Après huit mois de crise diplomatique inédite : Alger et Paris actent «le retour à la normale»

07/04/2025 mis à jour: 18:24
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Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a fait part de la volonté des deux pays «d’entrer dans une nouvelle phase» et de «tourner la page» des tensions récentes.

Crise désamorcée et «retour à la normale» amorcé  ! L’Algérie et la France mettent fin à leur désaccord et tournent la page de la grave et inédite tension ayant ébranlé, de longs mois durant, leurs relations diplomatiques. 

La volonté des deux présidents, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, de renouer le dialogue, exprimée le 31 mars dernier, s’est matérialisée, avec la visite officielle, hier à Alger, du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. 

Arrivé en début de matinée, le ministre français s’est entretenu avec son homologue Ahmed Attaf, avant d’être reçu en audience par le président Abdelmadjid Tebboune. La rencontre de deux heures et demie s’est soldée par des décisions, allant dans le sens d’un «retour à la normale» et du «lever de rideau». «Nous réactivons dès aujourd’hui tous les mécanismes de coopération dans tous les secteurs. Nous revenons à la normale et, pour reprendre les mots du président (Abdelmadjid) Tebboune, 'le rideau est levé'», a déclaré Jean-Noël Barrot à sa sortie de l’audience avec le chef de l’Etat. Il a fait part, dans ce sens, de la volonté des deux pays «d’entrer dans une nouvelle phase» et de «tourner la page» des tensions récentes. «Avec le président Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de lever le rideau pour reconstruire un partenariat d’égal à égal, serein et apaisé», a-t-il affirmé. 

Poursuivant, Jean-Noël Barrot a fait part également de la décision d’enclencher «une reprise immédiate de la coopération dans tous les domaines» entre les deux pays. «Je suis venu à Alger pour porter le message du président de la République : La France souhaite tourner la page des tensions actuelles (…) Elle souhaite retrouver la voie de la coopération avec l’Algérie, dans notre intérêt mutuel et retrouver toutes les voies de la coopération dans un souci d’efficacité et de résultats pour nos compatriotes», a-t-il déclaré. Se disant réjoui d’avoir rencontré «longuement» le président Tebboune, le ministre français reconnaît que «les relations institutionnelles ne sont pas à la hauteur des relations humaines», avec de nombreuses familles franco-algériennes.

«Tous les sujets mis sur la table»

Au sujet de sa rencontre avec Ahmed Attaf, Jean-Noël Barrot assure que «tous les sujets» ont été mis sur la table. «L’idée étant de retrouver la dynamique et l’ambition fixées par les deux Présidents». Dans la foulée, il a annoncé aussi «une reprise de la coopération sécuritaire avec une prochaine réunion des hauts responsables des Renseignements des deux pays». «Nous aurons un dialogue stratégique sur le Sahel», indique-t-il, précisant aussi que les deux pays «sont pré-occupés par le retour de djihadistes (terroristes) de Syrie». 

Concernant la coopération judiciaire, il évoque une visite prévue à Alger du ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, et une invitation du Parquet financier français pour examiner le dossier des «biens mal acquis». Le parquet français, rappelons-le, s’était opposé à l’extradition vers l’Algérie de l’ancien ministre de l’Industrie, Abdesselam Bouchouareb, poursuivi dans plusieurs dossiers «de corruption». 

Sur le sujet des «mobilités», il affirme que la coopération migratoire reprend avec un traitement de questions comme les visas et les réadmissions «dans le cadre des accords existants, via des procédures normales». En matière d’échanges économiques, indique-t-il, le président Tebboune entend «donner une nouvelle impulsion».

Rencontre des patrons français et algériens à Paris 

Il annonce, dans ce sens, «une réunion des patronats français et algérien qui se tiendra à Paris le 19 mai prochain». «Le président du Medef recevra son homologue algérien du CREA le 19 mai prochain. Nous avons acté la tenue avant l’été d’une réunion du Comefa», fait-il savoir. Et d’ajouter : «J’ai eu l’occasion de rappeler les difficultés apparues ces derniers mois s’agissant du développement de nos échanges en particulier dans les secteurs agroalimentaire, automobile, du transport maritime. Le président Tebboune m’a assuré de sa volonté de leur donner une nouvelle impulsion». 

Au sujet de la mémoire, le ministre français rappelle que la commission mixte d’historiens a déjà repris ses travaux. Et l’historien Benjamin Stora est invité par Abdelmadjid Tebboune à se rendre à Alger pour poursuivre le travail sur la restitution de biens historiques. «Tout cela sera suivi à mon niveau et à celui de mon homologue (Ahmed Attaf). Nous actons la reprise du dialogue entre nos deux diplomaties et les secrétaires généraux de nos deux ministères se rencontreront dans les tout prochains jours», ajoute-t-il. 

Jean-Noël Barrot a évoqué le cas de l’écrivain Boualem Sansal qui a été condamné le 27 mars dernier à 5 ans de prison ferme et 500 000 DA d’amende. «Je souhaite enfin avoir un mot pour notre compatriote Boualem Sansal. J’appelle de mes vœux, comme l’a fait le président Macron auprès du président Tebboune, à un geste d’humanité vu son âge et  son état de santé», dit-il. Les résultats de ce premier contact direct entre les responsables des deux pays confirment ainsi que seul le dialogue paie. Les huit mois de brouille entre les deux pays n’ont profité qu’à l’extrême droite française, et certains acteurs de la droite, à l’image du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui ont déversé leur fiel et exprimé toute leur haine de l’Algérie et des Algériens. 

La crise entre les deux pays, rappelons-le, a commencé, en août 2024, avec l’annonce du président Emmanuel Macron de son soutien au plan marocain de l’autonomie du Sahara occidental. La tension s’est enflammée en automne dernier suite à l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, avant de s’exacerber, dès le début de l’année en cours, avec l’affaire de l’expulsion «d’influenceurs» algériens établis en France que l’Algérie a refusé d’accepter.   Madjid Makedhi 

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