Adoption de la loi sur l’information : Les sénateurs bloquent l’article 22

15/04/2023 mis à jour: 23:42
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Les membres du Conseil de la nation ont adopté, jeudi 13 avril, le projet de loi organique sur l’information, présenté il y a trois jours par le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani. 

Les sénateurs ont bloqué l’article 22 du projet de texte qui stipule : «Le journaliste exerçant en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger doit détenir préalablement une accréditation. Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.» Et c’est une première dans l’histoire de la Chambre haute du Parlement. 

Ainsi, les membres du Conseil de la nation ont approuvé la réserve émise par la commission parlementaire de la culture et de l’information et de la jeunesse et du tourisme dans son rapport complémentaire. Les sénateurs motivent leur décision par «des contradictions dans les dispositions dudit article», considérant «inappropriée» la limitation du délai de la délivrance de l’accréditation pour les journalistes travaillant pour le compte de médias étrangers à 30 jours à partir de la date du dépôt de la demande. 

Les sénateurs estiment dans ce sillage qu’il est incohérent de fixer des échéances précises tout en laissant les modalités d’application de l’article en question à des textes promulgués en aval. D’où la décision de bloquer l’article, pour qu’il soit réexaminé par une commission paritaire. En effet, conformément à l’article 145 de la Constitution, cet article sera soumis, sur demande du Premier ministre, à une commission paritaire composée de membres des deux Chambres du Parlement, pour proposer une alternative à son contenu qui fait l’objet d’un désaccord. 

Les sénateurs ne comprennent pas comment cet article a pu échapper à la vigilance de leurs pairs de l’Assemblée populaire nationale (APN). Faut-il préciser que l’article en question a été amendé à l’APN et reformulé comme suit : «Le journaliste exerçant en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger doit détenir préalablement une accréditation délivrée dans un délai de 30 jours au maximum à compter de la date de dépôt de sa demande. Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.» Cet article a fait l’objet de deux propositions d’amendements. Il y a Ali Rebidj, du Front de libération nationale (FLN) qui a proposé un délai de trois mois, et Abdelwahab Yakoubi, du Mouvement de la société pour la paix (MSP), a suggéré de ramener le délai à dix jours. 

Finalement, la commission de la culture, de l’information et du tourisme, de l’APN présidée par le député Ahmed Mouaz, a tranché pour la période de trente jours. Le texte a été donc adopté le 28 mars dernier par les députés à l’exception de ceux du MSP, dans quasiment la version présentée par le gouvernement.
La commission de la culture et de la communication de l’APN a rejeté une grande partie des 54 amendements déposés par les membres de la Chambre basse. 

D’ailleurs, la séance de vote a l’APN a été marquée par une vive tension en raison d’un rectificatif apporté, la veille, par la commission de la culture, de la communication, en annulant une proposition d’amendement à l’article 4 qui a été pourtant retenue dans le rapport complémentaire arrêté à cet effet. L’amendement en question levait l’interdiction de créer des entreprises médiatiques, frappant les binationaux, dans le texte initial élaboré par le gouvernement. Une interdiction qui a été reprise, la veille de l’adoption du texte par ladite commission à l’occasion d’une réunion d’urgence. Ce qui n’a pas été pour plaire à l’auteur de la proposition d’amendement en question, Abdelouahab Yakoubi du MSP. 

En outre, ce texte de loi renforce, selon ses rédacteurs, l’encadrement du travail des journalistes en introduisant de nouvelles dispositions. Parmi les principales dispositions du texte, figure notamment l’exclusion des détenteurs de l’argent sale de tout investissement dans le domaine de la presse, l’interdiction aux médias algériens de bénéficier de tout «financement» ou «aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère» sous peine de «sanctions pénales prévues par la loi». 

L’exclusion également des binationaux du droit de détenir ou d’être actionnaire dans un média en Algérie. Si le texte stipule que «le secret professionnel constitue un droit pour le journaliste conformément à la législation et à la réglementation en vigueur», il précise que le journaliste est tenu de révéler ses sources à la justice si elle l’exige. 

A l’issue de la séance de vote au Conseil de la nation, Bouslimani a rassuré les parlementaires quant à la prise en charge «de leur propositions, préoccupations et recommandations» soulevées à travers les textes d’application de cette loi et des lois régissant l’activité de l’information, tout supports confondus. 

En réponse à une question sur la «réserve» émise par la Commission de la culture, de l’information du sénat, sur l’article 22 il a affirmé que «le gel ou la réserve sont des procédures ordinaires», expliquant que «la réserve en question concerne l’accréditation de la presse étrangère en Algérie». Notons par ailleurs que le MSP qui s’oppose aux nouvelles dispositions de ce texte de loi compte saisir la Cour constitutionnelle.

 

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