Alors que Madrid perd un marché voisin à potentiel élevé : Les entreprises algériennes appelées à chercher de nouveaux fournisseurs

11/06/2022 mis à jour: 07:15
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A quelques jours de l’ouverture de la 53e Foire internationale d’Alger (FIA), qui connaît habituellement une forte participation du côté des entreprises espagnoles, l’Algérie suspend ses échanges commerciaux avec ce pays en réponse à sa position vis-à-vis de la cause sahraouie. Une décision prise en application de la suspension du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération avec le royaume d’Espagne. 

Dans ce cadre, les banques ont reçu jeudi dernier une note de l’Association des banques et établissements financiers (ABEF) leur demandant de bloquer toutes les domiciliations bancaires pour les opérations de commerce extérieur de produits et services de et vers l’Espagne. Une instruction mise en œuvre depuis hier et qui va sans nul doute impacter les échanges commerciaux entre les deux pays. 

L’on s’attend d’ores et déjà à ce que les entreprises espagnoles ayant réservé des stands au Palais des expositions des Pins maritimes pour prendre part à cette 53e FIA ne soient pas au rendez-vous de cette manifestation, qui permet chaque année aux opérateurs des deux pays de se retrouver pour discuter des opportunités d’affaires. 

Les sociétés espagnoles, qui fournissent leurs homologues algériens en divers produits, risquent ainsi de perdre des marchés à la suite de ce froid entre Alger et Madrid, sachant que l’importance du partenariat entre les deux parties est régulièrement mise exergue. 

L’impératif de renforcer et de consolider leurs relations économiques à travers l’exploration de davantage d’opportunités de partenariat dans divers domaines d’activité est en effet souligné à chaque fois. 

Il était question d’ailleurs de se focaliser sur les principaux secteurs que le programme d’action du gouvernement vise à promouvoir, à savoir les hydrocarbures, les énergies renouvelables, les industries manufacturières, l’industrialisation, le tourisme et l’économie du savoir. 

C’est le cas également dans le domaine commercial, l’investissement agricole et agroalimentaire, où les perspectives d’échanges étaient jusque-là prometteuses, notamment en ce qui concerne l’utilisation des technologies modernes dans ces deux secteurs.

Vers la baisse du volume des échanges commerciaux

Dans la filière viande bovine, les pertes s’annoncent importantes pour les fournisseurs espagnols. En avril dernier, le directeur des professionnels espagnols du secteur de la production de viande rouge, Javier Lopez, avait évalué ces pertes à environ 5 millions d’euros, uniquement pour le secteur de la viande rouge. «Ces pertes sont liées au renoncement de l’Algérie au marché espagnol de la viande bovine, en raison du changement de position de notre pays vis-à-vis du Sahara occidental», avait expliqué Javier Lopez sur les médias espagnols. 

L’Algérie était en effet jusque-là la première destination des viandes espagnoles exportées à l’étranger, avec environ 20 000 tonnes.

D’autres filières vont également pâtir de cette situation et l’Espagne se dirige droit vers la perte de sa place de principal fournisseur de l’Algérie. Avec un volume annuel d’échanges commerciaux entre les deux pays avoisinant les 8 milliards de dollars ces dernières années, l’Espagne était l’un des trois premiers fournisseurs européens de l’Algérie, qui a importé en 2020 pour 2,1 milliards de dollars d’Espagne, contre 2,9 milliards en 2019, soit une baisse de près de 21% en raison de la crise économique mondiale, due à la Covid-19. Une tendance qui va se confirmer cette année. 

Mais au-delà de la perte d’un marché voisin à potentiel élevé pour l’Espagne, la dernière note de l’ABEF va certainement entraîner des manques à gagner pour les opérateurs économiques qui s’approvisionnent habituellement de la péninsule ibérique. 

Et ce, même si les importations algériennes de marchandises à partir de l’Espagne ne représentent pas une dimension stratégique ni pour l’appareil productif (inputs) ni pour la consommation des ménages, selon l’économiste Brahim Guendouzi, pour qui, les opérateurs économiques dont les importations sont d’origine espagnole vont devoir s’adapter à la nouvelle situation et prospecter d’autres fournisseurs dans d’autres pays, soit de l’Union européenne ou autres. «De toutes les façons, dans le commerce extérieur, il est plus facile de perdre un fournisseur mais il est difficile par contre de perdre un client», nous dit-il. 

Et de rappeler : «Sur plusieurs années, l’Espagne a figuré comme le cinquième pays de provenance des marchandises importées, avec des montants fluctuant entre 2 à 3 milliards de dollars annuellement. Cependant, on a déjà enregistré durant ces trois dernières années un léger repli des achats à partir de l’Espagne», analyse l’expert, relevant dans ce sillage l’importance des exportations gazières vers l’Espagne. 

Si les opérateurs algériens ont la possibilité de trouver d’autres fournisseurs, «le gaz algérien est souhaité sur le marché espagnol du point de vue des prix et des quantités mais aussi par rapport à la sécurité des approvisionnements grâce aux livraisons par gazoduc», souligne M. Guendouzi. 

«La problématique qui va se poser alors est celle de l’équilibre de la balance commerciale entre les deux pays», conclut notre spécialiste en commerce extérieur. 

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