Le roi du Maroc, Mohammed VI, semble être agacé par les derniers développements concernant le dossier sahraoui, surtout après le revers subi en Europe. Sa dernière sortie confirme, en tout cas, sa colère. Dans un discours prononcé, mercredi dernier à l’occasion de l’anniversaire de la colonisation par son pays du territoire du Sahara occidental, événement appelé dans la monarchie «La marche verte (de Hassan II)», le souverain marocain s’en prend à l’Algérie, sans la citer directement.
Décidément, rassuré par le soutien du président français, Emmanuel Macron, et surtout par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche aux Etats-Unis d’Amérique, Mohammed VI bombe le torse. Il commence d’abord par appeler les Nations unies à «assumer leur responsabilité et à clarifier la grande différence entre le monde réel et le monde légal, que le Maroc représente dans son Sahara, et entre un monde pétrifié, éloigné de la réalité et de ses évolutions».
Pour lui, «le Maroc a réussi à instaurer une réalité tangible et une vérité irréversible, sur la base du droit, de la légalité, de l’engagement et de la responsabilité». Refusant de voir la réalité en face, le roi du Maroc estime que les Sahraouis dans les territoires occupés «témoignent leur attachement au Maroc». Cela, dit-il, «a été rendu possible par la résurgence du progrès, de la sécurité et de la stabilité dont jouit le Sahara marocain, et par la reconnaissance internationale croissante dont bénéficie la marocanité du Sahara, en plus du large soutien à l’initiative d’autonomie».
Reprenant à son compte toutes contrevérités propagées jusque-là par ses trolls et ses médias, Mohammed VI accuse l’Algérie «d’utiliser le Sahara (occidental) pour masquer ses problèmes internes», en demandant, selon lui, «des choses dépassées et abandonnées par l’ONU, comme le référendum». Il estime, également, que l’Algérie, sans la citer toujours, «refuse le recensement des réfugiés sahraouis accueillis à Tindouf qui sont, selon lui, «des otages», maintenus dans des «conditions déplorables de mépris et d’humiliation, sans le moindre droit».
Des contrevérités
Continuant d’asséner ses contrevérités, il laisse entendre également que l’Algérie «veut un accès à l’Atlantique, via le territoire sahraoui». «Le Maroc, comme chacun le sait, a proposé une initiative internationale pour faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, dans le cadre du partenariat, de la coopération et de la réalisation du développement souhaité pour tous les peuples de la région.»
Sur sa lancée, Mohammed VI met en garde l’Union européenne (UE), dont la justice a invalidé tout récemment les accords commerciaux entre le Maroc et l’UE qui concernent la pêche et l’agriculture sur le territoire occupé du Sahara occidental. «Il y a aussi une autre catégorie qui détourne les aspects juridiques de cette question à des fins politiques étriquées (…) Les partenariats et les engagements juridiques du Maroc ne se feront jamais au détriment de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale», affirme-t-il dans un message adressé directement aux pays européens.
C’est pour la première fois que Mohammed VI adopte un tel ton à l’égard notamment de l’Algérie. Jusque-là, il appelait plutôt «à l’ouverture des frontières» et à l’établissement «des relations de fraternité entre les deux pays». Que s’est-il passé ? Des éléments de réponse sont à chercher dans les derniers développements survenus sur la scène internationale. Il y a d’abord le verdict de la Cour de justice européenne qui a débouté le Maroc et invalidé ses accords sur la pêche et l’agriculture avec les pays de l’UE. Cette décision a eu l’effet d’une gifle pour les autorités marocaines.
Ces dernières ont été réconfortées, un tant soit peu, par le soutien affiché par le président français Emmanuel Macron au «plan marocain d’autonomie du Sahara occidental». Mais il y a aussi un troisième événement qui, selon les observateurs, est très important. Il s’agit du retour à la tête des Etats-Unis d’Amérique de Donald Trump qui avait conclu un deal avec le Maroc en 2020. Celui-ci porte sur la normalisation des relations du royaume avec Israël, en contrepartie de la reconnaissance par les Etats-Unis de la «souveraineté marocaine sur le Sahara occidental». L’administration américaine, sous Trump, s’était même engagée à ouvrir un consulat américain à Dakhla, dans le territoire sahraoui occupé.