Le sommet se prononce clairement en faveur de l’autodétermination des peuples sahraoui et palestinien.
Au moment où tout est braqué sur le conflit en Ukraine et les enjeux géostratégiques qui la sous-tendent, des représentants des peuples de l’Amérique latine, des Caraïbes et d’Europe se sont réunis à Bruxelles pour développer une alternative au monde tel qu’il est défini par l’impérialisme et l’ultralibéralisme dominants.
Ponctuellement, ce sommet des Peuples tenu les 17 et 18 juillet représente une alternative à la réunion, tenue simultanément dans la capitale belge, des chefs d’État de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (Celac) et de l’Union européenne. Cette Europe « forte en paroles et pauvres en actes », selon les mots de Jean-Luc Mélenchon.
Le sommet a été couronné par une déclaration tranchante appelant à poursuivre la lutte populaire «contre l’impérialisme et jusqu’à la victoire finale des peuples», selon la formule de conclusion.
À déchiffrer les échos de cette rencontre des organisations et mouvements sociaux, politiques, syndicaux, féministes, environnementaux et populaires d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Europe, et la détermination résistante qui s’en est dégagée, on réalise que la mondialisation n’a pas atteint totalement son objectif de « pacification » des peuples, et même qu’une lame de fond grossissante d’opposition accompagne la rupture de l’hégémonie américaine imposée au monde depuis 1991, et la marche progressive vers une multipolarité.
Le ton employé en tout cas par les rédacteurs de la déclaration ne laisse aucun doute sur la volonté des participants qui désignent sans détour les coupables et mettent le doigt sur les maux tout en proposant une alternative, aux antipodes des intérêts des forces de domination.
« À l’heure où l’impérialisme développe une offensive visant à diviser le monde en blocs d’États séparés et confrontés les uns aux autres. L’impérialisme organise des provocations, des blocus, des pressions et des mesures coercitives unilatérales contre les Peuples qui ne se soumettent pas […] Ce Sommet des Peuples a compris que la rencontre entre la Celac et l’UE était une opportunité de progresser dans la création d’un monde multipolaire, avec des relations multilatérales qui permettent à l’Humanité d’avancer dans la paix en harmonie avec la Terre mère. » Voilà résumé le fond de pensée des participants.
Se débarrasser de l’influence américaine
Ces derniers ne doutent pas de l’avancée, écrivent-ils, des forces qui défendent un nouvel ordre international multipolaire, annonçant l’avènement progressif d’une architecture mondiale fondée sur la solidarité et la coopération entre nations souveraines.
Se félicitant de l’avancée des forces progressistes de gauche en Amérique latine et aux Caraïbes, notamment autour de l’Alliance bolivarienne, le sommet de Bruxelles «condamne le blocus injuste et illégitime que subit Cuba de la part des États-Unis», considérant le peuple cubain comme héroïque grâce à sa résistance d’un demi-siècle au blocus.
Le sommet exige le retrait de Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme et soutient aussi la tenue d’un Tribunal international contre le blocus, prévu les 16 et 17 novembre 2023, en tant qu’action majeure de mobilisation, de dénonciation et de revendication des peuples contre le blocus.
Le sommet condamne aussi les manœuvres visant à «destituer des dirigeants progressistes d’Amérique latine démocratiquement élus par leurs peuples, et rejette la politique illégale de sanctions et de mesures coercitives unilatérales imposées par les États-Unis à la République bolivarienne du Venezuela et à la République du Nicaragua».
Depuis environ deux décennies, les pays de l’Amérique latine tentent de se débarrasser du contrôle américain en portant à leurs têtes des présidents et des gouvernements de gauche, jaloux de la souveraineté de leurs pays respectifs.
Le Brésil, le Pérou et le Venezuela, entre autres, luttent pour se débarrasser définitivement de l’influence américaine. Le retour de Lula à la tête du Brésil, dont se félicite le sommet, est l’un des épisodes de cette bataille opposant les peuples à l’impérialisme.
Pour le Sahara occidental et la Palestine
Le sommet se prononce clairement aussi en faveur de l’autodétermination des peuples sahraoui et palestinien.
«Ce sommet appelle les peuples du monde, les forces politiques de gauche, les progressistes et les mouvements sociaux et populaires d’Amérique latine et des Caraïbes, et en particulier la Celac et l’ALBA, à exprimer une solidarité claire et active avec la lutte contre le colonialisme et pour le droit inaliénable à l’autodétermination du peuple sahraoui et de son représentant légitime, le Front Polisario.
Dans le même esprit, le sommet exprime sa solidarité avec la lutte du peuple palestinien pour la défense de son droit à former un État indépendant conformément au droit international, en dénonçant l’oppression des forces d’occupation israéliennes», est-il affirmé. Il s’agit de soutiens actifs et non pas de simples déclarations de principe.
Le lobbying est au menu des engagements, mais aussi des actions sur le terrain à l’image de la participation des organisations impliquées dans le sommet «dans les mobilisations du 21 septembre, en défense de la paix et de la solidarité contre la spirale belliciste et pour la dissolution des blocs militaires, en nous engageant à continuer à travailler pour la déclaration de l’Atlantique et de la Méditerranée comme zone de paix, libre de bases militaires. » Le conflit en Ukraine a été occulté par le sommet.
En revanche, l’état de notre planète figure parmi les préoccupations des participants qui ont appuyé la proposition du président bolivien, Luis Arce Catacora, de convoquer l’Assemblée générale de la Terre en 2024 pour protéger «notre maison commune, la Terre mère, et débattre des conséquences du modèle de développement capitaliste qui a conduit à la destruction de notre planète».
Très peu de médias européens ont porté de l’intérêt à ce sommet.