Zora Hamiti, plus connue sous le pseudonyme Houria les Yeux Verts, s’est produite, dernièrement, pour la soirée de clôture du Festival Algé’Rire. Rencontrée, juste avant son spectacle, l’humoriste franco-algérienne nous dévoile davantage sur son personnage et ses projets
Propos recueillis par Nacima Chabani
-Comment avez-vous été repérée ?
Je dirais que c’est le pur hasard. J’étais jeune. J’avais joué dans une pièce de théâtre dramatique Les rameaux de l’olivier, alors que j’avais que 15 ans. C’est une pièce théâtrale qui traitait du problème israélo-palestinien. Par la suite, j’ai été repérée par un producteur. Celui-ci a dit à mon père qu’il aimerait que je joue dans un long métrage pour la Tunisie. Mon père a littéralement refusé et a dit : «On arrête tout.» De mes 15 ans jusqu’à mes 35 ans, je n’ai pas pu évoluer. Ce n’est qu’à 35 ans que j’ai fait une petite vidéo, une caricature d’une émission «Rendez-vous en terre inconnue à Oran», en 2015. C’était une petite vidéo pour une amie. Cette vidéo a été reprise du Youtube et a fait 140 000 vues. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans la sauce humoristique. De là, ma carrière a débuté. J’ai été contactée, par la suite, par une grande boîte de production parisienne.
-Comment le personnage de Houria les Yeux Verts a éclos au parfum du jour ?
C’était, il y a dix ans. On faisait des canulars téléphoniques. On téléphoné à un chanteur local. A chaque fois, mon interlocuteur me demandait mon identité. Je lui disais que c’était Houria les Yeux Verts. Ce personnage est resté jusqu’à aujourd’hui. Houria les Yeux Verts n’est autre qu’une Oranaise dans toute sa splendeur (rires).
-Arrivez-vous à dissocier Houria les Yeux Verts de Zora Hamiti ou les deux personnages se complètent-ils ?
Comme je vous le disais plus haut, le personnage de Houria Les Yeux Verts est né par rapport aux vidéos que je faisais à l’époque. Ce personnage n’existe presque plus aujourd’hui. Quand je faisais des vidéos des fois, il y avait Houria qui revenait avec son franc-parler, mais sinon là dans mon spectacle actuel que je joue sur scène intitulé Enfin moi, c’est vraiment ma vie à moi : celle de Zora Hamiti.
-Justement, vous allez présenter votre nouveau spectacle Enfin moi pour la première fois en Algérie. Comment a-t-il été conçu ?
Ce spectacle a été écrit pendant la pandémie de Covid-19. J’avais déjà besoin de raconter mon histoire personnelle, car celle-ci ressemble à celles de pas mal de femmes. J’ai abordé dans mon nouveau spectacle des thèmes d’actualité dont, entre autres, le divorce, l’éducation des enfants, mon vécu avec mes parents et ma jeunesse. J’avais besoin de transcrire toutes ces questions sur scène. En somme, c’est mon histoire personnelle que je raconte sur scène et que je tourne à la dérision.
-Cela a-t-il été difficile pour vous de vous dévoiler, du jour au lendemain, au public en tant qu’humoriste ?
Pour ne rien vous cacher, cela a été très difficile de me dévoiler en tant que femme et mère. A travers mon spectacle, j’ai voulu rendre hommage à mes parents, surtout à mon papa qui s’en voulait. Il s’est, probablement, qu’il a arrêté le théâtre à sa fille étant jeune et voilà que le destin l’a rattrapé une dizaine d’années plus tard. Au fond de moi-même, je me dis que de toutes les façons, c’était ma destinée d’être aujourd’hui une humoriste. Il faut dire que c’est toujours un plaisir d’accueillir ses parents lors d’un spectacle. Mon père est venu voir, pour la première fois, mon spectacle, en janvier 2023 en France. Fin 2022, il s’est fait opérer du cœur. Je suis, d’ailleurs, très fusionnelle avec lui. J’avais besoin qu’il voit ce spectacle.
D’ailleurs quand il a vu le monde autour de moi – il y avait plus de 1500 personnes dans la salle – il a été ému de voir tous ces gens venir applaudir sa fille. Dans mon spectacle, j’ai voulu aussi délivrer un message aux papas émigrés qui ont tout lâché dans leur pays pour venir s’installer en France. Ils se sont sacrifiés. Nous sommes huit enfants. Papa travaillait à l’usine. C’était très dur. Durant l’année, ma mère faisait des petites retouches de vêtements. Avec cet argent, elle arrivait à subvenir aux besoins de notre famille nombreuse. Mon père, pour sa part, mettait de l’argent de côté pour que l’on puisse partir chaque été en vacances en Algérie, plus précisément à Oran. D’où mon accent oranais (sourires). Et puis, mon père tenait à nous parler en arabe pour la transmission de la langue et pour les valeurs ancestrales. Sans prétention aucune, je pense que mon spectacle est à grande charge émotionnelle.
-Sinon, quel rapport entretenez-vous avec l’humour ?
L’humour m’habite. C’est pour ainsi dire ma thérapie. De savoir que je sème de la joie autour de moi me rend heureuse. Je reçois beaucoup de messages sur les réseaux sociaux de personnes qui étaient présentes lors de mes spectacles. Elles se reconnaissent dans mes prestations. Ces gens m’avouent qu’ils ont vécu les mêmes épreuves et qu’ils ont fait une évasion par mon spectacle. Cela est pour moi une reconnaissance incroyable. Je me dis que j’ai réussi ma mission. Je me fais du bien et je fais, aussi du bien à mon public.
-Outre la France, votre deuxième et dernier spectacle Enfin moi a été présenté un peu partout dans le monde ?
Ce deuxième spectacle Enfin, moi a tourné et continue de tourner en France. Nous avons fait, dernièrement, l’Olympia de Montréal. Nous serons prochainement dans d’autres pays, dont entre autres Dubaï et le Qatar.
-Sinon, quels sont les humoristes algériens et étrangers que vous appréciez ?
L’humoriste algérien Abdelkader Secteur est pour moi une référence. C’est un humour propre. On a aussi, en Algérie, une jeune étoile montante Yamna. J’aime beaucoup ce qu’elle fait. Sinon pour mes anciennes références, c’est l’Inspecteur Tahar. J’en suis fan. Je connais pratiquement toutes ses répliques. Quand j’étais enfant, je disais souvent à ma mère de me mettre ses cassettes. Quel régal. Parmi les humoristes étrangers, j’aime bien ce que fait l’humoriste et l’acteur Gad Elmaleh, et ce, toujours dans l’esprit propre. Pareil, pour l’humoriste et actrice française Florence Foresti. C’est un humour qu’on n’a pas peur d’apprécier quand on est en famille. On est à l’aise. Je suis pour ce genre d’humour.
-Après Enfin Moi, avez-vous un autre projet humoristique enfoui dans un de vos tiroirs ?
Il y a toujours quelque chose à raconter avec l’entourage et avec les Algériens (rires). Nous sommes un peuple marrant malgré nous. Pour ne rien vous cacher, j’aimerais, par la suite, faire une pièce de théâtre. J’aimerais faire quelque chose de complètement décalé. J’aimerais prendre une histoire surdimensionnée au niveau de l’écriture.
-Étant une femme de scène, selon vous, quelle est la différence entre votre public algérien et étranger ?
On voit que le public en Algérie est assez fusionnel. On a l’impression qu’on leur appartient. Ce public me comprend au quart de tour. C’est un public chaud, à l’image de l’Algérie. En France, j’ai un public algérien et de toutes les nationalités qui découvre mon univers sur scène. Je pense qu’ils sont satisfaits du rendu.
-Zora Hamiti connaît aussi, assez bien, les coulisses du cinéma, notamment français ?
J’ai été sollicitée pour le cinéma en France à plusieurs reprises pour des plateformes digitales. Mais je dois dire que les rôles qu’on nous propose ne respectent pas l’image de la femme algérienne. J’ai des principes et des valeurs. J’ai une famille, une patrie, surtout l’histoire de l’Algérie. Il y a une sacrée histoire entre la France et l’Algérie. Je ne pourrais jamais accepter un rôle qui nuirait à l’Algérie. Les rôles qu’on me propose ne me conviennent pas. Récemment j’ai été contactée par une chaîne de télévision française pour le rôle d’une fille qui se marie avec un Français. Ce dernier lui a déchiré ses papiers. Je dis mais non. Il y a de belles choses à montrer. On a des enfants d’émigrés qui sont médecins, chirurgiens, juges ou en encore avocats. J’estime que tant, on ne me proposera pas un rôle à la hauteur de qui est la personne algérienne, je refuserai tout contrat. Sinon, j’ai incarné plusieurs rôles dans le passé, assez marrant.
-Un dernier mot ?
Je voulais simplement dire que c’est un honneur de venir présenter mon spectacle en Algérie. J’ai toujours refusé de jouer de petits passages pour des galas, car je voulais vraiment venir dans mon pays avec mon spectacle. Je n’oublierai jamais que c’est le peuple algérien qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Et que je puisse vivre de ma passion. J’espère revenir en Algérie pour faire une tournée nationale, et ce, avant la fin de l’année en cours ou bien début 2024.