Yazid Sabeg, ancien commissaire à la diversité et à l’égalité des chances sous la présidence de Nicolas Sarkozy, suggère, dans un entretien accordé à TSA, un plan de règlement de la crise entre l’Algérie et la France, basé sur la reconnaissance des crimes coloniaux et un retour à l’esprit des Accords d’Evian, tout en mettant fin conjointement à l’Accord de 1968.
«Aucune nation ne peut indéfiniment échapper à son histoire. Ce n’est pas une question de diplomatie ni une concession à l’Algérie : c’est une exigence de justice, une nécessité morale et politique, une dette que la France contracte vis-à-vis d’elle-même et de sa propre idée de la République.
La vérité historique finit toujours par remonter à la surface, et la France, si elle veut se réconcilier avec son propre récit national, devra franchir ce seuil», a-t-il affirmé à une question sur le fait si France finirait par assumer officiellement les crimes de guerre commis en Algérie, comme elle l’a fait pour Vichy ou la Shoah.
L’ancien patron de la Compagnie des signaux n’a pas manqué de dénoncer la position de la droite française qui entretient une obsession pour l’Algérie. «Depuis l’indépendance, cette droite revancharde, encore hantée par l’Algérie française, n’a jamais accepté la défaite historique de 1962 ni compris la nature du lien irréductible qui unissait et unit encore la France et l’Algérie.
Elle a systématiquement fait de la France un supposé mal aimé des Algériens, de l’Algérie un épouvantail, un marqueur identitaire, un instrument électoral. Derrière les discours sur l’immigration ou la sécurité ou encore l’islam ou encore la laïcité qu’elle déniât aux indigènes, c’est toujours la même logique : réactiver le mythe de l’Algérie française, flatter les nostalgies coloniales, instrumentaliser la douleur des harkis tout en méprisant la diaspora franco-algérienne», a-t-il expliqué.
Dans son plan de sortie de crise, Sabeg a appelé les deux pays à une «dénonciation conjointe» de l’accord de 1968, afin de mettre fin à une «anomalie historique». «La dénonciation conjointe de l’Accord de 1968 permettrait de solder une anomalie historique : celle d’un texte qui a réduit cette relation d’exception à une gestion purement migratoire, source d’algarades, de contentieux, d’injustices et de soupçons permanents. Elle serait le signal qu’il est temps de refonder cette relation non plus sur la crispation, mais sur le respect mutuel, les réalités, les transformations du monde et la reconnaissance des responsabilités partagées. Juridiquement, cela mettrait fin à un régime d’exception dévoyé.
Politiquement, ce serait un choix courageux : celui de deux Etats adultes, conscients que la poursuite de ce malentendu historique alimente la défiance des peuples et fragilise la diaspora franco-algérienne», a-t-il expliqué. En dernier lieu, il a mis en garde la France contre le traitement problématique de la diaspora algérienne.
«Si la France persiste à traiter cette diaspora comme un problème, elle continuera à creuser un abîme au sein même de sa société. Mais si elle la reconnaît comme une richesse, alors elle pourra enfin sortir de cette impasse historique et construire un partenariat d’avenir», a-t-il relevé. Hocine Lamriben