Accord de réadmission algéro-suisse : Berne loue sa coopération avec Alger

02/05/2024 mis à jour: 10:02
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Photo : D. R.

L’Algérie, de par sa position géostratégique au carrefour de l’Europe et de la Méditerranée et considérant les flux migratoires à destination de l’Europe y transitant, avait signé des accords bilatéraux de réadmission avec certains pays européens.

Entre Alger et Berne, la coopération bilatérale dans le domaine migratoire semble s'être, après quelques années de «brouille», considérablement améliorée.

L’Algérie, qui était perçue par certains influents membres du Parlement et cantons suisses, comme étant l'un des pays africains vers lesquels la Suisse éprouvait des difficultés en matière de réadmission de requérants d'asile déboutés, des personnes arrivées illégalement ou celles ayant perdu leur autorisation de séjour, est désormais l’un des pays qui coopèrent le mieux. 
«La collaboration avec l'Algérie dans le domaine du retour fonctionne très bien.

Ainsi, en 2023, 474 ressortissants algériens sont rentrés dans leur pays ; 350 volontairement et 124 sous la contrainte. L'Algérie est le pays dans lequel le plus grand nombre de requérants d'asile déboutés sont rentrés l'année dernière», se réjouit, dans une déclaration faite à notre rédaction par Anne Césard, porte-parole au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) du Département fédéral de justice et police (DFJP).

La visite en Algérie en mars 2021 de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, alors à la tête de ce Département, à la recherche, entre autres, de solutions plus incisives pour les centaines de ressortissants algériens, en situation irrégulière sur le territoire helvétique, s’avérant, ainsi, être fructueuse.

En effet, se félicitant de l'approche pragmatique et efficace adoptée dans l’application des dispositions de l’accord de réadmission – conclu entre les deux pays en 2006 et entré en vigueur en 2007 –, qui semble inspirer l’évolution de la coopération bilatérale, la représentante du SEM a, toutefois, éludé, avec diplomatie, notre question se rapportant à certaines contraintes, d’ordre autre que technique, auxquelles se seraient heurtées les autorités de son pays dans le rapatriement des sans-papiers algériens.

Puisque dans les milieux politiques suisses, il se murmurait, çà et là, que les autorités algériennes auraient, sans l’exprimer ouvertement, conditionné le rapatriement de nos harraga lesquels, bien qu’ils soient peu nombreux comparativement à d’autres nationalités, ont souvent suscité la crispation de l’opinion publique helvète, à Genève surtout, à l’extradition «des membres d'un parti déclaré hors-la-loi» en Algérie ainsi qu’à la remise de certaines personnalités politiques et hommes d’affaires impliqués dans de grandes affaires de corruption infranationale et de blanchiment d’argent, poursuivis en Algérie et se trouvant sur le territoire suisse. «Pour des raisons de protection des données, le SEM ne donne pas d'informations sur des cas individuels. Les personnes en situation irrégulière en Suisse tombent sous le coup de l'accord de réadmission.

Les personnes en séjour régulier en Suisse ne peuvent être expulsées que si elles commettent un délit grave et perdent ainsi leur titre de séjour, ou si une demande officielle d'extradition est acceptée par les tribunaux suisses», se contentera de nous dire Anne Césard. 

Nombre de ces personnalités du monde politique et des affaires qui ont pris le chemin de l’exil depuis l’avènement de la Issaba feraient partie des compatriotes en situation ayant requis l’asile dans la Confédération. Ces Algériens en séjour illégal, ou ceux à la recherche d’une protection internationale, c’est-à-dire les demandeurs d’asile, dans la Confédération, combien sont-ils au juste ? Pour les premiers, ils se comptent en plusieurs centaines, mais il n'y a aucun chiffre précis sur leur nombre total.

En tout cas, rien qu’au premier trimestre 2024, sur les plus de 7000 migrants irréguliers appréhendés, à travers tout le territoire, par les services de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), près de 350 étaient des Algériens : «Le SEM ne dispose pas de statistiques sur la question. L’application de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration est du ressort des cantons», nous a indiqué son porte-parole.

L’OFDF, un imposant mirador aux frontières

Par contre, tient-elle à souligner, «dans le cadre de son mandat, l'OFDF procède à des contrôles douaniers non systématiques dans les différents trafics (avion/routes/trains), en fonction des risques et de la situation à la frontière. Les collaboratrices et collaborateurs de l’OFDF vérifient dans le cadre de ces contrôles douaniers que les conditions d’entrée en Suisse sont remplies».

Et la même source d’ajouter : «C’est dans ce contexte que des migrants irréguliers sont interceptés. Parmi les 7382 cas de migration irrégulière constatés par l’OFDF depuis le début de 2024, 346 concernaient des ressortissants algériens.» 

Sans préciser les nationalités, l’on apprendra que l’année dernière, quelque 50 185 ressortissants étrangers séjournaient illégalement sur le territoire suisse, contre 52 077 en 2022 et 18 859 en 2021. S’agissant, par ailleurs, des migrants ayant sollicité le statut de réfugié dans le pays de la sûreté et de la sécurité absolues, au début 2024, l’Algérie était parmi les principaux pays de provenance.

Avec une centaine de demandes d’asile, notre pays, qui devance la Syrie (78 demandes), vient juste derrière l’Erythrée (195 demandes), la Turquie (265 demandes) et l’Afghanistan (1116 demandes). Mieux encore : de janvier 2019 à fin mars 2024, près de 6500 nouvelles demandes ont, au total, été déposées par nos compatriotes ; 1810 en 2023, 1362 en 2022, 1021 en 2021, 993 en 2020 et 833 en 2019.

«Effectifs» ayant propulsé notre pays à la tête du peloton maghrébin, puisque durant la période sous revue, ont été enregistrées par le SEM 3746 demandes provenant de Marocains, 1675 de Tunisiens et 786 de Libyens. En somme, «les personnes qui formulent une demande d’asile sont envoyées vers les centres fédéraux d’asile sous la responsabilité du SEM.

Pour les autres (qui sont donc en situation irrégulière), l’OFDF notifie une décision de renvoi, assortie d’un délai, afin que ces personnes quittent la Suisse et l’espace Schengen. Dans certains cantons frontaliers, les personnes peuvent être également remises aux autorités étrangères dans le cadre d’une procédure simplifiée, sur la base d’accords bilatéraux de réadmission. Les personnes ne sont ensuite plus sous la responsabilité de l’OFDF.

En d’autres termes, l’OFDF ne dispose pas de statistiques sur les personnes qui restent de façon irrégulière sur le territoire national», explique Mme Césard. Pour mémoire, en 2009, Alger et Berne avaient convenu d’un protocole où était prévu l'accompagnement des personnes expulsées vers l'Algérie par des policiers algériens.

Des chiffres et des questions

Et les candidats algériens ayant fini par obtenir le statut de réfugié, combien étaient-ils au juste ? Dit autrement, ceux que la loi suisse définit comme étant «les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques».

Les chiffres avancés par la porte-parole du SEM sont ahurissants, et c’est le moins que l’on puisse dire : une seule demande satisfaite contre 230 refus (rejets + non-entrées en matière) au premier trimestre 2024, 9 contre 948 refus durant toute l’année 2023, 7 contre 735 refus en 2022,  6 contre 804 refus en 2021, 4 contre 691 refus en 2020 et enfin 4 contre 616 en 2019.

De quelle nature pouvaient être les «arguments» mis en avant par nos compatriotes pour justifier leurs demandes d’asile ou de protection ? «Les motifs d’asile ne sont pas recensés statistiquement, quelle que soit la nationalité des requérants», tranchera Mme Césard.

Ce que confirme un parlementaire dans une motion où il interpellera, fin 2018, le Conseil fédéral à ce propos. «(...) Ni le SEM, compétent pour la saisie des données, ni l'Office fédéral de la statistique (OFS), à qui elles sont transmises, n'indiquent les motifs spécifiques de l'octroi de l'asile.

La raison en serait notamment que le système d'information central sur la migration (SYMIC) ne prévoit pas l'enregistrement des motifs d'asile», précise-t-il. Et notre interlocuteur du SEM, dont les collègues ont recensé, au 31 mars 2024, quelque 4503 résidents algériens contre 4127 en 2019, de faire remarquer que «le statut de protection n’a rien à voir avec le statut de réfugié.

Le statut de protection S est un statut collectif et provisoire, accordé aux personnes qui fuient la guerre en Ukraine. Le statut de réfugié est accordé aux personnes qui sont persécutées personnellement (ni collectif  ni provisoire)». 

Notons que, outre la Suisse, l’Algérie, de par sa position géostratégique au carrefour de l’Europe et de la Méditerranée et considérant les flux migratoires à destination de l’Europe y transitant, avait signé des accords bilatéraux de réadmission avec certains pays européens, notamment la France (28 septembre 1994), l’Allemagne (14 février 1997), l’Italie (24 février 2000), l’Espagne (31 juillet 2002), le Royaume-Uni et d’Irlande du Nord (11 juillet 2006).

Accords reposant sur des principes-clés : identification préalable, authentification de la nationalité, accord de renvoi en cas d’erreur sur la nationalité, préservation des droits acquis des ressortissants concernés et respect de la dignité des personnes réadmises.

Or, leur mise en œuvre bute souvent sur les délais trop longs enregistrés dans l’acceptation, par les pays de renvoi, de reprendre les personnes réadmises en Algérie, dont la nationalité algérienne n’est pas formellement établie après l’examen de leur situation.
 

 

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