1er Novembre et attitude des partis politiques algériens : Hésitation, réticence et puis… engagement

06/11/2024 mis à jour: 08:26
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Photo : D. R.

Aboutissement d’un long processus. Le 1er Novembre 1954, correspondant à la date du déclenchement de la Guerre de libération nationale, dont nous célébrons cette année le 70e anniversaire, n’était pas une idée venue du néant. Il est le fruit de plusieurs décennies de luttes multiformes contre un système colonial inique. Comment ces luttes ont-elles débouché sur une révolution armée ? Quel est le rôle de la classe politique algérienne de l’époque ? Des historiens nous en parlent.

Enseignant-chercheur à l’université de Bouira et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire, dont L’OS, l’Organisation spéciale, et son rôle dans le 1er Novembre, Mustapha Saâdoui revient sur le cheminement de l’idée de l’indépendance depuis le début de la colonisation jusqu’au déclenchement de la Guerre de libération. «L'idée de la lutte armée n’est pas née le 1er novembre.

Elle est très ancienne. Elle remonte au début de la colonisation. Elle a commencé d’abord dans la campagne avec Ben Zamoum (Mitidja), l’Emir Abdelkader, Ahmed Bey, El Mokrani...», précise-t-il. En revanche, la lutte politique, rappelle-t-il, débute durant la période entre les deux guerres. Et c’est dans les villes. «Cette époque a été marquée par l’éveil culturel et politique, notamment dans les grandes villes. Des jeunes élites nationalistes commencent à émerger, particulièrement dans l’immigration. Mais la revendication était beaucoup plus à caractère politique et culturel», explique-t-il.

1926, naissance du Mouvement national

Les premiers balbutiements du mouvement nationaliste algérien ont lieu au début des années 1920. Mais il a fallu attendre 1926 pour voir la naissance d’un premier mouvement politique algérien : l’Etoile nord-africaine (ENA). Fondé en France par un noyau de travailleurs immigrés, le mouvement, selon Mustapha Saâdaoui, appelle «aux réformes et à l’égalité». Mais l’ENA n’a pas vécu longtemps.

Elle est dissoute en 1929. Mais ses membres continuent à activer jusqu’en 1937, en portant toujours la revendication indépendantiste. L’idée, portée désormais par les élites politiques dans les grandes villes et en France, s’impose dans les discours des différents partis fondés durant la période précédant la Deuxième Guerre mondiale et après la victoire des Alliés : le Parti du peuple algérien (PPA), qui devient Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD, 1946), les Amis du manifeste et de la liberté (AML, 1944), l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA, 1946), le Parti communiste algérien (PCA, 1936), Les Oulémas (1931).

«Pendant la Deuxième Guerre mondiale, notamment entre 1940-1945, il y a eu des contradictions explosives entre l’espoir et la déception : espoir de l’indépendance et déception de la position des autorités coloniales. Il y a eu aussi un autre événement qui est la défaite de la France en 1940 et le débarquement des Alliés en 1942. Les Algériens ont constaté alors que le colonisateur n’était pas aussi puissant», explique Mustapha Saâdaoui.

En février 1943, ajoute-t-il, des personnalités algériennes représentant divers courants politiques ont signé le manifeste du peuple algérien. Le document fait un constat d’échec de l’intégration, dans la mesure où deux blocs sont nés : Européens et indigènes. C’est ainsi que l’idée de l’indépendance est née pour la première fois.

Le recours à la révolution et à la lutte armée prend forme, précise notre interlocuteur, après la victoire des Alliés en 1945 et les massacres du 8 Mai de la même année à Sétif, Guelma et Kherrata. «C’était la douche écossaise pour les Algériens, dont la situation sociale est devenue insupportable», indique-t-il. Toutefois, si le Manifeste du peuple algérien a réuni les différents courants politiques, l’idée de la lutte armée les a séparés. «Seul le PPA-MTLD a épousé cette priorité après son congrès de 1947. L’UDMA, les Oulémas et le PCA ont fait un pas en arrière, en appelant plutôt à un Etat fédéral ou à l’autonomie. Pour les oulémas, la revendication était axée sur l’instruction et la culture», note-t-il.

«La ferveur des jeunes»

Ainsi, la préparation de la lutte armée était assumée entièrement par le PPA-MTLD qui a créé, rappelle l’enseignant-chercheur, l’Organisation spéciale (OS). L’idée est surtout défendue par les jeunes adhérents du parti, dont le nombre oscille entre 1500 et 2000. L’autre élément déclencheur était aussi, souligne-t-il, la crise qui a secoué le PPA-MTLD en 1949. «Elle a été qualifiée de crise berbériste, mais en réalité, c'est une crise entre messalistes et centralistes.

Car à l’époque, même Mohamed Belouizdad, Ahmed Bouda et Lamine Debbaghine étaient accusés d’être des berbéristes», souligne-t-il. Mais avant le déclenchement de la Guerre de libération, l’enseignant souligne également le rôle des maquisards de Kabylie, sous la conduite de Krim Belkacem et Ouamrane, et des Aurès qui ont creusé les premiers sillons de la lutte armée à la fin des années 1940. Messaliste, Krim Belkacem, rappelle-t-il, a d’ailleurs été parmi les premiers à rejoindre les rangs du FLN-ALN sans informer la direction du PPA-MTLD.

Quant à cette dernière, sa réaction était différente. «Au début de la Guerre de libération, les messalistes ont réagi positivement et essayé de contenir la Révolution. Ils disaient que l’ALN (Armée de libération nationale) est à nous, le FLN non», relève notre interlocuteur. Mais, à la fin de l’année 1954, elle créa le MNA, qui est entré en conflit, parfois sanglant, avec l’ALN-FLN. Pour les autres partis, l’engagement dans la guerre de Libération s’est fait progressivement.

«L'arrivée d’Abane Ramdane était importante. Il a réussi à convaincre tout le monde, et c’est ainsi que l’UDMA et le PCA, qui étaient contre l’action armée, ont fini par rejoindre la Révolution. Les Oulémas, eux, étaient divisés. Par exemple, Larbi Tébessi était pour la lutte armée, alors que Mohamed Khireddine était réticent», indique-t-il.

Dans ce sens, l’auteur et enseignant d’histoire à l’université d’Oran Rabah Lounici rappelle que «l’UDMA de Ferhat Abbas comptait, en son sein, des éléments qui étaient proches du PPA-MTLD». Le PCA, ajoute-t-il, «a accepté l’adhésion individuelle de ses militants à la Révolution après son accord avec le FLN, conclu le 2 août 1956».
 

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