Bruno Retailleau et la communauté musulmane : Un fossé qui ne cesse de se creuser

24/03/2025 mis à jour: 00:13
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Depuis sa prise de fonction en tant que ministre de l’Intérieur, le 21 septembre 2024, dans le gouvernement de Michel Barnier puis dans le gouvernement de François Bayrou, Bruno Retailleau a suscité de vives réactions au sein de la communauté musulmane en France. 

Malgré des discours visant à apaiser les tensions et à promouvoir une coexistence harmonieuse, ses prises de parole et ses choix politiques ont souvent été perçus comme des signaux hostiles par une partie de la population musulmane et des observateurs. 

A mesure que le temps passe, un fossé semble se creuser entre le ministre et les musulmans de France, alimenté par des déclarations controversées, des absences symboliques et une politique sécuritaire jugée discriminatoire.  

La majorité de ses déclarations a alimenté un sentiment de méfiance parmi les musulmans de France. Le 6 février dernier, sur LCI, il a tenu des propos controversés en évoquant la restriction du droit du sol à Mayotte : «Ce sont des musulmans, ils sont Noirs.» 

Cette phrase, perçue comme une généralisation raciste et islamophobe, a suscité immédiatement une indignation. Pour beaucoup, cette sortie médiatique a révélé une rhétorique  et un langage proche de celui de l’extrême droite. Un autre moment clé a été son absence remarquée à la rupture du jeûne à la Grande Mosquée de Paris, le 18 mars courant. Alors que ses prédécesseurs, comme Gérald Darmanin, avaient fait de cette présence un symbole de dialogue avec la communauté musulmane, Retailleau, qui a du mal à sortir des extrêmes, a justifié son absence par le respect de la laïcité. 

Laïcité ou rejet ?

Si cette posture idéologique peut séduire une partie de l’opinion publique française, elle a été critiquée par certains comme une généralisation excessive, risquant de stigmatiser l’ensemble des musulmans pratiquants.  

Les récentes analyses médiatiques, comme celle du Monde du 22 mars courant titrant «Le fossé se creuse entre Bruno Retailleau et les musulmans de France», soulignent une rupture croissante. Cette perception est renforcée par des posts sur X, où des utilisateurs affirment que le fossé se creuse entre les Français et les musulmans, reflétant une polarisation plus large dans la société.  

Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) a pointé du doigt les contradictions du ministre : «Bruno Retailleau affirme être déterminé à lutter contre l’islamophobie, pourtant ses propos controversés soulèvent des doutes sur ses véritables intentions.» Sans un changement de ton et d’approche, cette relation risque de rester marquée par la défiance pendant longtemps et l’incompréhension mutuelle. Incontestablement, les relations entre Bruno Retailleau et les musulmans de France semblent de plus en plus tendues et crispées, marquées par des discours perçus comme stigmatisants et des tensions diplomatiques avec l’Algérie. 

Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, a comparé le climat actuel à celui des années 1930, où «la simple pratique de la religion devenait suspecte». Ibrahim Alci, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France, a exprimé un grand abattement au sein de la communauté musulmane, qui pourtant dans sa quasi-majorité «aspire à vivre sa foi dans le respect des lois de la République». 

La Grande Mosquée de Paris, souvent considérée comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, se trouve dans une position délicate en raison de la détérioration des relations franco-algériennes. Le recteur Chems-Eddine Hafiz a dénoncé les «faiseurs de peurs» qui dans la classe politique et les médias nourrissent «une éternelle mise en procès» de l’immigration algérienne. 

Cette défiance est amplifiée par le contexte historique. Les musulmans de France, souvent confrontés à des discours politiques sécuritaires depuis les attentats de 2015, sont particulièrement sensibles aux signaux perçus comme discriminatoires. 

Sans un ton plus apaisé et une approche qui évite les dérapages, Retailleau risque d'aggraver cette fracture, héritée de décennies de débats sur l’islam et la laïcité. Kamel Benelkadi
 

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