etats-Unis que l’historienne de l’art s’est également intéressée. 

Réalisé à la demande du gouvernement légitime espagnol alors que le pays était en proie à une guerre civile (1936-1939) qui allait porter le général putschiste Franco à la tête du pays, le tableau devait orner le pavillon espagnol de l’exposition universelle de 1937 à Paris. 

«Picasso s’est basé sur les images publiées dans les journaux après les bombardements de la ville par l’aviation allemande nazie et fasciste italienne», indique Genoveva Tussell pour expliquer ensuite, photographies à l’appui, que le tableau a eu tellement de succès que, déjà avant la Seconde Guerre mondiale, il a été demandé pour être présenté dans plusieurs pays, notamment à Londres pour le Royaume Uni.

 Il a été prêté au Musée d’art moderne de New York et devait revenir, mais, dans un premier temps, c’est le conflit mondial (1939-1945) qui en a décidé autrement. Ensuite, c’est l’artiste lui-même qui est intervenu pour que son tableau reste en Amérique tant que son pays ne retrouve pas la voie démocratique. «Comme tous les Espagnols, Picasso était superstitieux et quand son avocat (Roland Dumas, ndlr) lui a demandé de laisser un testament, il a refusé catégoriquement, car, pour lui, c’était synonyme d’une mort proche», explique Genoveva Tussell précisant toutefois qu’il a laissé une lettre rédigée en 1970 concernant la destinée de ce tableau-là. C’est sur la base de ce document que, même après sa mort en 1973, le pouvoir franquiste, malgré maintes réclamations, n’est jamais parvenu à le récupérer. 

Il fallait attendre, non pas seulement la mort du dictateur en 1975 mais aussi la concrétisation en 1978 d’un processus de transition démocratique selon la volonté du peintre pour que «Guernica» retourne enfin en Espagne. Le retour s’est fait en 1981 et après négociation, car fallait-il encore prouver la propriété. C’est un document retrouvé à l’ambassade d’Espagne à Paris et où il est fait mention du nom de Picasso recevant 150 000 francs (anciens de l’époque) de la part du gouvernement espagnol qui a convaincu les autorités américaines pour le restituer. En toute discrétion, le tableau a effectué le voyage dans un avion de ligne. 

«Ce n’est qu’en atterrissant que le pilote s’est adressé aux passagers pour les informer qu’ils avaient effectué le voyage avec le célèbre tableau», indique-t-elle pour appuyer l’idée que c’était le retour au pays du «dernier exilé», un exilé de marque, car il a été accueilli avec des articles de presse comme on accueillerait une vedette. Restait à régler le lieu où il devra être exposé. Plusieurs villes ou régions se sont portées candidates dont évidemment le pays basque espagnol où a lieu le massacre mais aussi Barcelone et Malaga, sa ville natale (où existe aujourd’hui un musée, qui lui est entièrement consacré). 

«Le choix c’est finalement porté sur Le musée du Prado à Madrid, là où le jeune Picasso, en visite, admirait les œuvres de ses prédécesseurs Goya, Velasquez, etc.», explique Genoveva Tussell, dont le père, fonctionnaire au ministère de la Culture, a accompagné le futur président du gouvernement espagnol, le socialiste Felipe Gonzales pour visiter le tableau à New York vers la fin des années 1970.

 «Au Prado, pour accueillir Guernica, il a fallu refaire des travaux et imaginer tout un système de protection, une enceinte vitrée et des agents de la guardia civile en sentinelle pour éviter tout incident dont le risque de destruction, un système de protection spécial qui sera finalement abandonné, lorsque le tableau a été transféré au musée Reina Sofia en 1992», ajoute la conférencière pour qui «Guernica» a été aussi un emblème de résistance interne avec tous ces posters qui ont orné les maisons où les lieux de rencontre des intellectuels et artistes espagnols durant le franquisme. 
 

Dans les années 1970, le tableau a beaucoup voyagé à l’intérieur des Etats-Unis mais aussi dans le reste du monde, y compris en Allemagne. Pour elle, «en plus d’être un symbole contre la guerre ayant fait le tour du globe et des époques, c’est aussi un tableau qui a, physiquement, le plus voyagé dans le monde». 

 

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