Le journaliste Jean-Michel Aphatie, mis en retrait par la chaîne RTL après avoir dit la vérité historique sur la colonisation de l’Algérie, est sorti, jeudi, de son silence.
Il a, en effet, réagi sur X aux violentes campagnes dirigées contre lui par la droite et l’extrême droite françaises depuis sa suspension d’antenne, suite à une chronique du 25 février où il déclarait que la France a fait des centaines d’Oradour-Sur-Glane en Algérie, un fait historique pourtant largement documenté.
Dans un long message sur X, le journaliste s’en est pris également à l’emprise grandissante du «Bolloréland» sur le paysage médiatique français. «J’ai été très critiqué ces derniers jours, et aussi très soutenu par d’innombrables personnes, diverses et informées de la réalité historique. Je remercie ici celles et ceux qui m’ont adressé des messages de sympathie et de compréhension. Les autres, je ne les remercie pas», a-t-il d’abord souligné. «Beaucoup d’historiens de la période de la conquête algérienne ont été sollicités. Tous m’ont donné raison sur la réalité des faits», a-t-il en outre fait savoir. A propos de sa suspension et des attaques en règle du «Bolloréland», le commentateur politique de 66 ans n’a pas caché son écœurement. «J’ai été roulé dans le mépris et l’injure par le Bolloréland. Cyril Hanouna m’a insulté.
C’est un réflexe. Pascal Praud m’a insulté. C’est corporate. Le Figaro a rejoint le Bolloréland», a-t-il expliqué. Sur Europe 1, Cyril Hanouna avait qualifié ses propos de «peut-être ce qu’(il a) entendu de plus grave depuis très longtemps à la radio ou à la télé».
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a, lui, dénoncé «une insulte à tous les rapatriés d’Algérie», tandis que le député de l’Union des droites pour la République, Eric Ciotti, a parlé de «propagande indigéniste», réclamant des sanctions de l’Arcom. Une institution qui ronfle, tout le temps, quand des propos génocidaires sont diffusés à longueur de journée dans les médias de Drahi ou Bolloré. Poursuivant, Aphatie révèle n’avoir jamais été suspendu d’antenne et ainsi réduit au silence, sauf depuis qu’il a évoqué des vérités historiques sur la colonisation française.
Crimes de guerre
«J’ai été suspendu professionnellement, ce qui ne m’était jamais arrivé. Certains remarquent qu’en dix ans de provocations et de remarques méprisantes et injurieuses – ‘‘votre mère aurait dû vous appeler Corinne’’ –, malgré des condamnations judiciaires qui ont fait de lui un délinquant, Eric Zemmour n’a jamais été suspendu par une entreprise de presse.
Il a au contraire été promu», a-t-il noté, dénonçant, au passage, une liberté de la presse à géométrie variable en France. «La liberté d’expression, beaucoup portée en écharpe ces derniers temps, s’apparente aussi à une vaste rigolade», a-t-il écrit sur X. Plus incisif, Jean-Michel Aphatie répond par ailleurs à la député d’extrême droite, Marine Le Pen, qui a estimé que la colonisation n’«a pas été un drame pour l’Algérie». «Marine Le Pen a déclaré récemment : ‘‘Venir dire que la colonisation a été un drame pour l’Algérie, ça n’est pas vrai.’’ J’aurais pu lui envoyer deux ou trois livres sur la question. Je ne l’ai pas fait», a-t-il indiqué, affirmant qu’il est sidérant que des écoles portent encore en France les noms de criminels de guerre.
«Une école maternelle parisienne porte toujours le nom de Lamoricière, un général de la conquête d’Algérie que Charles-André Julien, un des historiens de référence de la période, a qualifié ainsi : ‘‘Le plus inhumain de tous les grands chefs d’Afrique.’’ Que des enfants de France soient scolarisés dans un lieu portant le nom d’un criminel de guerre est sidérant», s’est-il offusqué.
Rappelons que le passage d’Apathie à l’antenne, sur RTL, avait entraîné de nombreux signalements et l’Arcom a été saisie. Lors de cette émission, il évoque l’histoire de la colonisation française en Algérie, expliquant que «la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie» et que «les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie».
Enfumades
Il poursuit : «Ce que nous avons fait, c’est que les villageois algériens se réfugiaient dans des grottes, on a muré les grottes, on a mis du bois devant les grottes, on a allumé le feu et on les a asphyxiés.» Il est toujours utile de rappeler, à ce propos, que dès les années 1840, l’armée française commençait par organiser des enfumades en Algérie.
Des populations civiles, qui ont fui dans des grottes pour échapper aux combats, ont été asphyxiées délibérément. Les soldats allumaient des feux devant l’entrée de la grotte, ce qui remplissait la cavité de fumée et consumait l’oxygène.
Cette technique préfigure les chambres à gaz, qui sont une industrialisation de la méthode. Des tribus entières ont ainsi été éliminées de façon barbare et, cyniquement, économe en munitions. Sur le plateau de RTL, la politicienne Les Républicains, Florence Portelli, trouve que ces propos sont «horribles» – pas les enfumades ! –, alors que, dans la foulée, Aphatie reçoit une volée de bois vert de l’extrême droite. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’Apathie évoque Oradour-Sur-Glaine.
Dans un édito, il en parle en janvier dernier sur le plateau de l’émission «Quotidien», sans que cela ne suscite autant de réactions qu’aujourd’hui. Retailleau et ses comparses algérophobes sont-ils passés par là ? Le journaliste, qui n’a pas participé mercredi dernier à RTL Matin, devrait être de retour la semaine prochaine, a indiqué jeudi la direction de l’antenne. «Il y a encore beaucoup de choses à dire sur le sujet. Elles seront dites», a promis Aphatie sur X.