Alors qu'une réunion avec les chefs des services de sécurité est annoncée pour vendredi prochain, par le nouveau chef d'état-major de l'armée israélienne, pour discuter de la situation liée au sort du cessez-le-feu et au retour éventuel à la guerre contre Ghaza, la décision de couper les vivres aux Palestiniens suscite de nombreuses condamnations. L'option du retour aux armes n'a jamais été aussi forte chez Netanyahu, qui a, désormais, tout le soutien et l’appui de l’administration Trump.
Comme il l'a fait au mois de mai 2024, Netanyahu est revenu sur son engagement à mettre fin à la guerre après la libération des otages et des détenus palestiniens, en déposant sur la table des négociations une nouvelle feuille de route, qu'il dit américaine, mais qui, en réalité, a toujours été la sienne, c’est-à-dire la libération de tous les otages vivants et morts, sans qu'il ne s'engage à respecter les exigences de la deuxième phase, notamment la fin de la guerre et le retrait total de ses troupes de Ghaza.
Du côté américain, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Brian Hughes, a affirmé que son pays «soutiendrait toute décision prise par Israël» sans pour autant répondre à une question d’un journaliste sur le fait que ce plan soit celui de Witkoff ou non. Mais, hier Netanyahu a réaffirmé ses propos en disant que ce plan «a été pleinement coordonné avec l'administration Trump» et que «le cessez-le-feu ne se poursuivrait que tant que le Hamas continuerait à libérer des otages».
Certains médias, comme la radio israélienne, ont tenté, cependant, d'expliquer que même si l'option de la guerre «est toujours sur la table» , elle «n'est cependant pas l'objectif premier du gouvernement», du fait qu'Israël détient «plusieurs moyens de pression notamment l'arrêt de l'aide humanitaire» pour faire plier le Hamas.
Ils ont précisé que le Premier ministre a accordé une semaine aux médiateurs, au Hamas et à l'envoyé spécial de Donald Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff, qui se déplacera à Tel-Aviv, vendredi prochain. «Un délai précis pour soumettre une nouvelle proposition», ont-ils souligné.
«Il n’y aura pas de repas gratuits»
Hier, Netanyahu a réaffirmé sa décision de blocus sur la nourriture à Ghaza, en rappelant ce que ses ministres extrémistes ont affirmé la veille. «Il n'y aura pas de repas gratuits» et souligné que le Hamas, qui a rejeté fermement le plan dit «Witkoff» «se trompe lourdement s'il croit que le cessez-le-feu peut se poursuivre ou que les conditions de la première étape resteront en vigueur sans qu'Israël n'obtienne la libération des otages israéliens». Pourtant, depuis le début du cessez-le-feu, Netanyahu a commis 400 violations des termes de l’accord auquel il s' est souscrit et tué des dizaines de Palestiniens à Ghaza.
Hier, des drones ont ciblé des civils à Jabalia au nord de l’enclave et à Rafah au sud. Citant «une source israélienne impliquée dans les négociations pour un cessez-le-feu», le journal de gauche israélien The Haaretz a écrit hier que la visite de Witkoff à la fin de la semaine «pourrait sauver les pourparlers». Sous le couvert de l'anonymat, les mêmes sources ont expliqué au média que cette visite «pourrait permettre une percée dans les prochains jours, notant qu'une fois que le Hamas aura accepté».
Mais pour le Hamas, il n’est pas question d'aller vers une prolongation de libérer les otages et de ne pas mettre fin à la guerre et à la présence de l’armée israélienne à Ghaza. Le journal Haaretz a précisé que des négociations sur la proposition américaine seront possibles «après l’accord du Hamas» et a souligné, toutefois, que «les services de sécurité se préparent à reprendre les opérations militaires, si les pourparlers échouent».
D’autres médias israéliens ont affirmé que les médiateurs qatari et égyptien «ont demandé d'attendre quelques jours supplémentaires avant de reprendre les combats», en précisant que Netanyahu «attend la prochaine visite de Witkoff avec l'espoir qu’elle contribue à la réalisation de progrès dans les négociations du plan américain».
En attendant, il a maintenu sa décision de fermer les points de passage avec Ghaza aux convois de nourriture à la population, qui vit dans des conditions désastreuses. Si pour Netanyahu, le blocus sur la nourriture a été décidé «parce que le Hamas vole les fournitures et empêche la population de Ghaza de les obtenir», pour la communauté internationale, il s'agit d’une «violation du droit international», voire un «crime de guerre».
5 ONG israéliennes contre le blocus
A l'interne, cinq organisations non gouvernementales ont demandé à la Cour suprême israélienne de «rendre une ordonnance provisoire interdisant à l'Etat d'empêcher l'aide humanitaire d'entrer à Ghaza». Pour ces ONG, la mesure du blocus sur la nourriture «viole les obligations d'Israël en vertu du droit international» et de ce fait, elles ont averti que «les obligations ne peuvent pas être conditionnées à des considérations politiques».
En tant que médiateurs, le Qatar et l'Egypte évoquent une «violation» de l’accord de cessez-le-feu. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a, dans un communiqué, accusé Israël d'utiliser la famine comme «une arme contre le peuple palestinien».
De même, le ministère qatari des Affaires étrangères, dans un communiqué, a déclaré : «Le Qatar condamne fermement la décision du gouvernement d'occupation israélien de cesser d'apporter de l'aide humanitaire dans la bande de Ghaza, et considère qu'il s'agit d'une violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu et du droit international humanitaire», ajoutant son «rejet de l'utilisation de la nourriture comme arme de guerre».
Pour sa part, le secrétaire général de l'Onu, António Guterres, a exigé que «l'aide humanitaire revienne immédiatement à Ghaza» et exhorté «toutes les parties à faire tout leur possible pour empêcher une reprise des hostilités à Ghaza», en appelant «au retour immédiat de l'aide humanitaire à Ghaza et à la libération de tous les otages», a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.
Abondant dans le même sens, le chef humanitaire de l'organisation onusienne, Tom Fletcher, a qualifié le blocus d'«alarmant». La veille, le Hamas a qualifié la décision israélienne de «chantage bon marché» et «un crime de guerre» et de «coup d'Etat» contre l'accord de cessez-le-feu négocié au niveau international.
Directrice des relations extérieures et d'influence, à Plan international, une ONG britannique, Kathleen Spencer Chapman a déclaré dans un communiqué :«Nous sommes horrifiés par les informations selon lesquelles l’aide humanitaire est une fois de plus bloquée à Ghaza», précisant :«Ghaza reste aux prises avec une crise alimentaire catastrophique, les enfants ayant un besoin urgent de nourriture, d’eau et d’abris.»
Sans l’aide, des milliers de personnes vont mourir
«Sans l’afflux d’aide humanitaire promis par l’accord de cessez-le-feu, des milliers de personnes pourraient mourir de faim et de maladies liées à la famine». L’organisation humanitaire à souligné en outre qu'après plus de 15 mois «d’un traumatisme indescriptible, les Palestiniens de Ghaza ont enfin une lueur d’espoir.
Les dirigeants mondiaux doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour trouver une solution immédiate et permanente et veiller à ce que l’aide humanitaire indispensable puisse parvenir en toute sécurité dans toutes les parties de Ghaza». Pour la directrice de Plan International, «toute autre solution serait inadmissible». D’autres ONG, comme Oxfam et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ont exigé «un accès sans entrave de l’aide dans toutes les régions de Ghaza, pour répondre aux besoins des Palestiniensaqui luttent pour survivre depuis 16 mois de guerre».
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a, de son côté, affirmé que le cessez-le-feu avait permis de sauver d’innombrables vies et averti que «tout effondrement de l’élan créé au cours des six dernières semaines risque de replonger les populations dans le désespoir». De son côté, le Hamas a averti «que toute tentative de retarder ou d'annuler l'accord de cessez-le-feu aurait des conséquences humanitaires» pour les otages. Le seul moyen de les libérer, a- t -il souligné, «est de respecter l'accord existant».
Les familles des otages ont été très nombreuses à occuper la rue et envahir les accès aux domiciles de plusieurs dirigeants dont celui du Premier ministre juste après l’annonce du blocus, pour faire pression sur le gouvernent en exigeant l'exécution de l’accord de cessez-le-feu. Ces réactions se sont multipliées hier, surtout que la population de Ghaza a été soumise à une situation extrêmement difficile, où les commerçants face à la rareté des produits alimentaires ont vite décidé d'augmenter le peu déjà disponible. Le blocus constitue pour les experts du droit international un crime de guerre, pour lequel la Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi les dirigeants israéliens et délivré contre eux un mandat d’arrêt international, au mois de novembre dernier. Des accusations portées aussi par l’Afrique du Sud contre Israël, dans sa requête déposée devant la Cour internatio-nale de justice (CIJ) pour génocide. S. T.