Comme chaque année, les marchés, les supérettes, les boucheries ainsi que les différents commerces sont pris d’assaut, et cela dès l’approche du Ramadhan jusqu’à la fin de la première semaine.
La raison : les consommateurs préfèrent faire le plein de provision à un tarif «normal». Toutefois, cette frénésie dans la consommation entraîne très souvent une hausse des prix.
En effet, alors que la majorité des consommateurs remplissent leur caddie à débordement pensant faire de bonnes affaires juste avant le mois sacré, ils se retrouvent à payer plus cher car la demande excessive vient dépasser l’offre.
«Il y a une relation directe entre l’offre et la demande ainsi que les prix», explique tout d’abord Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA).
Selon lui, lorsque l’offre est importante, il n'y a pas de pression sur le marché. «De ce fait, le commerçant ou le producteur doit écouler une grande quantité de la marchandise. Ainsi, il sera contraint de baisser les prix afin que cet écoulement se fasse rapidement», assure-t-il.
Mais a contrario, lorsque le produit est «rare» et l’offre réduite, Hadj Tahar Boulenouar confie qu’il y a une pression sur la demande, ce qui entraîne une hausse des prix, et cela soit au niveau de la production ou bien de la distribution. Finalement, cette forte demande, que ce soit à l’approche du mois sacré et même tout au long de la première semaine, exerce une pression sur le marché, faisant augmenter les prix. «On le remarque d’ailleurs pendant les quelques jours qui précédent le Ramadhan et même les premiers jours du mois sacré. La pression sur le marché était tellement grande à travers la forte demande, qu’elle a fait augmenter les prix», se désole-t-il. Hadj Tahar Boulenouar a tenu a rassuré les consommateurs : «La quantité actuelle des produits alimentaires est largement suffisante pour satisfaire la demande.»
Cette hausse des prix est donc davantage liée à la demande qu’à l’offre. Et pour étayer ses propos, Hadj Tahar Boulenouar affirme : «D’ici quelques jours, on va constater une baisse dans les prix.» La raison, selon lui : après quelques jours, le consommateur se raisonne. «Malheureusement, nous avons une mauvaise habitude de consommation», constate-t-il.
Selon lui, le consommateur gère mal le budget quotidien. «A titre d’exemple, si en réalité, un consommateur a besoin de seulement 1 kg de tomate, il va en prendre 2. S’il a besoin de 3 baguettes de pain, il en achètera 4», précise-t-il.

(Les marchés connaissent une forte affluence durant le Ramadhan)
«La tête dans le ventre»
De son côté, Hacène Menouar, président de l’association El Aman pour la protection des consommateurs, déplore que certains commerçants n’attendent que ce mois pour «récupérer» ce qu’ils ont perdu tout au long de l’année. «Ils vont donc vendre plus en termes de quantité mais vont aussi se permettre d’augmenter les prix. Et lorsque le consommateur a “la tête dans le ventre”, il va tout de même acheter», assure-t-il.
Pour lui, la frénésie, le gaspillage, le mauvais comportement et l’irresponsabilité dans la consommation sont devenus une culture ou plutôt une inculture.
Mais encore plus grave, M. Menouar estime que cette culture s’est institutionnalisée dans notre société et cela n’a pas l’air de s’arranger, malgré les efforts des uns et des autres. «Il s’agit peut-être aussi de l’échec du travail qui n’a pas été bien fait, que ce soit par les associations, l’éducation nationale, les médias ou encore le canal de la mosquée», a-t-il expliqué.
Selon lui, l’école non plus n’a pas formé un bon consommateur responsable. Si les autorités ont intensifié leurs efforts pour garantir un approvisionnement suffisant des marchés pour cette période de grande consommation, M. Menouar estime que mettre l’accent sur l’approvisionnement du marché à l’approche du Ramadhan laisse le consommateur consommer et surconsommer pendant cette période.
A cet effet, il explique : «Il est vrai que les pouvoirs publics font tout afin de s’assurer qu’il y a plus d’offre que de demande pour que justement les prix ne s’envolent pas. Malheureusement, on tombe dans un cercle vicieux.
Car devant toute cette offre, le consommateur est tenté d’acheter plus et cela entraîne ainsi beaucoup de gaspillage.» M. Menouar pointe aussi du doigt les rafales publicitaires pendant le Ramadhan. Selon lui, ces spots poussent davantage le consommateur à consommer.
Et pour améliorer la culture de consommation, il est tout d’abord important, selon Hadj Tahar Boulenouar, de rationaliser la consommation. «Il faut aussi savoir gérer le budget local et éviter toute forme de gaspillage. D’autant plus que le gaspillage joue un rôle dans la hausse des prix.
Car si un produit reste dans les étals plutôt qu’être gaspillé et jeté, les prix vont baisser», explique Hadj Tahar Boulenouar. Pour sa part, Hacène Menouar juge nécessaire que les autorités compétentes, «notamment le ministère du Commerce, fassent un travail pérenne pour assurer de la régularité et la régulation toute l’année et cela afin de freiner cette frénésie», conclut-il.
Dossier réalisé par Sofia Ouahib