Célébration du 8 mars : Les droits des femmes, un combat inachevé

08/03/2025 mis à jour: 21:28
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(Dessin : Le Hic )

Dans le domaine des droits des femmes – dont on célèbre aujourd’hui la journée – l’Algérie brosse une réalité contrastée. 

D’un côté, les avancées législatives se multiplient, portées par des engagements internationaux et des réformes concrètes. De l’autre, les femmes continuent d’être victimes de discriminations systémiques et de violences. 

Depuis l’adoption en 1996 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, puis l’amendement constitutionnel de 2020 prévoyant leur protection contre toute violence, notre pays affiche une volonté de modernisation juridique. La dernière initiative en date concerne la mise en place d’un guichet unique pour la prise en charge des femmes victimes de violences. C’était l’une des revendications des  associations de lutte pour les droits des femmes. Il est à noter, par ailleurs, que l’article 40 de la Constitution de 2020 énonce clairement que «l’Etat protège la femme contre toutes les formes de violence en tous lieux et en toutes circonstances dans l’espace public, dans la sphère professionnelle et dans la sphère privée». 

En outre, le code pénal a mis en place des ordonnances d’éloignement et des mécanismes pour la protection de l’image de la femme, notamment sur les réseaux sociaux.

Pourtant, ces réformes peinent à transformer le quotidien des femmes. Les discriminations juridiques persistent, en particulier dans le Code de la famille que les militantes ont rebaptisé «Code de l’infâmie».

Les associations de défense des droits des femmes ne cessent de dénoncer des dispositions qu’elles jugent «archaïques» qui entravent l’égalité des sexes. Parmi elles, la polygamie, le tutorat masculin pour le mariage des femmes, les inégalités en matière d’héritage et les obstacles légaux au divorce. 

Les militantes des droits des femmes, qui portent ce combat depuis des années, à l’instar du réseau Wassyla,  insistent sur la nécessité d’une mise en conformité des lois nationales avec la Constitution et les engagements internationaux que l’Algérie a ratifiés. Dans les faits, il ne s’agit pas seulement de changer les textes, mais aussi de modifier les pratiques et les mentalités. 

L’Etat est appelé à jouer un rôle plus actif dans ce combat. Cela passe, selon les associations, par des campagnes nationales de sensibilisation sur l’égalité et par la mise en place de formations pour les forces de l’ordre, afin qu’elles cessent de décourager les femmes de porter plainte pour violences. Dans leur ensemble, les associations saluent les dernières mesures du guichet unique pour la prise en charge des femmes et filles victimes de  violences basées sur le genre. «Nous soulignons que les femmes et les filles en Algérie continuent de faire face à des défis importants pour exercer leurs droits fondamentaux. Nous adressons, aux pouvoirs publics de notre pays, au nom du principe de la redevabilité, de prendre des mesures concrètes supplémentaires, d’œuvrer pour leur effectivité pour  et notamment une lutte formelle et réelle contre les violences faites aux femmes et aux filles, une amélioration de l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux services de santé, une promotion de la culture de non-violence et la culture de l’égalité, dans notre société, entre tous et toutes  dans tous les domaines pour la dignité de la personne humaine», écrit l’association (Femmes algériennes revendiquant leurs droits (Fard)  dans un texte publié sur les réseaux sociaux.  

L’association Fard, par la voix de sa représentante Fatma Boufenik, renouvelle son appel pour «renforcer les politiques publiques sensibles et basées sur le principe de l’égalité prenant en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles algériennes et qui considèrent celles-ci comme des citoyennes et actrices à part entière dans la société algérienne». 

Explosion des féminicides

Il faut dire que  l’un des phénomènes les plus alarmants demeure l’explosion des féminicides et des violences faites aux femmes. La loi de 2015 pénalisant les violences conjugales et le harcèlement de rue n’a pas résolu le problème. Chaque année, les chiffres des femmes assassinées par leur conjoint ou un membre de leur famille s’alourdissent. Les associations luttant pour les Droits des femmes dénoncent notamment la présence dans le Code pénal de la «clause du pardon», qui annule les poursuites, si la victime pardonne à son agresseur. Cette disposition est perçue comme un élément  favorisant l’impunité. Par ailleurs, l’absence de structures d’accueil condamne de nombreuses victimes à rester prisonnières de leur environnement violent. L’Algérie ne compte que cinq centres d’hébergement pour femmes seules, sans aucun dispositif pour celles avec enfants. Faute d’alternative, ces femmes n’ont d’autre choix que de retourner dans des foyers où elles risquent de subir de nouvelles agressions. Face à cet état de fait, les associations féministes et les ONG ne baissent pas les bras. Le réseau Wassila-Avife,  Sos femmes en détresse ou encore le Ciddef offrent des services d’écoute et d’accompagnement juridique aux victimes. Mais leurs moyens restent limités et ne permettent pas de pallier les lacunes. A.B

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