Actes des rencontres du Café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou et de Larbaâ Nath Irathen : «Nous devons agir contre l’apathie»

09/01/2025 mis à jour: 05:31
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J’ai à maintes fois eu l’occasion de dire tout le bien que pensais du café littéraire de Larbaâ Nath Irathen. J’y suis allé à plusieurs reprises et chaque fois, je fus frappé par la qualité de l’audience, de son écoute et des échanges qu’elle établissait avec les conférenciers de passage.» 

C’est par ces mots élogieux qu’a commencé Ahmed Bedjaoui, écrivain et universitaire, sa préface du tome 2 des Actes des rencontres du café littéraire et philosophiques de Tizi Ouzou et de Larbaâ Nath Irathen (El Dar El Othmania, 2024). L’auteur évoque à raison la qualité des communications : «La teneur et la portée des communications contenues dans cet opuscule témoignent, s’il en était besoin, de l’existence – ou peut-être de la persistance en dépit de tout – d’une vraie pensée algérienne, et par-delà, d’une élite nationale maintenue en marge des centres de décision (…).»

Revenant dans son avant-propos sur son expérience, Amirouche Malek, militant culturel très actif, précise qu’après le succès du premier tome des Actes des rencontres «Medias Index» (2023), l’édition du deuxième tome «intervient dans la continuité d’une démarche déjà initiée, qui consiste à capitaliser une expérience de plus de quatorze années d’intense activité livresque». Les lecteurs auront ainsi à découvrir dans l’opus plusieurs contributions d’auteurs, tous très engagés dans la lourde mission de perpétuer une culture nationale décomplexées.

 Le pédagogue de renom, Ahmed Tessa, revient sur son essai : L’enseignement du français en Algérie ou l’impossible éradication. «Pour savoir vers où se dirige le vaisseau scolaire algérien, il y a lieu de connaître son point de départ ainsi que les préparatifs de son long périple», insiste-t-il. 

Enseignant et chercheur pointilleux et ancien collaborateur exigeant à El Watan, Belkacem Mostefaoui évoque l’«espace médiatique algérien » et ses évolutions récentes. « Depuis ce que l’on a appelé un peu trop vite (peut-être) le ‘‘printemps arabe’’, la communication sur les mouvements sociaux du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord s’est trouvée au centre des discussions, nourries de spéculations interprétatives souvent hâtives et débridées. La complexité des réalités s’en est souvent retrouvée écornée », tranche-t-il.


«La culture doit revenir à la société » 

Citant quelques essais publiés ces dernières années, l’historien Daho Djerbal s’interroge sur le rôle de la femme dans la nation : «Dans ses processus de formation, et surtout dans sa constitution en Etat, la nation prend explicitement modèle sur la famille pour l’ordre qu’elle entend entretenir. Elle est donc sexuée et partage les rôles et les statuts entre les hommes et les femmes. La différence des sexes informe, traverse et lie entre elles des institutions de niveaux différents, du plus bas au plus haut. La subalternité des femmes dans la nation est donnée en modèle à toutes les autres inégalités qu’elle tente de légitimer au moyen du consensus général sur les femmes.» Fatéma Kadi-Bakhaï s’intéresse aux «Algériens et leur histoire». 

Pour l’écrivaine, les Algériens «doivent se réapproprier leur histoire, toute leur histoire et il ne s’agit pas seulement de ce ‘‘qui est effectivement arrivé’’, comme disent les historiens positivistes». Hamid Mokadem, professeur en philosophie, évoque, dans un long texte, les «conversions des transportés algériens en citoyens de la Nouvelle-Calédonie». Il démontre «comment s’est constituée une communauté calédonienne d’origine arabe (pour l’essentiel d’Algérie)» par ce qu’il dénomme «une conversion ou devenir des transportés en une communauté calédonienne d’origine ‘‘arabe’’». 

L’écrivain Hocine Belalloufi revient sur le processus démocratique en Algérie. Pour lui, «refuser l’aventurisme n’implique pas pour autant de favoriser le statu quo». L’écrivain et ambassadeur Kamel Bouchama parle, dans un long article fouillé des Berbères, ce «peuple porteur de civilisation». «L’avenir ne sera que prometteur, car, en nous inspirant des profondeurs de l’histoire, qui nous lèguent les chefs-d’œuvre de nos ancêtres, afin d’éclairer l’opinion sur des faits concrets et rendre lucides les esprits leurrés de la jeunesse…, nous devons agir contre l’apathie et la prostration de ceux, parmi les nôtres, qui ne veulent avancer ou nous laisser la place pour… avancer», insiste-t-il. 

Les autres textes, non évoqués ici, permettent de suivre, avec bonheur, le fil d’une histoire sociale et politique parfois escamotée. Naget Khadda, Arezki Chouiterm, Rachid Mokhtari, Yamilé Ghebalou, Slimane Medhar (décédé), Nora At Brahim, Rachid Chahed, Ramdane Abdenbi, Sid Ahmed Kerzabi, Fouzia Belaid… nous parlent de réalités souvent inconnues du grand nombre. Ils participent à déciller les yeux de tous. Les autrices Ouahiba Mensous-Sadmi, Kahina Temzi, Akila Kadoui évoquent des expériences plus personnelles… 

Une suggestion de Bedjaoui à soutenir : La culture «doit revenir à la société civile qui est plus à même de refléter les attentes du public, en s’appuyant sur des soutiens de l’Etat». 
 

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