Barbarie «stratégique»

16/11/2023 mis à jour: 03:47
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Les limites de l’atrocité de plus en plus poussées à Ghaza. Après près de quarante jours de bombardements ininterrompus, à l’intensité jamais égalée de l’avis même de son propre commandement, l’opération terrestre de l’armée israélienne vient achever la besogne dans les locaux même des hôpitaux sinistrés.

 C’est dans ces sanctuaires sacrés, interdits de viols dans l’esprit et la lettre des lois de la guerre, que la soldatesque, shootée au mot d’ordre forcené de vengeance lancé par Tel-Aviv, déclare livrer ses assauts décisifs. 

En face, et pour tout ennemi pour l’heure, des civils estropiés, loques rescapées des déluges de feu, des femmes et enfants affamés et terrifiés se partageant des couloirs obscurs comme ultime refuge, et un personnel médical aussi épuisé que désarmé devant l’immense tragédie humaine. Les dizaines de corps à peine couverts, abandonnés dans les cours ou rues mitoyennes, et que n’ont pu contenir les fosses communes improvisées, achèvent de planter le décor d’apocalypse. 

Dès l’après-midi de ce 7 octobre, où l’Etat hébreu a subi l’affront inédit de se faire surprendre par quelques escouades audacieuses et sommairement armées du Hamas, le massacre a été annoncé par les plus hautes autorités à Tel-Aviv. En affirmant que ce jour-là était «le plus horrible de l’histoire juive depuis l’holocauste», Benyamin Netanyahu proportionnait la riposte et annonçait qu’elle allait être sans précédent. 

Aucune guerre antérieure, depuis la création de l’entité sioniste en 1948, aucune des nombreuses confrontations armées qui l’ont opposée aux Palestiniens ou aux armées arabes, n’a eu droit à une qualification ou comparaison aussi absolue dans l’échelle de gravité du logiciel fondateur de l’Etat hébreu. 

Les déclarations du rogue ministre de la Défense, jurant livrer un combat jusqu’à éradication des «animaux de Ghaza», celles des ministres-colons d’extrême droite fantasmant, entre autres, sur le largage d’une charge nucléaire sur l’enclave et ses deux millions d’habitants, ou leur déportation vers les pays de la région, n’ont fait que décliner un peu plus crûment les résolutions militaires, politiques et stratégiques du noyau aux commandes à Tel-Aviv. 

Le choc subit le 7 octobre a, certes, ébranlé le récit suprémaciste de l’armée israélienne et le mythe de son invincibilité ; l’onde de choc est probablement assez puissante, également, pour entraîner des tectoniques profondes dans la sociologie politique en Israël, à commencer par le bilan de la coalition actuelle au gouvernement, une fois les canons tiédis. 

C’est ce séisme-là que tente de faire oublier l’action criminelle et exceptionnellement violente de l’expédition punitive menée contre Ghaza depuis près de 40 jours, avec des seuils d’horreur les plus ostensibles possibles et les plus attentoires aux lois de la guerre et au droit humanitaire international. «Nous savons que cela ne plaît pas au monde, mais nous allons continuer», a répondu le ministre israélien de la Défense, il y a une semaine, sur une question évoquant la vague grandissante des condamnations internationales, dans les opinions publiques et les gouvernements, quant à l’expédition disproportionnée et meurtrière de ses troupes à Ghaza. 

Ce qu’il se passe dans les hôpitaux de Ghaza depuis des jours entre en droite ligne dans la barbarie «stratégique» que déploie méthodiquement l’armée israélienne. 

Près de 500 civils, parmi les milliers qui s’étaient abrités dans l’enceinte, ont, pour rappel, péri lors d’une attaque qui a ciblé l’hôpital Ahli Arab dans le centre de Ghaza, la nuit du 17 octobre dernier. Désignés, sans la moindre preuve, comme lieux de retranchement de l’encadrement et des combattants du Hamas, ces hauts lieux de l’humanitaire sont surtout ciblés pour assouvir un besoin politique et structurel de «vengeance».

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