Achats de l’Aïd el fitre / Oran : Une frénésie de jour comme de nuit

27/03/2025 mis à jour: 01:31
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Les commerces sont pris d'assaut par les familles à la veille de l'Aïd

La dernière semaine du noctambulisme qui caractérise le mois de Ramadhan est sans conteste celle des enfants. Ils sont, en effet, garçons et filles, remarquablement si nombreux à se faire accompagner par leurs parents le temps de longues déambulations, particulièrement dans le centre-ville et ses rues commerçantes mais aussi dans d’autres lieux, réputés comme tels, à la recherche des bonnes affaires pour mieux s’habiller le jour de l’Aïd. 

S’habiller avec du neuf et de préférence à moindre coût, et c’est là que le bât blesse. La cherté des articles proposés dans les vitrines et sur les étalages est sur toutes les lèvres, y compris par ceux qui gagnent relativement bien leur vie. «Mon aîné à 11 ans, et sa tenue, comprenant une paire de chaussures achetées à El Akid, m’a coûtée 13 000 DA, et il m’a fallu aussi débourser près de 7000 DA pour sa petite sœur», a indiqué, lundi dernier, Abdelmalek, gérant d’un café au centre-ville d’Oran, résidant dans le quartier El Akid, extension de l’ancien faubourg de Fernand ville, faisant partie de la commune de Bir El Djir. 

C’est la pression démographique interne et externe qui caractérise une grande ville comme Oran, qui a fait éclore dans sa périphérie des nouvelles zones où le commerce est florissant. Père de quatre enfants dont l’un en bas âge, donc non encore concerné, le même interlocuteur estime que les prix sont à peu de choses près les mêmes partout. «Je ne me casse pas trop la tête, et je préfère acheter dans le quartier où je réside, réputé cher, mais où on trouve des produits de qualité», ajoute-t-il. 

Quoiqu’on ait pu dire au sujet du succès de ces nouvelles zones, le centre-ville reste plus que jamais attractif, et pour preuve, le nombre de nouvelles boutiques qui ont ouvert en lieu et place d’autres activités, notamment de la restauration traditionnelle. 

La qualité, c’est aussi le souci de Mohamed, ailleurs propriétaire d’un petit commerce d’alimentation générale, et qui s’en sort plutôt bien, mais qui ne roule pas sur l’or non plus, d’où son souci de s’en sortir à moindre frais. «Je préfère effectuer mes achats chez un ami qui possède une boutique d’habillement et qui m’applique des prix d’amis, mais évidemment ça reste cher», indique-t-il avant d’annoncer la couleur, c'est-à-dire 8000 DA pour un ensemble pour l’un de ses enfants et, provisoirement, 2000 DA pour un article unique destiné à l’autre. 

 «Jusque-là, ça va, mais la ruine concerne plutôt ma fille de 16 ans qui m’a coûté près de 28 000 DA, car non seulement, les ados sont exigeants, mais en plus, les articles qui leur sont destinés sont plus chers», explique-t-il. Beaucoup des potentiels acheteurs rencontrés ce soir-là estiment qu’il faut en général réserver 10 000 DA pour espérer habiller un enfant. 

L’activité nocturne se poursuit aussi durant la journée. Il est près de 11 heures du matin, le lendemain sur l’avenue Choupot, et certains commerces ne sont pas encore ouverts, d’autres, sur le point de l’être, mais les premiers potentiels clients sont déjà à l’œuvre. C’est le cas de Abdelkader, fonctionnaire, accompagné de deux de ses enfants, mais qui ne s’est pas encore décidé : «Je n’ai pas prévu de budget spécialement pour les achats de l’Aïd, car je fonctionne au hasard, en fonction des occasions qui se présenteront au fur et à mesure de la tournée des magasins.» 

Ce quartier ancien de la périphérie du centre-ville, jadis très calme, a, à partir d’un passé relativement récent, fini par être gagné par le boom commercial des années 2000 en se spécialisant justement dans l’habillement. Il est donc de fait l’un des lieux incontournables. «Cette année, je ne sais pas trop, mais l’an dernier, pour la même occasion, j’ai dépensé environ 40 000 DA pour les besoins de mes trois enfants et leur mère», ajoute le même père précisant que cette somme risque bien de ne pas suffire.

Une batterie de promotions

Quant aux mentions «promotion» apposées un peu partout sur les vitrines, lui dit ne pas trop y croire. A titre illustratif, une paire de chaussures de sport, les plus prisées par les enfants, est proposée à 4800 DA par un vendeur qui insiste sur la qualité. Un autre, pour la même catégorie d’articles, propose lui-même, mais sans afficher le prix de départ, de le baisser jusqu’à 4000 DA. L’avenue comporte de petits magasins mais aussi de vastes espaces cumulant parfois quantité et qualité. 

C’est le cas de ce grand magasin spécialisé dans les articles de sport, mais tout aussi visité pour les besoins de l’Aïd, car les «survêts» et autres maillots et chaussures de sport font aussi partie des achats prisés par les enfants. Pour l’exemple, un article minuscule est proposé à 3400 DA. Ceux qui affluent sur ce genre d’endroits savent bien à quoi s’en tenir, mais beaucoup considèrent que c’est le prix à payer pour la qualité mais surtout pour la marque. 

En effet, un large éventail de marques les plus en vue est proposé ici. Les promotions sont visibles avec l’affichage du prix initial et celui proposé au rabais. C’est le cas de cet article proposé à 8800 DA au lieu des plus de 11 000 DA de départ. 

En fonction du prestige des uns ou des autres, les prix peuvent grimper. «Nous nous sommes préparés pour cette période de l’Aïd avec une batterie de promotions, mais comme vous pouvez le constater, nous avons affiché le document de la direction du commerce qui nous autorise à le faire», explique Mohamed qui nous montre l’autorisation en question affichée sur le mur. «Nous agissons en toute transparence», précise-t-il. 

Les produits sont fabriqués en Chine par les firmes elles-mêmes, américaines, allemandes ou autres, sous licence, et donc avec les mêmes exigences de qualité. «Je n’ai pas toutes les marques comme celle de l’équipementier japonais qu’on n’a pas le droit de vendre sauf à passer par celui qui détient l’exclusivité en Algérie, mais ce qu’il faut savoir, c’est que, plus un produit est cher, plus notre marge est faible», indique-t-il, et pour illustrer ces propos, il assure qu’un article acquis pour 40 000 DA ne peut être revendu à 50 000, mais à seulement 41 000 DA. 

Par opposition à tous ces étalages et pour les petites bourses, il reste l’incontournable Mdina Jdida, le quartier commercial par excellence et qui enregistre une affluence hors du commun durant cette période, mais uniquement de jour. Les ruelles sont bondées, les usagers agglutinés au point où pour avancer, on n’a pas d’autres choix que de se laisser entraîner par la marée humaine. 

Échoppes et étals se partagent les espaces disponibles. Là, une tenue complète est proposée à seulement 3500 DA et l’article unique à seulement 1500 DA. Ailleurs, on trouve des pantalons à seulement 1000 DA et des chaussures à pas plus de 800. 

C’est le grand bazar, et les ventes se font souvent à la criée. Une panoplie se sacs pour femmes, griffés en apparence mais personne n’est dupe, sont proposés au prix modique de 500 DA. C’est un accessoire tout aussi prisé pour meubler la journée de l’Aïd au même titre que les «djellabas», traditionnellement offertes par les maris à leurs femmes, proposées à 2500 DA. 

Le commerce de la marque existe aussi à Mdina Jdida avec par exemple cette paire d’«Adidas» (un des termes générique pour désigner la chaussure de sport) pour enfants proposée pour 5500 DA. Les écarts sont de taille, et là aussi, l’argument de la marque d’origine même fabriquée en Chine est avancé. «Des commerçants viennent nous acheter nos produits en gros (4600 DA pour la paire en question) et les revendent ailleurs y compris à El Akid», assure le gérant de la boutique. 

Le phénomène est connu, mais il fait savoir aussi que les produits proviennent également d’autres pays comme la Turquie en plus de certains produits fabriqués localement en Algérie. 

Justement, vu les prix pratiqués actuellement, il y a effectivement une place à reprendre pour l’industrie textile laminée par l’ouverture brutale du marché à partir des années 1990 ayant fait le bonheur des importateurs mais au détriment des fabricants locaux. 

De nouveaux investissements, à l’instar de celui des Turcs à Relizane peuvent enclencher une nouvelle dynamique dans le sens d’un meilleur rapport qualité prix et donc des charges de moins pour le citoyen à l’occasion des Aïds. 

Djamel Benachour 

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