Le nouveau pouvoir en Syrie a fixé une date limite aux membres des corps de sécurité de l’ancien régime, les exhortant à rendre leurs armes. Ceux qui refusent de se conformer à cette procédure sont considérés comme des hors-la-loi et seront arrêtés. Parmi les éléments qui n’ont pas rendu leurs armes, nombre d’entre eux se battent dans des milices fidèles à Bachar Al Assad. Celles-ci sont principalement concentrées dans les zones côtières autour de Tartous et Lattaquié, bastion de la communauté alaouite d’où est issu le clan Al Assad.
Les nouvelles autorités politiques en Syrie semblent déterminées à traquer et punir les milices fidèles au régime de Bachar Al Assad. Une vaste opération de police a été lancée ces derniers jours, en effet, sur les traces de «fouloul al nidham», les «résidus de l’ancien régime». L’agence officielle syrienne Sana a indiqué hier qu’«un certain nombre de résidus des milices d'Al Assad ainsi que des suspects ont été arrêtés dans la région de Samarkho, près de Lattaquié, et des quantités d'armes et de munitions ont été saisies».
L’agence de presse syrienne ajoute que «des opérations de ratissage sont toujours en cours dans la région, menées par le Commandement des opérations militaires (l’organe opérationnel de Hayat Tahrir Al Sham, ndlr) et le ministère de l'Intérieur». L’action des nouvelles forces de sécurité qui a été menée hier dans le gouvernorat de Lattaquié, bastion de la communauté alaouite d’où est originaire le clan Al Assad, a été déclenchée suite à des «dénonciations de la part des habitants de la région faisant état de la présence d'éléments appartenant aux restes des milices d'Al Assad», précise Sana.
A partir des informations fournies, «le Commandement des opérations militaires et le ministère de l'Intérieur ont entamé ce matin (hier, ndlr) une vaste opération de ratissage dans la région de Samarkho, afin de rétablir la sécurité et la stabilité». L’agence syrienne a diffusé des images montrant un lot d’armes saisi dans la foulée de cette opération coup-de-poing.
Le nouveau pouvoir à Damas a fixé une date limite aux membres des corps de sécurité de l’ancien régime, les exhortant à se déclarer spontanément et à rendre leurs armes. En échange de leur coopération, le gouvernement intérimaire leur remet une carte temporaire leur permettant de circuler librement en Syrie jusqu'à ce que «leurs procédures légales soient terminées».
Accrochages meurtriers à Tartous
Ceux qui refusent de se conformer à cette procédure sont considérés comme des hors-la-loi et seront arrêtés, a prévenu le Commandement des opérations militaires. Parmi les éléments qui n’ont pas rendu leurs armes, nombre d’entre eux se battent justement dans ces milices pro-régime, qui sont principalement concentrées dans les zones côtières autour de Tartous et Lattaquié, bastion de la communauté alaouite d’où est issu le clan Al Assad.
Mercredi, dans la province de Tartous, «14 membres du ministère de l'Intérieur ont été tués dans une embuscade perfide, et 10 autres ont été blessés», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Mohammed Abdul Rahman, dans un communiqué, précisant que les victimes «accomplissaient leur mission de maintien de la sécurité et de la sûreté au profit de la population». L’embuscade leur a été tendue par des hommes armés appartenant à des milices pro-Assad.
Le lendemain, jeudi, cette vaste opération de sécurité s’est poursuivie à Tartous. Elle a permis de «neutraliser un certain nombre de membres de milices de l’ancien régime», selon l’agence Sana. Au total, les affrontements ont fait 17 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) : aux 14 enregistrés mercredi parmi les forces du ministère de l’Intérieur se sont ajoutées trois pertes parmi les sbires du régime déchu.
A noter par ailleurs l’arrestation ce jeudi du général Mohammed Kanjo Hassan, chef de la justice militaire sous Bachar Al Assad et «responsable de nombreuses condamnations à mort» à la sinistre prison de Saydnaya, selon l’OSDH.
Il a été arrêté près de Damas, dans la localité de Khirbet Al Ma'zah avec 20 membres de sa garde rapprochée, précise l'OSDH. Mohammed Kanjo Hassan a condamné à la peine capitale «des milliers de personnes lors de procès expéditifs», a affirmé à l'AFP Diab Seria, cofondateur de l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya.
Selon l’OSDH, d’autres accrochages ont eu lieu à Tartous, à Jableh, ainsi que dans la province de Homs. Une source sécuritaire syrienne a déclaré à Al Jazeera que «le Commandement des opérations militaires a lancé une opération de sécurité à l'échelle nationale pour traquer les groupes résiduels du régime défunt et mis en place, à cet effet, des points de contrôle militaires sur la route menant à la base militaire russe de Hmeimim, près de Tartous».
C’est ce qu’a dit indiqué un article publié hier sur aljazeera.net. «Ceux qui ont refusé de remettre leurs armes après l'expiration du délai seront poursuivis», a averti ce responsable sécuritaire, jugeant que les miliciens du régime «constituent une menace pour la paix civile». Al Jazeera fait état d’un climat particulièrement tendu depuis mercredi.
«Depuis plusieurs jours, les forces de sécurité de la nouvelle administration syrienne mènent des opérations de ratissage dans diverses provinces du pays, ce qui a conduit à des affrontements avec les résidus et les milices du régime déchu.» Une source du nouveau ministère syrien de l'Intérieur a déclaré à Al Jazeera que «le département de la Sécurité publique a arrêté un grand nombre de membres de l'ancien régime et de fauteurs de troubles à Tartous, Homs, Hama, Alep et Damas».
«Contribuer à documenter ces crimes»
Le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, estime que «les assassins de Syriens doivent répondre de leurs actes dans le cadre de procès équitables». C’est ce qu’on peut lire dans une déclaration reprise sur les comptes officiels de l’OSDH sur les réseaux sociaux. «Des milliers de Syriens sont toujours portés disparus, et leur sort est inconnu», déplore le directeur de l’OSDH.
L’ONG basée au Royaume-Uni dit avoir documenté «plus de 1000 martyrs morts sous la torture et la négligence médicale dans les prisons de l'ancien régime». Elle ajoute que jusqu’à présent, «le nombre de morts documentés s'élève à 59 725 depuis le début de la révolution syrienne». L’OSDH plaide pour l’établissement d’une justice transitionnelle, afin de juger les bourreaux du régime Al Assad et les responsables des tortures de masse.
«Dans le cadre des efforts visant à promouvoir la justice transitionnelle et à construire un avenir fondé sur le respect des droits de l'homme en Syrie, l'Observatoire syrien des droits de l'homme invite toutes les personnes qui disposent d'informations ou de preuves documentées sur les crimes et les violations commis par des dirigeants et des éléments de l'ancien régime à nous contacter par email», a annoncé l’Observatoire sur sa page Facebook.
«Contribuer à documenter ces crimes et à fournir des preuves est une étape cruciale vers la justice et la garantie que les auteurs des violations seront traduits en justice. Votre rôle à ce stade n'est pas seulement une obligation morale envers les victimes et leurs familles, mais aussi une contribution directe à l'établissement d'une société juste qui respecte les droits de tous sans discrimination», plaide l’OSDH.
Le vice-président de la Coalition nationale syrienne, Abdul Majid Barakat, a souligné de son côté aussi, via les réseaux sociaux, la «nécessité de préserver les documents et les preuves qui accusent le régime Al Assad d'avoir commis des crimes de guerre contre des civils au cours des dernières années, afin d'aider le Mécanisme international neutre (le Mécanisme international d’enquête sur la Syrie a été institué par l’ONU en 2016, ndlr) à enquêter et à demander des comptes aux responsables de ces crimes».
Plus de 48 000 Syriens sont rentrés chez eux depuis la Turquie et la Jordanie
Plus de 30 000 réfugiés syriens ont traversé la frontière turque pour rentrer dans leur pays au cours des dix-sept derniers jours, a affirmé vendredi le ministre turc de l'Intérieur Ali Yerlikaya. «Le nombre de personnes qui sont parties (en Syrie, ndlr) en 17 jours est de 30 663. Ce flux ne s'arrêtera pas», a affirmé le ministre à la chaîne privée turque TGRT. «Notre consulat général ouvrira à Alep dans quelques jours.
(...) Nous y ouvrons un bureau de gestion des migrations. Des enfants sont nés ici, il y a eu des mariages, des divorces, des décès. Nous prenons des mesures pour répondre à leurs besoins», a précisé le ministre.
La Turquie, qui partage une frontière de plus de 900 km avec la Syrie, accueille toujours sur son sol quelque 2,92 millions de Syriens ayant fui la guerre qui a meurtri leur pays à partir de 2011.Les autorités turques, qui espèrent le retour en Syrie d'importants contingents de réfugiés afin d'atténuer le fort sentiment anti-Syriens dans la population, permettront également à un membre de chaque famille de réfugiés de se rendre en Syrie et revenir à trois reprises jusqu'au 1er juillet 2025 afin de préparer leur réinstallation.
Par ailleurs, quelque 18 000 Syriens ont quitté la Jordanie pour rentrer dans leur pays depuis la chute de Bachar Al Assad, ont annoncé jeudi les autorités jordaniennes. «Environ 18 000 Syriens sont rentrés dans leur pays depuis la chute du régime de Bachar Al Assad le 8 décembre 2024 jusqu'à jeudi», a déclaré le ministre jordanien de l'Intérieur, Mazen Al Faraya, à la chaîne de télévision publique Al Mamlaka. Parmi eux, 2300 réfugiés étaient enregistrés auprès des Nations unies, a-t-il ajouté.
La Jordanie, qui partage 375 km de frontière avec son voisin, accueille quelque 680 000 réfugiés syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, mais Amman affirme avoir reçu environ 1,3 million de déplacés depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.