Face à de tels risques, les appels à la raison se multiplient, la cheffe de la politique étrangère de l’UE, Kaja Kallas, a déclaré : «Nous sommes très interconnectés. Nous avons besoin de l’Amérique, et l’Amérique a également besoin de nous.»
Les mesures protectionnistes de Donald Trump, qui devraient entrer en vigueur aujourd’hui, continuent à susciter des réactions. Après le Canada, le Mexique et la Chine qui ont riposté à l’imposition de taxes supplémentaires de 25% sur les importations en provenance du Mexique et la plupart des marchandises en provenance du Canada, ainsi que de 10% sur les marchandises en provenance de Chine, c’était hier au tour des dirigeants européens de monter au créneau.
Ils ont averti que la menace du président américain, Donald Trump, d’étendre les droits de douane sur l’Union européenne (UE) risquait de déclencher une guerre commerciale qui porterait préjudice aux consommateurs des deux côtés de l’Atlantique. Et ce, d’autant que les analystes préviennent d’emblée sur les risques encourus. Ils estiment même que les économies du Canada et du Mexique pourraient faire face à une récession, tandis que l’économie de la zone euro risque une nouvelle stagnation, si les tarifs douaniers la frappent.
George Saravelos, directeur mondial de la recherche sur les changes de la Deutsche Bank, a déclaré que les tarifs douaniers imposés au Canada et au Mexique placent les fabricants américains dans une situation de grave désavantage concurrentiel, augmentant la pression pour appliquer des tarifs douaniers à l’Europe. «La pression économique exercée sur les Etats-Unis pour qu’ils étendent leur barrière tarifaire à d’autres producteurs non américains bénéficiant encore de chaînes d’approvisionnement intégrées sera très forte.»
Florian Ielpo, responsable macro chez Lombard Odier, a déclaré qu’un tarif de 10% freinerait la croissance de 0,3% sur un an, à moins que l’euro ne baisse d’autant, tandis qu’un tarif de 20% pourrait réduire de moitié la croissance de la zone euro, qui est d’environ 1% attendue pour cette année.
Face à de tels risques, les appels à la raison se multiplient, la cheffe de la politique étrangère de l’UE, Kaja Kallas, a déclaré : «Nous sommes très interconnectés. Nous avons besoin de l’Amérique, et l’Amérique a également besoin de nous.» Elle s’exprimait hier avant une réunion informelle des dirigeants de l’UE à Bruxelles.
«Si nous étions attaqués sur les sujets commerciaux, l’Europe, comme une puissance qui se tient, devra se faire respecter et donc réagir», a déclaré le président français, Emmanuel Macron, en ouverture d’une réunion informelle des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE à Bruxelles.
Pour le gouverneur de la Banque centrale française, François Villeroy de Galhau, les tarifs douaniers de Trump sont «très brutaux» et frapperaient particulièrement le secteur automobile. La France craint également les mesures de Trump. Ainsi, «tout le monde est perdant dans ce genre de guerre commerciale protectionniste», a-t-il déclaré à la radio France Info.
Les marchés secoués
L’Allemagne, traditionnellement plus prudente sur la relation transatlantique et les questions commerciales, a également affiché une certaine fermeté, assurant que l’Europe saurait répliquer si nécessaire à d’éventuels droits de douane américains visant ses produits. «Les Etats-Unis et l’Europe bénéficient des échanges de marchandises, des échanges de services. Si maintenant la politique tarifaire complique cela, ce serait mauvais pour les Etats-Unis, mauvais pour l’Europe», a affirmé le chancelier allemand Olaf Scholz.
Pour sa part, le chef de l’opposition conservatrice allemande, Friedrich Merz, a déclaré dimanche soir que les droits de douane risquaient de se retourner contre eux. «Trump va désormais se rendre compte que les droits de douane qu’il impose ne seront pas payés par ceux qui importent aux Etats-Unis. Ils devront plutôt être payés par les consommateurs américains», a déclaré Merz, qui devrait devenir le chef de l’Etat allemand après les élections de ce mois-ci. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a de son côté appelé à l’unité occidentale, compte tenu des défis auxquels les deux parties sont confrontées.
Trump a, pour rappel, déclaré à l’UE qu’elle était la prochaine sur la liste après sa décision d’imposer des tarifs douaniers radicaux au Mexique, au Canada et à la Chine. «Cela va certainement arriver avec l’Union européenne. Je peux vous le dire parce qu’ils ont vraiment profité de nous», a déclaré Trump aux journalistes dimanche dernier, réitérant ses plaintes concernant un déficit commercial. «Ils ne prennent pas nos voitures, ils ne prennent pas nos produits agricoles.
ls ne prennent presque rien et nous leur prenons tout.» Les marchés n’ont pas manqué de réagir à cette guerre commerciale. Le dollar canadien, qui a enregistré sa plus longue séquence mensuelle de pertes depuis 2016 jusqu’à la fin janvier, a encore glissé vers son plus bas niveau en plus de 20 ans, à près de 1,48 pour la devise américaine.
Le peso mexicain a atteint son plus bas niveau depuis près de trois ans, l’euro a brièvement glissé de plus de 2% à un moment donné et le yuan chinois a chuté dans les échanges offshore. JPMorgan a déclaré que sans une résolution rapide, le peso mexicain pourrait éventuellement se déprécier de 8 à 12% par rapport au dollar américain, tandis que le dollar canadien pourrait chuter de 2% supplémentaires.
Les analystes anticipent également une nouvelle faiblesse du yuan chinois. Le yuan a brièvement chuté à un niveau historiquement bas sur les marchés offshore hier. Les marchés boursiers, de Tokyo à Londres, ont été secoués par une chute de plus de 1%, tandis que les contrats à terme sur actions américaines laissaient présager de lourdes baisses à Wall Street.
Les actions américaines et européennes avaient atteint des sommets historiques le mois dernier. Les investisseurs reconsidèrent également les perspectives de politique monétaire, car les tarifs douaniers risquent d’accroître l’inflation aux Etats-Unis. Ils ont réduit leurs prévisions sur une baisse des taux d’intérêt de la Fed et intègrent désormais dans leurs cours 38 points de base de baisses d’ici la fin de l’année. Cela signifie une probabilité d’environ 50% de deux baisses, par rapport à la forte probabilité anticipée vendredi.